Près de 3 000 enfants dorment dans la rue. Plusieurs collectifs tentent de visibiliser leur situation. À Lyon, jeudi 9 novembre, la députée écologiste Marie-Charlotte Garin a passé la nuit avec une famille sans toit pour donner de la visibilité à l’indignité. Elle raconte.
Les équipes éducatives des écoles peuvent être confrontées à des situations dramatiques de leurs élèves, comme des familles sans toit. L’École devient alors un lieu d’alerte citoyenne et d’organisation des solidarités, des personnels et des parents d’élèves, soutenus par des associations, des syndicats, des collectivités mobilisées pour défendre le droit fondamental des familles d’accès à un logement. En France, 2822 enfants sont sans solution d’hébergement, d’après Unicef France et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Depuis 5 semaines, l’école Mazenod dans le 3e arrondissement de Lyon est occupée par une famille avec le soutien du collectif Élèves sans toit (Réseau national d’aide aux élèves sans toit qui coordonne et essaime les collectifs en appui d’associations nationales engagées dans la lutte contre le mal logement et la défense des droits de l’enfant).
L’école ou la rue : Donner de la visibilité à l’indignité
La députée écologiste Marie-Charlotte Garin a passé la nuit avec une famille sans toit pour donner de la visibilité à l’indignité. Les chiffres des enfants sans abri à Lyon (plus de 200 en octobre) sont trois à quatre fois plus élevés que l’année précédente à même période «et c’est de plus en plus tôt» : « Neuf écoles de Lyon sont occupées pour mettre à l’abri des familles sans toit, auxquelles vont s’ajouter deux autres écoles la semaines prochaines ». « La solidarité s’organise à partir de l’école, car les enfants parlent». La députée souligne l’action collective à laquelle elle participe, ne cachant pas son admiration pour l’énergie et le travail effectué par le collectif Jamais sans toit. Elle décrit le goûter solidaire, l’engagement des parents, de l’équipe pédagogique, des collectifs, des commerçants. Jeudi, elle a partagé un peu du quotidien de la famille qui occupe l’école Mazenod depuis 5 semaines. Elle raconte: «Les deux garçons ont fait leurs devoirs […], j ’avais la petite sœur de quelques mois dans les bras […], puis tu installes ton tapis de sol, ton duvet, tu vas te brosser les dents dans les toilettes de l’école et tu vas te coucher tôt car les enfants ont école. Je voyais cette poussette à côté de moi, ça a été dur de trouver le sommeil. […]. Le matin, hop ils doivent faire disparaître leurs affaires, ne laisser aucune trace… C’est pas une vie, c’est mieux que la rue , mais ce n’est pas à la hauteur». Marie-Charlotte Garin rappelle que la journée, les familles quittent l’école et qu’il n’y a pas de douche dans l’école.
La députée Marie-Charlotte Garin s’indigne: «ce n’est pas normal de supplier pour mettre à l’abri, pour des miettes de dignité». Parce que la solidarité citoyenne ne peut se substituer aux pouvoirs publics, la députée porte ce combat à l’Assemblée Nationale.
La députée alerte sur la crise du logement et dénonce le désengagement de l’État
La nuit à l’école de la députée s’inscrit dans une mobilisation longue à Lyon, dans sa circonscription, pour les élèves sans hébergement, elle veut alerter sur «la situation de crise inédite liée au manque de places en hébergement d’urgence».
Confrontée au désengagement de l’État, la ville Lyon a fait 350 mises à disposition du patrimoine local pour proposer des solutions d’hébergement. Alors que cela ne relève pas de ses compétences, elle se retrouve à travailler sans les moyens humains ni financiers pour pallier au mieux l’absence de l’État. La ville paie des locaux, leur entretien et l’ accompagnement social des mises à l’abri. «Lyon, comme d’autres villes, a lancé un recours contre l’État, attaqué l’État en justice qui ne paie pas et laisse les collectivités gérer seules une crise humaine. Cela créée des situations compliquées, les collectivités essaient, et donc les collectifs attendent beaucoup des villes.»
Marie-Charlotte Garin poursuit: «Cette situation est le fruit d’une double crise, d’un côté, la crise de l’accueil car on n’accueille pas correctement et d’un autre la crise du logement, on n’a pas assez de logements accessibles et de logement sociaux. Les travailleurs sociaux sont épuisés et au désespoir de ne pas pouvoir proposer plus qu’une couverture.»
Des amendements pour la création de places en hébergement d’urgence balayés par le 49.3
Pour faire face à ce niveau d’urgence, les associations comme la fondation l’Abbé Pierre ou la Fédération des acteurs de la solidarité, préconisent la création de 10 000 logements.
La députée écologiste multiplie les alertes, question au gouvernement, lettre adressée à la Première Ministre signée par une soixantaine de parlementaires, «une conférence de presse transpartisane et des amendements transpartisans ont été votés en commission des finances à l’Assemblée nationale, avec la proposition de 10 000 places hébergement d’urgence qui a été retoquée par le recours du 49.3». «Les associations sont dans une colère noire, ces places sont nécessaires. C’est une honte.» Marie-Charlotte Garin plaide également pour faire respecter la loi SRU pour la construction des logements sociaux sur tout le territoire.
Remettre l’École au centre du village
Pour Marie-Charlotte Garin, « l’Ecole, c’est un sanctuaire, à préserver ». Elle développe sa vision de l’Ecole: « c’est à l’Ecole qu’on construit la société de demain. C’est à l’école qu’on construit le vivre ensemble, l’éveil à la différence. Je pense qu’on a saboté l’école publique en ne lui donnant pas assez de moyens, elle perd cette force-là, parce qu’elle est en train d’essayer de sauver les meubles. J’ai l’image d’un navire qui coule, on essaie de vider l’eau avec une petite tasse. Pourtant l’Ecole publique est notre bien le plus précieux. Il y a un véritable enjeu de remettre énormément de moyens à l’école pour lui permettre de remplir toutes ses missions. Plutôt que d’inventer 10 000 dispositifs en plus, il faut remettre l’Ecole au milieu du village. »
L’Ecole apparaît dans les luttes comme un dernier rempart contre l’indifférence, un bastion de solidarités citoyennes, en réseau avec des familles, des collectifs et associations, des élus. Et ce même dans un moment où l’Ecole publique est fragile, elle incarne et porte les combats et valeurs humanistes et républicaines de fraternité et d’égalité.
Djéhanne Gani