Le harcèlement scolaire a focalisé, au cours des dix dernières années, l’intérêt croissant des parents, des professionnels du monde éducatif, des responsables politiques et des médias.
S’il couvre des pratiques anciennes, il est depuis peu regardé comme un phénomène social préoccupant auquel chacun tente d’apporter des réponses parfois antagonistes. Il est utile de se pencher sur les formes et l’ampleur du harcèlement et de décrypter les dispositifs mis en place par le ministère de l’Éducation nationale en la matière, centrés sur l’écoute de la parole des victimes et les vertus du dialogue. L’objet de la présente note, publiée à l’occasion de la journée nationale de lutte contre le harcèlement à l’école le 7 novembre 2024, est de redonner sa place à la sanction dans l’arsenal mis à la disposition du corps enseignant.
Définition et mesure statistique du harcèlement scolaire en France
Face à une notion qui couvre des attitudes et pratiques diffuses et variables, une première approche définitionnelle s’impose, pour tenter de circonscrire le sens du harcèlement, lequel, avec le développement des nouvelles technologies, a également changé de forme. Les premières études statistiques menées en la matière permettent aussi d’en mieux mesurer l’ampleur. Selon une étude publiée par le ministère de l’Éducation nationale en février 2024, le harcèlement toucherait entre 4 et 6 % des élèves, avec un pic en collège ; 11 % des collégiens et 7 % des lycéens disent recevoir « souvent » ou « très souvent » des moqueries ou des insultes ; 15 % des collégiens et 13 % des lycéens disent recevoir « parfois », « souvent » ou « très souvent » des insultes sur les réseaux sociaux ; 30 % des écoliers, 22 % des collégiens et 12 % des lycéens déclarent connaître un élève harcelé au sein de leur établissement.
Fondé sur la méthode de la « préoccupation partagée », le programme de lutte contre le harcèlement à l’école du ministère de l’Éducation nationale privilégie l’écoute et le dialogue et ignore très largement la sanction
Le ministère de l’Éducation nationale a mis en place, au cours des dernières années, une série de procédures, tout particulièrement le protocole pHARe – programme de lutte contre le harcèlement à l’école –, dont nous nous attachons à mesurer les apports et à dégager les limites. Il se fonde notamment sur une variante de la méthode d’Anatol Pikas, connue sous le nom de « préoccupation partagée », démarche fondée sur l’écoute, le dialogue, le ressenti, la suggestion. Comme les autres méthodes existantes à l’étranger (méthode Farsta, « No Blame Approch »), il rejette très largement toute idée de sanction. Il apparaît que, dans toutes ces démarches, l’effort est déséquilibré entre l’amont et l’aval : il se concentre sur la prévention et la détection, mais donne rarement lieu à des réactions proportionnées.
Cinq pistes de réflexion pour retrouver le sens de la sanction éducative
L’objet de la présente note est de renouer avec un débat insuffisamment mené en France : le sens et les formes de la sanction éducative, indispensable si l’on veut mettre un terme à l’impunité des harceleurs. Pour ce faire, nous avançons cinq pistes de réflexion complémentaires qui passent en premier lieu par la reconnaissance de la complémentarité du dialogue et de la sanction, la réintroduction de la verticalité dans la relation éducative et la réinstauration de l’enseignant comme figure d’autorité dans sa classe, pour aboutir à la revalorisation opérationnelle de deux sanctions qui doivent redevenir réalité dans l’école : la retenue et l’exclusion (temporaire et définitive).
Lyvann Vaté, chercheur associé à l’Institut Thomas More
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