Ce lundi 2 septembre, écoliers et professeurs rejoignent leur établissement pour la rentrée scolaire. Pour ceux qui pensaient faire l’école buissonnière et profiter de quelques jours de vacances supplémentaires, c’est raté car depuis le 28 mars 1882 et à l’initiative du ministre Jules Ferry (1832-1893), l’enseignement en France, déjà gratuit, est devenu obligatoire et laïque.
La gratuité
Devenu ministre de la République et de l’Instruction publique le 4 février 1879, Jules Ferry va amener de profonds changements au sein du monde de l’enseignement en imposant tout d'abord, par la loi de 1881, la gratuité de l’école. Cette nouvelle législation n’est pas une révolution mais le simple prolongement des lois Guizot de 1833 et Duruy de 1867 qui, déjà, exemptaient les enfants de familles pauvres de payer pour avoir accès à l’éducation et encourageaient les communes et municipalités à financer les écoles pour faciliter l’accès de tous aux savoirs. Ferry n’a ainsi que généralisé la gratuité de l’enseignement à toute la France en supprimant les derniers obstacles : « Il ne sera plus perçu de rétribution scolaire dans les écoles primaires publiques, ni dans les salles d’asile publiques [ancien nom de l’école maternelle] Le prix de pension dans les écoles normales est supprimé ».
L’obligation scolaire
Le deuxième objectif de Jules Ferry est de faire voter par l’Assemblée nationale l’obligation scolaire. En effet, malgré la gratuité, beaucoup d’enfants échappent à l’instruction à cause de leur famille. Dans les milieux agricole, artisanal ou commercial, les parents font bien souvent appel à leur progéniture pour les aider aux champs, à l’atelier ou au magasin. La République souhaite émanciper ces citoyens par le savoir et les faire sortir de la misère sociale et économique. Ainsi la loi du 28 mars 1882 prévoit, pour le plus grand malheur de nos écoliers adeptes de l’absentéisme, que « l'instruction primaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, âgés de six à quatorze ans révolus ». Les successeurs de Jules Ferry au poste de ministre de l’Instruction publique puis de l’Éducation nationale augmenteront progressivement la limite d’âge jusqu’à 16 ans en 1959.
La laïcité
Si, aujourd’hui, la laïcité est sacrée au sein de nos écoles, au nom du respect de la liberté de chacun de croire ou de ne pas croire, la motivation originelle de cette idée est toute autre. En effet, la République française au XIXème siècle voit d’un mauvais œil la présence de religieux au sein des écoles et notamment ceux de la religion majoritaire sur le territoire : la puissante Église catholique. Pour nos anciens politiques anticléricaux, l’homme moderne doit se séparer des superstitions religieuses du passé pour être libre et avancer. Le citoyen français doit être aussi entièrement fidèle à sa patrie et ne pas avoir d’autres intérêts que ceux de la République. Ainsi, l’éducation religieuse est remplacée par l’éducation civique et les écoles de France ne forment plus des croyants mais des citoyens. Par la loi du 28 mars 1882 : « Sont abrogées les dispositions [qui] donnent aux ministres des cultes un droit d'inspection, de surveillance et de direction dans les écoles primaires publiques et privées et dans les salles d'asile ». Gracieusement, la République accorde quand même « un jour par semaine, en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s'ils le désirent, à leurs enfants, l'instruction religieuse en dehors des édifices scolaires ».
Eviter de blesser
Jules Ferry souhaite cependant rester modéré. Ne voulant pas passer pour un antireligieux, il préconise que « le maitre doit éviter comme une mauvaise action tout ce qui dans son langage ou dans son attitude blesserait les croyances religieuses des enfants confiés à ses soins, tout ce qui porterait le trouble dans leur esprit, tout ce qui trahirait de sa part envers une opinion quelconque un manque de respect ou de réserve » (Lettre aux instituteurs du 17 novembre 1883). Néanmoins, son œuvre politique constitue une victoire mais aussi une avancée cruciale pour les anticléricaux souhaitant la séparation définitive de l’Église et de l’État qui advient en France en 1905. Seules, l’Alsace et la Moselle, sous domination allemande depuis 1871, échappent à ces lois. Ainsi, lors de leur rattachement avec la France en 1918, le Concordat de 1801 est toujours maintenu malgré des tentatives de réforme et de suppression. Ce faisant, aujourd’hui encore, l’enseignement religieux est toujours dispensé au sein des écoles publiques de cette région.
Si aujourd’hui la gratuité et l’obligation scolaire ne sont plus remises en question en France, plus d’un siècle après la promulgation de ces lois par Jules Ferry, la laïcité demeure un sujet délicat. Ces dernières années, le port du voile et de l'abaya au sein des sanctuaires des hussards noirs de la République a été le foyer de nombreuses polémiques.
Eric de Mascureau