Pour l’ONU, en matière de respect au droit à une alternative scolaire, la France est un mauvais élève.
L’Organisation des Nations Unies alerte sur la violation potentielle du principe de nécessité et de proportionnalité de la nouvelle loi française régissant l’instruction en famille, reconnue comme une alternative éducative au même titre que l’école privée sous contrat et hors contrat. L’ONU demande aussi à la France de « prendre les mesures nécessaires » pour respecter la liberté des familles de choisir une alternative à l’école, selon l’article 13.3 du Pacte international des droits sociaux économiques et culturels ratifié par la France (*).
A la suite de nos recommandations adressées à l’ONU aux côtés d’autres associations et notre discours prononcé au siège de l’organisation à Genève, Liberté éducation se félicite de la position prise par le comité des Nations Unies en charge de veiller à l’application du Pacte international relatif aux droits sociaux, économiques et culturels.
En effet, l’ONU a reconnu que l’article 13.3 de ce Pacte international qui protège la liberté éducative des parents de choisir des établissements autres que ceux des pouvoirs publics s’applique bien à l’instruction en famille.
C’est bien reconnaître que l’instruction en famille est une alternative éducative au même titre que celle des écoles sous contrat ou hors contrat.
Par ailleurs, le comité a montré son inquiétude quant à la limitation drastique de cette liberté éducative venue du régime d’autorisation instauré par la loi sur le séparatisme du 24 août 2021, qui se chiffre à 39,3% de refus sur tout le territoire national, avec de nombreuses disparités et inégalités de traitement.
L’ONU s’est montrée sensible à la détresse des familles
L’ONU s’est montrée sensible à la détresse des familles qui ont fait face à un refus arbitraire pour plus de 11.500 enfants en deux ans, alors que 71% des familles sont encore protégées par les deux années de dérogation accordées par la nouvelle loi d’août 2021.
Il est également important de noter que le Comité de l’ONU alerte sur la violation potentielle du principe de nécessité et de proportionnalité. Nous avions déjà évoqué à quel point la loi dite séparatisme avait, sur le fondement d’un risque imaginaire, à savoir une soi-disant dérive séparatiste de l’instruction en famille, instauré un régime qui n’était ni proportionné, ni nécessaire.
La pratique de ce régime avec des refus de plus en plus en plus nombreux concentrés sur le motif pédagogique montre bien la violation du principe de proportionnalité.
L’ONU demande à la France de respecter les besoins et l’intérêt supérieur de l’enfant
Enfin, l’ONU demande à la France de respecter « les besoins particuliers » ainsi que « l’intérêt supérieur de l’enfant », « en tenant compte » de la possibilité pour les parents de choisir une alternative à l’école. C’est bien montrer que loin d’être le garant de l’intérêt supérieur des enfants, l’Etat français a en réalité porté atteinte à l’intérêt supérieur de ces enfants et à leurs besoins particuliers.
De très nombreuses familles dont les enfants souffrent de troubles de l’apprentissage, de l’attention ou de pathologies diverses (handicap, etc.) voire même harcelés se voient niés dans leurs spécificités ou dans leurs souffrances psychiques, ajoutant ainsi, pour ces enfants, encore de la souffrance à la souffrance.
L’Etat français est donc tenu de respecter ces familles et leurs choix pour le bien de leurs enfants, dont les parents sont les premiers et principaux éducateurs.
Une nouvelle proposition de loi
Il est enfin intéressant de noter que cette prise de position de l’ONU contre la France au sujet de l’instruction en famille intervient de manière concomitante à la nouvelle proposition de loi du député Xavier Breton déposée à l’Assemblée nationale, et qui vise à rétablir le régime déclaratif bien plus respectueux du libre choix des familles.
Soutenir cette proposition de loi pour qu’elle soit portée à l’ordre du jour de l’Assemblée devient urgent puisqu’en mars 2024, l’ensemble des familles exerçant l’école à la maison ne pourra plus bénéficier du régime dérogatif de plein droit. Ces familles se verront donc contraintes de constituer un dossier de demande d’autorisation, même pour celles qui exercent ce droit humain inaliénable depuis de nombreuses années.
A défaut de proposition de loi et d’une nouvelle réglementation, ce sont toutes ces familles qui se trouveraient menacées, en violation complète du Pacte international relatif aux droits sociaux économiques et culturels des Nations Unies, que la France a pourtant ratifié.
Le combat doit plus que jamais continuer pour que la France se mette en conformité avec ce Pacte international de l’ONU. Comme avec bien d’autres conventions internationales, citons par exemple la Convention internationale des Droits de l’Enfant (article 12-1), la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (article 26,3) ou encore la Charte des Droits fondamentaux de l’Union Européenne (article 14,3).
S’il ne prend pas acte de cette condamnation de l’ONU à se conformer aux exigences pour lesquelles il s’est pourtant engagé, l’Etat français devra rendre compte tôt ou tard du non-respect du droit international, surtout en matière de droits humains fondamentaux.
Nous luttons pour une juste cause, celle de nos enfants, et tôt ou tard, nous finirons par l’emporter.
Extraits de la prise de position de l’ONU
Le Comité indique être préoccupé par les informations sr les dispositions introduites par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République qui limiteraient la possibilité de pouvoir accéder à l’instruction en famille.
Le Comité recommande à la France de prendre les mesures nécessaires pour « assurer que les principes de nécessité et proportionnalité, ainsi que les besoins particuliers et l’intérêt supérieur des enfants soient dûment pris en considération lors de la prise de décision sur l’autorisation de l’instruction en famille, en tenant compte spécialement de l’article 13.3 du Pacte.
(source – points 53 et 54 – serveur de l’ONU section France)
Article 13.3 du Pacte des droits sociaux économiques et culturels de l’ONU
Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l’Etat en matière d’éducation, et de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants, conformément à leurs propres convictions.
(*) Le Comité des Droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU a examiné le cinquième rapport périodique de la France à ses 41ème et 43ème séances, les 2 et 3 octobre 2023, et a adopté les présentes observations finales à sa 60ème séance, le 13 octobre 2023. Ces dernières ont été publiées le 16 octobre.