Les Jeux olympiques de 2024 se tiendront dans sept mois. Il paraît que Paris est fin prêt ; enfin, pas tout à fait, à en croire les passes d’armes entre Anne Hidalgo, maire de la Ville lumière, et Valérie Pécresse, présidente du Conseil régional d’Île-de-France, toutes deux brillantes compétitrices à la dernière élection présidentielle. Comme c’est encore un peu Noël, on ne rappellera pas leurs résultats. Il faut savoir rester chrétien.
En attendant, les brillants esprits de l’Hôtel de ville turbinent à plein régime, à en juger du nouveau « look » de la place de la Concorde. On attendait les JO ? Le résultat serait un peu entre musée de l’horreur et fête à neuneu. D’où ce message posté sur X par Jérôme Godefroy, ancien journaliste d’Europe 1 et de RTL se définissant aujourd’hui comme « boomer perplexe » : « La Place de la Concorde est classée monument historique depuis 1937. Elle est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco. Il faut déposer un dossier auprès des architectes des Bâtiments de France pour changer une espagnolette à une fenêtre de l’Hôtel de Crillon. »
Résultat ? Un amoncellement d’installations sportives où le laid le dispute au grotesque. Et notre homme d’ajouter : « Mais la mairie de Paris, en toute impunité, se vante de transformer régulièrement ce lieu hautement emblématique de l’Histoire de France en cour de récréation. Dernier avatar de cet avilissement : le “Concorde Park” (admirez le franglais) installé pour deux mois. »
Voilà qui devrait nous donner un avant-goût de ce qui attend le réaménagement des lieux, en prévision des JO en question. Car là, devraient se tenir de nouvelles disciplines n’entretenant que de très lointains rapports avec les olympiades athéniennes de jadis : « skateboard (street et park), BMX freestyle, basket 3X3 et breaking », nous disait déjà L’Équipe, en juin 2021, s’enthousiasmant que la place de Concorde devienne le « futur spot des sports urbains. » Le skateboard (planche à roulettes), le BMX (bicyclette à acrobaties), le basket 3X3 (basket de rue) et le breaking (danse façon rap à cabrioles) sont déjà des disciplines olympiques. Pourquoi pas ? Mais à ce compte, ne faudrait-il pas intégrer la danse classique aux JO, danseurs et danseuses étoiles étant eux aussi des athlètes confirmés ?
Mais c’est peut-être moins dans l’air du temps, à en croire Abdel Mustapha, entraîneur-coordinateur national de l’équipe de France de breaking, toujours cité par L’Équipe : « C’est énorme ! Le break est né dans le Bronx, a grandi dans les banlieues et se retrouve place de la Concorde. C’est une belle image contre les clichés. Le break ne n’est pas embourgeoisé, il s’est démocratisé. » Un discours que vient officialiser le champion olympique Tony Estanguet, président du Comité d’organisation des festivités : « Paris 2024 veut mettre en valeur cette culture des sports urbains, s’adressant à des publics jeunes qui consomment le sport différemment. » Ne manque plus qu’à inscrire le rodéo urbain à moto pour 2028 et ce sera carton plein.
Qui nous rendra Niké ?
Quel aveu. Nous qui pensions que le sport était l’art du dépassement de soi, voilà qu’il est ravalé au rang de simple objet de consommation. Autrefois, Niké était la divinité de la gloire et du triomphe ; aujourd’hui, il ne s’agit plus que d’une marque de godasses.
Au fait, s’il s’agit absolument de mettre à l’honneur des sports pratiqués dans les quartiers populaires, ne pourrait-on faire de même de disciplines fameuses dans d’autres « quartiers », tout aussi « populaires » ? Le 421, par exemple. Car, là aussi, il y a de la noblesse dans le lancer de dés, élégance du poignet et souplesse du coude, surtout quand on le lève. Ce sport est d’ailleurs tout aussi inclusif, sachant qu’à chaque partie, le perdant offre la tournée aux autres. Le palmarès aurait de la gueule (de bois) : au bout de deux heures, les trois derniers joueurs tenant encore à peu près debout auraient le droit de tituber jusqu’au podium.
En revanche, la fête à venir ne devrait pas être aussi « populaire » que ça, tel que s’en inquiète Le Figaro magazine de ce 29 décembre : « Avec des prix moyens à 699 euros par nuit, soit 314% d’augmentation, les prix des hôtels flambent à Paris. » Vive la sociale !
Nicolas Gauthier