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Léon Lewkowicz, rescapé d'Auschwitz-Birkenau et relayeur de la flamme olympique et de la mémoire

À 94 ans, Léon Lewkowicz a porté la flamme olympique dans les rues de Paris. Ce rescapé du camp d'Auschwitz-Birkenau a participé au relais sur les lieux mêmes de l'emplacement du Vél d'Hiv, transformé en lieu d'internement pour les juifs arrêtés dans la capitale en juillet 1942. Un événement très fort en symboles.

"Léon ! Léon ! Léon !" C’est sous les acclamations du public venu en nombre pour assister au relais que Léon Lewkowicz a porté la flamme olympique, lundi 15 juillet, dans le 15e arrondissement de Paris. Après avoir entamé son parcours à la station de métro Bir-Hakeim, ce survivant du camp de concentration et centre de mise à mort d’Auschwitz-Birkenau s’est dirigé en toute décontraction vers le jardin mémorial des enfants du Vél d'Hiv, rue Nélaton, porté par de chaleureux applaudissements.

Léon Lewkowicz, rescapé d'Auschwitz-Birkenau et relayeur de la flamme  olympique et de la mémoire

"J’ai ressenti beaucoup d’émotion", confie le vieil homme âgé de 94 ans après avoir participé à ces festivités, à douze jours du début des Jeux olympiques.

"Un lieu de sport devenu un lieu de départ vers la mort"

Symboliquement, ce rescapé de la Shoah est entré avec la flamme dans ce lieu de mémoire qui abritait autrefois le Vél d'Hiv, détruit en 1959. C’est ici, il y a 82 ans, quasiment jour pour jour, que plus de 8 000 juifs, dont plus de 4 000 enfants, ont été internés après avoir été arrêtés par la police française, les 16 et 17 juillet 1942. "C’était très émouvant avec tout ce qui s’est passé dans ce lieu de sport, qui est devenu un lieu de départ vers la mort", souligne Léon Lewkowicz.

Durant la Seconde Guerre mondiale, cet homme né en Pologne en 1930 a lui-même frôlé la mort à plusieurs reprises. Après avoir été conduit dans le ghetto de Lodz avec sa famille à l’âge de 10 ans, parce que juif, il est ensuite déporté quatre ans plus tard au camp de Birkenau. Sélectionné pour la chambre à gaz car jugé trop chétif, il en ressort miraculeusement à la faveur d’une révolte des hommes du Sonderkommando – les prisonniers juifs contraints de gérer les biens des victimes et de s’occuper des corps.

Quelques mois plus tard, il survit également aux terribles Marches de la mort alors que le camp est évacué par les Allemands à l'approche des troupes alliés. Devenu orphelin, il fait partie d’un groupe de jeunes accueillis en France à la Libération. Il ne pèse plus que 33 kilos. Remis sur pied, c’est dans son pays d’adoption qu’il découvre le sport, et plus particulièrement l’haltérophilie. En 1955, il devient champion de France de poids et haltères.

Quatre-vingts ans plus tard, cet inconditionnel des Jeux olympiques rêvait de porter la flamme. Un symbole de résilience, mais qui pour lui ne résonne pas comme une victoire particulière. "Ce n’est pas une revanche. C’est du passé, c’est du vécu, c’est tout", résume-t-il en toute modestie.

"Pire que la mort, c’est l’oubli"

À quelques mètres de là, positionnée dans le jardin mémorial, Arlette Testyler n’a rien manqué de cet événement. "C’est fabuleux, c’est magnifique. Je suis heureuse pour lui et pour tous ceux qu’on honore en remémorant leurs noms", explique-t-elle. "C’est très important à la veille de la date anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv."

Le 16 juillet 1942, cette femme, aujourd’hui âgée de 91 ans, se tenait ici-même dans l’enceinte du Vélodrome d’hiver. Arrêtée au petit matin avec sa mère et sa sœur, Arlette Testyler a vécu l’enfer. "C’était dantesque, il n’y avait rien de préparé", raconte celle dont le père, arrêté lors de la rafle "du billet vert", en mai 1941, a été assassiné à Auschwitz. "On nous a emmenés ici, puis quelques jours après à la gare d’Austerlitz dans des horribles wagons à bestiaux, puis nous sommes arrivés au camp de Beaune-la-Rolande."

Arlette Testyler parvient à s’échapper de ce camp situé dans le Loiret : "Ma maman a réussi, grâce à des mensonges racontés aux gendarmes, à nous faire sortir. Quand elle a vu qu’ils faisaient des listes de femmes et d’enfants, elle a compris qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas." Cachée en Touraine, elle échappe aux arrestations.

Devenue l’une des dernières rescapées de la rafle du Vél d’Hiv, elle est heureuse de voir que cette page sombre de l’histoire de France n’a pas été oubliée par le parcours de la flamme. "Dans l’immeuble où j’habitais, rue du Temple, dans le 3e arrondissement, il y avait quatre familles juives. On a tous été arrêtés. Personne n’est revenu sauf nous. Les noms de tous mes petits amis sont inscrits sur ce mur", décrit avec émotion cette ancienne enfant cachée. "Je viens chaque année, qu’il pleuve ou qu’il vente, car je leur dois cela. Il faut évoquer leur nom parce que pire que la mort, c’est l’oubli."

"Un moment de trêve"

À ses côtés se tient Annie Zafje. Elle aussi n’aurait manqué pour rien au monde ce relais olympique. "Je suis venue car j’ai une tante qui avait 17 ans quand elle a été déportée", explique-t-elle. "C’est symbolique le fait que la flamme s’arrête sur ce site. Nous sommes ici dans le jardin des enfants du Vél d’Hiv et ils représentaient l’avenir et la vie." Dans l’enceinte de ce lieu de mémoire, Aliza Malka l’écoute attentivement. La jeune femme assiste au passage de la flamme en compagnie de sa fille Shaïly. "Ayant dans ma famille des déportés et vivant actuellement l’antisémitisme, c’était important pour moi d’être présente", explique Aliza. "Je tenais à ce que ma fille vienne car, à l’époque, tous ceux de son âge sont partis", ajoute-t-elle en retenant ses larmes.

À l’entrée du jardin, c'est Serge Klarsfled, le président de l’association des Fils et filles de déportés de France, qui a accueilli Léon Lewkowicz et la flamme. Militant de la mémoire de la Shoah, il se devait d’assister à ce relais. "Nous sommes heureux que le Comité olympique ait pensé à faire passer la flamme là où il faut faire vivre et revivre pour toujours ces enfants du Vél d’Hiv", estime l’ancien "chasseur de nazis". Il espère que la trêve olympique sera respectée et "qu’il n’y aura pas d’attentats antijuifs comme il y en a eu lors des Jeux de Munich en 1972" – faisant référence à la prise d’otages perpétrée par des membres de l’organisation palestinienne Septembre noir, qui avait coûté la vie à 11 athlètes israéliens, ainsi qu’à un policier allemand.

À l’heure où les actes contre les juifs sont en forte augmentation en France, notamment depuis les attaques du 7 octobre du Hamas en Israël et les représailles contre Gaza, ces violences sont dans tous les esprits. Le relais de Léon Lewkowicz se veut d’autant plus chargé en symboles. "L’atmosphère a changé, l’antisémitisme est grandissant pour les juifs, c’est très difficile", insiste Arlette Testyler.

Huit décennies après la fin de la guerre, la rescapée du Vél d’Hiv ne cache pas sa peur et se demande si l’Hexagone est encore un pays sûr pour les juifs français. Elle serre de toutes les forces son bracelet. Sur celui-ci sont inscrits les noms et les dates de naissance de ses six arrière-petits-enfants. "Pour moi, c’est la plus belle des revanches face à Hitler", résume-t-elle. "Mais je ne veux pas qu’ils vivent le rejet qu’il y a actuellement. Je veux qu’ils puissent continuer à vivre en France."

La Rédaction

Le brief du Crif - Léon Lewkowicz, survivant de la Shoah, portera la flamme  olympique à Paris le lundi 15 juillet | Crif - Conseil Représentatif des  Institutions Juives de France

Léon Lewkowicz, rescapé d'Auschwitz-Birkenau et relayeur de la flamme  olympique et de la mémoire

Date de dernière mise à jour : 15/07/2024

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