Gabriel Attal a réussi un joli coup : focaliser l’opinion publique et surtout l’attention médiatique sur le port de l’abaya à l’école, en émettant une circulaire qui est de simple bon sens et plébiscitée par 82 % des Français, à savoir son interdiction dans les établissements scolaires. Manœuvre parfaitement réussie, puisque la rentrée scolaire s’est faite sous le signe de cette polémique : exit les problèmes de drogue, de sécurité, de baisse de niveau catastrophique en français et en mathématiques, conséquence de quarante ans de méthodes pédagogiques hasardeuses mais aussi de la transformation profonde de la société française.
Soumise à la pression démographique d’une immigration massive d’origine extra-européenne, la société française a vu peu à peu s’imposer un nouveau vestiaire (le voile, l’abaya, le hijab et autres) qui n’ont rien d’occidental. Évidemment, c’est au nom d’une laïcité déclinée en termes de nouvelle religion que la gauche, Macronie comprise, entend expliquer cette mesure, car comment s’opposer à la propagation de l’islam, sinon en invoquant la nouvelle religion républicaine, cette laïcité qui a tout d’une ligne Maginot ? Le tabou de l’affirmation conquérante politique et identitaire de l’islam en France est ainsi soigneusement évité.
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, veut même aller plus loin dans le déni et l’inversion du réel. Jamais avare d’incohérence nourrie d’idéologie, elle entend mettre ses pas dans ceux de Sandrine Rousseau ou d’Anne Hidalgo : sectarisme et opportunisme semblent être les deux seuls principes d’action dont elle ne dévira pas. Jugez-en.
Sur France Inter, il y a une semaine, elle s’exprime ainsi sur le sujet : « Oui, techniquement, il faut avoir des règles claires pour les équipes éducatives, mais plus on en parle, plus on fait augmenter le phénomène, c’est très dangereux. Moi, je l’ai vu comme conseillère principale d’éducation, plus on stigmatise une religion, plus on insiste sur tel ou tel signe religieux, plus on assiste à l’augmentation du phénomène […] » Mettre sa tête dans le sable devient donc la meilleure des attitudes. Elle poursuit néanmoins : « Dès lors que c'est considéré comme un signe religieux, il faut l’interdire comme les autres. »
Une semaine plus tard, sur l’émission « Les 4 vérités » de « Télématin », la patronne de la CGT reprend l’argumentation de la stigmatisation d’une partie de la population, « toujours la même, au hasard » ! glisse-t-elle. Il s’agirait de soigner ses adhérents, comme Jean-Luc Mélenchon son électorat.
Puis elle change de braquet, à l’aide d’arguments pour le moins spécieux. Évoquant le caractère religieux du vêtement musulman, elle affirme, à peine embarrassée, « est-ce que c’est au ministre de l’Éducation de définir ce qu’est un signe religieux ou pas ? Et sur l’abaya, il y a débat et ce n’est certainement pas à la CGT de dire si c’est un signe religieux ou pas. » Et de renchérir : « Ce que j’aimerais si la laïcité est la grande cause du gouvernement, c’est entendre le gouvernement parler de l’explosion de l’enseignement privé, puisqu’il n’y a jamais eu autant d’élèves accueillis dans l’enseignement privé […] C’est un problème et le ministre de l’Éducation nationale devrait lutter contre car le développement de l’enseignement privé, c’est la ségrégation scolaire, que ça organise, et dans l’enseignement privé, par définition, il n’y a pas de laïcité, et visiblement, ça ne dérange personne. »
On pourrait paraphraser madame Binet, ancienne de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne), et déplorer cette stigmatisation de l’enseignement privé : « Toujours le même, au hasard. » On relèvera simplement qu’elle emploie, en bonne marxiste, la méthode Attal évoquée plus haut : créer un écran de fumée, inverser le cours du réel par un argument choc mais qui n’est que stérile, voire faux – là, le port de l’abaya, ici, les prétendues atteintes à la laïcité de l’enseignement privé. Entre parenthèses, a-t-elle seulement entendu parler du « caractère propre » de l’enseignement privé ?
Et, ainsi, éviter soigneusement de s’interroger sur les causes de cette « explosion du privé ». N’y aurait-il pas en effet, dans cette Éducation nationale gangrenée par les syndicats de gauche dont la CGT, quelques problèmes de sécurité, de niveau, d’encadrement, de perte du sens de l’effort, de l’apprentissage, de la qualité et du contenu des enseignements, de l’extrême idéologisation de ces derniers qui conduisent nombre de parents encore soucieux de l’éducation de leurs enfants vers l’enseignement privé ?
Au fond, Sophie Binet et la CGT jouent la même partition que la gauche, Macronie comprise, depuis de décennies.
Marie d'Armagnac