
De nombreuses stations de ski ferment leurs portes par manque d'enneigement. Et si cette solution finlandaise pouvait les sauver ?
Depuis quelques années, de nombreuses stations de ski françaises sont obligées de fermer leurs portes. En effet, le réchauffement climatique bouleverse les équilibres naturels. Et la neige, jadis abondante sur les sommets européens, se fait de plus en plus rare.
Pour faire face à cette crise, une société finlandaise, Snow Secure, propose une technique révolutionnaire baptisée « snow farming ». Derrière cette innovation se cache une méthode ancestrale remise au goût du jour. Mais ses implications environnementales suscitent le débat.
Une technique nordique pour sauver les stations de ski
Le "snow farming" tire ses racines d’une pratique traditionnelle finlandaise appelée jään säilöminen. Historiquement, cette méthode consistait à conserver des blocs de glace en les recouvrant de sciure de bois. Elle permet de ralentir leur fonte. Ce procédé était initialement destiné à préserver des denrées alimentaires. Mais elle a été modernisée pour répondre à un tout autre enjeu : le maintien des activités touristiques hivernales. Snow Secure a adapté cette technique en développant un tapis isolant en polystyrène extrudé. Ce matériau est couramment utilisé dans l’isolation des maisons nordiques.
Et, le principe est vraiment simple. À la fin de la saison hivernale, la neige est collectée et protégée sous ce tapis. Puis, l'hiver suivant, elle est réutilisée. Cette méthode est déjà largement répandue en Finlande. Et elle gagne aujourd’hui du terrain dans les stations de ski à l’international. Elle touche des pays comme la Norvège, la Suisse, et même des régions plus méridionales telles que l’Andalousie.
Recycler la neige : une aubaine pour les stations de ski
Dans un contexte où les hivers sont de plus en plus doux, le « snow farming » représente une véritable bouée de sauvetage pour les stations de ski. À Levi, en Finlande, Marko Mustonen est un fervent défenseur de cette innovation. Et il en vante ouvertement les mérites. Depuis 2016, sa station utilise le tapis isolant pour maintenir une couverture neigeuse suffisante malgré les caprices climatiques. Cette stratégie permet d'assurer le bon déroulement d’événements sportifs comme la Coupe du monde annuelle de slalom.
La méthode suscite un intérêt croissant auprès des exploitants de domaines skiables en Europe et au-delà. « Nous recevons de nombreuses questions de la part de stations alpines curieuses de connaître les résultats de cette technique », explique Marko Mustonen au journal Usbek & Rica. Des stations de ski américaines, comme celles du Wisconsin et du Nouveau-Mexique, se montrent également séduites par cette promesse de recyclage « longue durée » de la neige. Cependant, l’engouement pour le « snow farming » ne fait pas l’unanimité. En France, certaines associations écologistes dénoncent une artificialisation excessive de la nature. Pour préparer des compétitions internationales, des stations françaises ont utilisé cette technique à grande échelle.
Les critiques d’un modèle déjà utilisé par des stations de ski
Ce fut le cas de la Coupe du monde de biathlon au Grand-Bornand en 2022 : « On a vu des camions descendre de la neige pour l’acheminer vers des zones dépourvues de flocons. Cela représente une artificialisation maximale de la pratique », regrette Corentin Mélé, chargé de mission chez France Nature Environnement. Au-delà de la méthode, ce sont les priorités elles-mêmes qui sont remises en question dans les stations de ski. Selon Corentin Mélé, organiser des événements sportifs à des périodes où la neige est historiquement rare reflète une déconnexion face aux réalités climatiques. « Le calendrier des compétitions doit s’adapter aux bouleversements climatiques plutôt que de s’accrocher à des pratiques énergivores », insiste-t-il.
Ainsi, le « snow farming » illustre parfaitement les tensions entre innovation technologique et respect des équilibres naturels. Alors que cette méthode offre une solution temporaire aux stations de ski, elle soulève des interrogations cruciales sur notre rapport à l’environnement. Faut-il poursuivre coûte que coûte l’exploitation des sports d’hiver ou repenser leur modèle en profondeur ? Cette question, bien plus complexe que la seule gestion de la neige, engage l’avenir de nos montagnes et de leurs écosystèmes.
E. Solweig