Personnalité marquante de la Révolution et du régime du Directoire, Thérèsa Tallien est aujourd’hui une femme tombé dans l’oubli. Pourtant, elle est la petite pierre qui provoqua l’avalanche qui fit chuter l’Incorruptible Robespierre et mit fin à la Terreur. Celle qui fut surnommée « la reine du Directoire » aurait pu même évincer Joséphine de Beauharnais dans le cœur de Bonaparte et devenir la première Impératrice des Français. Mais qui est donc celle que l’on a appelée gracieusement « Notre-Dame de Thermidor » ?
Une jeune beauté
Née en 1773 à Madrid, Thérésa, de son nom de naissance Cabarrus, est la fille d’un riche banquier français venu faire fortune en Espagne. C’est ainsi sous le soleil de Castille que s’épanouit cet enfant dont la beauté grandit de jour en jour au point que son père l'envoie à Paris, afin de l’éloigner de potentiels prétendants voulant ravir sa ravissante descendance. Cependant, une fois arrivée en France et loin de l’autorité paternelle, Thérésa joue de sa grâce pour séduire Jean-Jacques Devin de Fontenay. Une union finit par être conclue en 1788 alors que la mariée n’a que 15 ans. Mais Thérésa est une femme qui sait ce qu’elle veut et cela lui réussit. Devenue marquise de Fontenay par son mariage, elle est présentée à Louis XVI à Versailles et organise de nombreux salons que fréquentent de grandes personnalités comme Mirabeau ou La Fayette. Cependant la Révolution arrive et va bouleverser la vie de Thérésa.
Notre-Dame de Bon Secours
En 1789, Thérésa accueillent avec joie les idées nouvelles. Portant avec fierté la cocarde tricolore, elle continue à fréquenter ses amis de salons devenus les figures du nouveau courant politique qui s’installe. Cependant, la radicalité révolutionnaire grandit et l’appartenance à la noblesse devient motif de haine voire de mort. Fuyant cela, Thérésa quitte Paris pour Bordeaux en 1793. Alors qu’elle profite de ce changement de vie pour divorcer avec son mari, la ville tombe aux mains des Girondins en réaction à la purge de leurs députés à la capitale par les Montagnards. Le Comité de salut public envoie alors des troupes dirigées par Jean-Lambert Tallien (1767-1820) afin de réprimer cette insurrection. Alors que le député de la Seine-et-Oise accomplit son office dans le sang et la violence, il fait aussi arrêter de nombreuses personnes suspectes de trahison envers la Révolution. Parmi ces malheureux se trouve Thérésa qui tente d’user de sa beauté afin de séduire son geôlier. Sensible à ses charmes, Tallien finit par prendre comme maîtresse puis comme épouse sa jeune captive. Profitant de son nouveau statut auprès du nouveau maître de Bordeaux, Thérésa se démène afin d’aider les plus malheureux et d’annuler certaines condamnations. Ces actes la font surnommer par les Bordelais « Notre-Dame de Bon Secours ». Mais tout ceci n’échappe à Paris qui convoque Tallien en mars 1794 afin qu’il réponde de son « modérantisme ».
Notre-Dame de Thermidor
Refusant de quitter son mari, Thérésa Tallien le suit à Paris mais est tout de suite arrêtée en raison de ses liens avec l’aristocratie. Enfermée à la prison des Carmes, elle fait la connaissance d’une certaine Joséphine de Beauharnais, qui comme elle, risque la guillotine. Pendant ce temps, le député Tallien est lui aussi menacé par Robespierre et ses comparses mais n’ose pas agir. L’apprenant, Thérésa finit par envoyer un message à son amant le 25 juillet : « On me dit que je monterai bientôt à l’échafaud. Je meurs d’appartenir à un lâche ». En lisant ceci, Tallien, mû par l'orgueil ou par l’amour, décide le 9 Thermidor (27 juillet 1794) de provoquer un esclandre à l’Assemblée nationale et d’entraîner avec ses alliés la déchéance de Robespierre qui, le lendemain, finit à la guillotine. Libérée de ses geôles et de la Terreur, Thérésa use, comme elle le fit à Bordeaux, de l'influence de son mari pour sauver de nombreuses vies et vider les prisons. Ces actions la font surnommer par la populace « Notre-Dame de Thermidor » et fait même dire par le Premier ministre britannique, William Pitt, que « cette femme serait capable de fermer les portes de l’enfer ».
De la gloire à la disgrâce
Cependant, Thérésa finit par se lasser de son mari et souhaite retrouver sa liberté. Fréquentant les salons du Directoire, elle apparaît comme une « Me'veilleuse » au milieu de tous ces « Inc'oyables ». Elle devient même une proche de Barras, maître du nouveau régime, au point de devenir l’une de ses maîtresses. Devenue ainsi figure de la mode et du pouvoir par son statut officieux de reine du Directoire, tous veulent l’approcher afin d’obtenir une grâce de sa part, même celui qui n’était alors qu’un petit général sans affectation : Bonaparte. Madame Tallien, refusant ses avances séductrices, l’humilie lorsqu’elle finit par accepter de l’aider pour un nouvel uniforme : « Eh bien, mon ami, vous les avez, vos culottes ! ». Cette injure, Napoléon ne l’oublie pas et lorsqu’il arrive au pouvoir en 1799, la disgracie. Exilée, elle divorce de Tallien en 1802 et épouse le prince de Chimay. Recluse dans son château en Belgique, elle s’éteint en 1835, à l’âge de 61 ans, bien loin des fastes d’antan des salons parisiens dont elle avait été jadis la souveraine officieuse.
Eric de Mascureau