Le 3 février 1468 meurt à Mayence un certain Johannes Gensfleisch, plus connu sous le nom de Gutenberg. Il est né à Mayence entre 1397 et 1400.
On lui doit l'invention de l'imprimerie (note). Elle a révolutionné la manière de fabriquer des livres et, en abaissant considérablement leur prix, mis la lecture à la portée de tous.
Avec Gutenberg, les hommes ont aussi découvert l'utilité de mécaniser le travail manuel.
Copistes et miniaturistes
Au début du Moyen Âge, les livres étaient fabriqués un à un dans des monastères spécialisés comme on en voit dans le film de Jean-Jacques Annaud, Le nom de la Rose (1986).
À partir des années 1200, les monastères abandonnent cette activité à des ateliers laïcs installés près des universités.
Des copistes recopient les textes à la plume d'oie sur des feuilles de parchemin ou de papier, à partir d'un original, cependant que des enlumineurs agrémentent les pages de délicates miniatures aux couleurs vives.
Les ateliers approvisionnent ainsi à prix d'or les clercs et les bourgeois assez riches pour se payer des manuscrits (nom donné aux livres écrits à la main).
Mais à l'époque de Gutenberg, la copie de manuscrits n'est plus en état de satisfaire les besoins de lecture et d'apprentissage d'un nombre croissant d'étudiants et d'érudits. L'Europe est dans l'attente d'une révolution...
Un procédé magique
L'imprimerie est dérivée de la gravure sur cuivre ou sur bois, une technique connue depuis longtemps en Europe et en Chine mais seulement utilisée pour reproduire des images :
– on grave l'image sur une surface en cuivre ou en bois,
– on enduit d'encre la partie en relief,
– on presse là-dessus une feuille de papier de façon à fixer l'image sur celle-ci.
Gutenberg, graveur sur bois, a l'idée aussi simple que géniale d'appliquer le procédé ci-dessus à des caractères mobiles en plomb. Chacun représente une lettre de l'alphabet en relief.
L'assemblage ligne à ligne de différents caractères permet de composer une page d'écriture. On peut ensuite imprimer à l'identique autant d'exemplaires que l'on veut de la page, avec un faible coût marginal (seule coûte la composition initiale).
Quand on a imprimé une première page en un assez grand nombre d'exemplaires, on démonte le support et l'on compose une nouvelle page avec les caractères mobiles. Ainsi obtient-on un livre à de nombreux exemplaires en à peine plus de temps qu'il n'en aurait fallu pour un unique manuscrit !
Un succès immédiat
Avec son associé Johann Fust, Gutenberg fonde à Mayence un atelier de typographie. Au prix d'un énorme labeur, il achève en 1455 la Bible «à quarante-deux lignes», dite Bible de Gutenberg. Ce premier livre imprimé à quelques dizaines d'exemplaires recueille un succès immédiat. Il est suivi de beaucoup d'autres ouvrages.
Le procédé de typographie se diffuse à très grande vitesse dans toute l'Europe (on ne peut s'empêcher de comparer ce succès à celui de... l'internet).
On estime que quinze à vingt millions de livres sont déjà imprimés avant 1500 (au total plus de 30 000 éditions). 77% de ces livres sont en latin et près de la moitié ont un caractère religieux. Les livres de cette époque portent le nom d'«incunables» (du latin incunabulum, qui signifie berceau).
Beaucoup d'incunables sont imprimés à Venise, alors en pleine gloire. Au siècle suivant, le XVIe, Paris, Lyon et Anvers deviennent à leur tour de hauts lieux de l'imprimerie avec un total de 200 000 éditions.
Les conséquences de l'imprimerie sont immenses. D'abord sur la manière de lire et d'écrire : les imprimeurs aèrent les textes en recourant à la séparation des mots et à la ponctuation ; ils fixent aussi l'orthographe.
L'instruction et plus encore l'esprit critique se répandent à grande vitesse dans la mesure où de plus en plus de gens peuvent avoir un accès direct aux textes bibliques et antiques, sans être obligés de s'en tenir aux commentaires oraux d'une poignée d'érudits et de clercs.
C'est ainsi qu'un demi-siècle après l'invention de l'imprimerie va se produire la première grande fracture intellectuelle dans la chrétienté occidentale avec la Réforme de Martin Luther et l'émergence du protestantisme.
La Rédaction