Le Manuscrit venu de Sainte-Hélène d'une manière inconnue est publié en 1817 à Londres. Il n’y a pas de nom d’auteur mais tout le monde croit que c’est Napoléon lui même qui l’a dicté. C’est un gros succès de librairie, permettant quatre nouvelles rééditions en français, et une en anglais. Et comme ce livre est interdit en France, on en fait des copies manuscrites !
Napoléon découvre ce livre en septembre 1817 par l'intermédiaire d'un amiral anglais, sir Plampin. Bertrand pense qu’il a été écrit par Mme de Staël ou Benjamin Constant. Napoléon relève ses incohérences et ses imprécisions. Gourgaud les rapporte entre-autres, la bataille d'Iéna est située après Tilsit…
Qui en est le véritable auteur ? L’hypothèse la plus acceptée serait que ce livre ait été écrit par un collectif autour de madame de Staël, son gendre Gabriel Eynard, et Lullin de Châteauvieux
• Lisons le journal de captivité de Montholon :
Ce matin, dès. sept heures, il a fait appeler Gourgaud, et lui a dicté une série d'observations critiques sur les mouvements des alliés dans les campagnes de 1814 et de 1815; puis il l'a emmené déjeuner dans le jardin, m'a fait lui apporter le manuscrit de Sainte-Hélène, et, tout en cherchant à deviner quel pouvait en être l'auteur, il nous a dit:
“Ce livre est plein d'anachronismes, mais il sort d'une forte pensée. L'auteur a fait des fautes de français pour m'imiter. Est-ce de madame de Staël ? de Benjamin Constant ? de Sieyès ? Non. Je parie que je sais qui ? C'est un ennemi du duc de Raguse, parce qu'il en parle bien pour n'être pas reconnu.
J'ai écrit quarante notes en marge. L'auteur a pour but de montrer que je suis l'homme de la révolution, que seul je puis la maîtriser, que les Bourbons ne peuvent pas régner. Il cherche à expliquer le système continental, les affaires du pape.
Il dit une sottise quand il écrit que je n'ai pas assez fait pour les Polonais; il devrait dire que j'ai trop fait. J'avais bien mené cette affaire-là. Je voulais rétablir la Pologne. Depuis Austerlitz, j'avais trouvé le moyen de désintéresser les deux puissances, la Prusse et l'Autriche; j'ai échoué avec la troisième, la Russie.
L'auteur ne connaît pas les affaires de Pologne ni ce qui s'est passé, lorsqu'il dit que l'Autriche ne voulait pas consentir à céder sa partie polonaise. Comment ne sait-il pas que l'Autriche a signé avec moi, dans les premiers mois de 1812, une convention pour l'éventualité du rétablissement du royaume de Pologne, et qu'elle a consenti à échanger la Gallicie contre la restitution que je lui ferais d'une partie des provinces illyriennes ?
Enfin, il ne sait ce qu'il dit lorsqu'il prétend que, dans les Cent-Jours, j'ai voulu défendre les Thermopyles avec la charge en douze temps. Bêtise! J'ai fait tout ce qu'il était possible de faire, je n'ai eu de fait que deux mois. Je n'avais rien à gagner à mettre le désordre dans tout au lieu de l'ordre. Dans la révolution, cela a réussi, mais encore c'est parce que les Prussiens n'ont pas osé marcher sur Paris.
Les libéraux m'ont cassé la tête avec leur constitution, ils m'ont fait perdre beaucoup de temps. Au bout du compte, je ne suis qu'un homme, toutes mes journées se passaient en discussions: j'aurais dû les envoyer paître”.
Cercle Napoléon