« Louis XIV, un étranger ? » Sur les affiches du musée national de l’Histoire de l’immigration, placardées dans les couloirs du métro parisien, le message mis en avant – « C’est fou, tous ces étrangers qui ont fait l’Histoire de France » avec le portrait du Roi-Soleil en fond – n’a pas manqué de susciter la polémique. Si, au vu des nombreuses retombées médiatiques, l’opération de communication pour annoncer la réouverture prochaine de l’institution semble avoir fonctionné, cette campagne en dit long sur la vision que les différents dirigeants du musée se font de la France. D’autant plus que leur propagande ne s’arrête pas aux transports en commun. Dès l’entrée de la nouvelle exposition permanente, le slogan « Étrangers partout », inscrit en néons lumineux, donne le ton. S’ensuivent différentes pièces articulées autour de grandes dates de l’immigration, du Code Noir à l’immigration contemporaine.
Une propagande pro-migrants
Ce n’est pas la première fois que le musée national de l’Histoire de l’immigration crée la polémique avec ses campagnes de communication. Il y a dix ans déjà, en 2013, quatre affiches diffusées par le musée avaient elles aussi entraîné leur flot de réactions. Sur l’une d’elles, notamment, figurent des migrants qui descendent d’un bateau, accompagnés du slogan provocateur « Nos ancêtres n’étaient pas tous Gaulois ». Les trois autres mettent en avant l’apport positif de l’immigration avec les formules accrocheuses : « L’immigration, ça fait toujours des histoires », « Un Français sur quatre est issu de l’immigration » et « Ton grand-père dans un musée ». Cette campagne, tout comme celle sur Louis XIV, prouve bien que le musée de l’Immigration considère, depuis de nombreux années, la France comme un pays d’immigration, sans identité ni histoire et où l’étranger est la norme.
Si cette communication étonne encore aujourd’hui, elle s’inscrit pourtant dans le projet politique – voire militant – des dirigeants successifs du musée de l’Immigration. Pap Ndiaye, à la tête de l’institution avant de rejoindre l’Éducation nationale, expliquait ainsi : « Notre mission est de faire de l’immigration un élément central de l’Histoire nationale. » Constance Rivière, actuellement à la tête du musée, ajoutait récemment vouloir « changer le regard sur l’immigration ».
Où sont les visiteurs ?
Mais bien que cette propagande fasse couler beaucoup d’encre, force est de constater qu’après une quinzaine d’années d’existence, le palais de la Porte dorée peine à trouver son public. C’est le moins que l’on puisse dire… Si l’institution affiche fièrement, dans son dernier rapport d’activité, le nombre de 248.888 visiteurs sur les sept mois d’ouverture en 2021, à y regarder de plus près, il semblerait que seule une minorité – 48.834 – ait pris un billet pour le musée de l’Immigration. La grande majorité des visiteurs – 155.810 – a préféré profiter de l’Aquarium tropical, abrité au même endroit. Et difficile, pour le musée, de plaider l’excuse du Covid et des divers confinements et fermetures. Les chiffres de 2019, avant la pandémie, sont tout aussi faibles. À cette époque, seuls 143.000 visiteurs environ ont arpenté les couloirs du musée de l’Immigration. Et ce, alors que cette même année, 242.000 personnes ont profité de l’aquarium voisin. Une fréquentation d’autant plus faible qu’une grande part des visiteurs du musée de l’Immigration – 68 % des groupes en 2021 – sont des groupes scolaires.
Cette fréquentation que peu de musées envient est d’autant plus scandaleuse que le musée, dont le budget avoisine chaque année les 14 millions d’euros, perçoit de généreuses subventions publiques. En 2019, par exemple, « les recettes s’élevaient à 11.621.834 euros, dont 9.388.685 euros de subventions de fonctionnement versées » par ses ministères de tutelle. Autrement dit, l’argent public représente plus de 80 % des recettes de l’institution. À titre de comparaison, le musée de l’Armée qui, lui, célèbre l’Histoire de France, recevait en 2021 environ 7,4 millions d’euros de subvention de son ministère de tutelle et accueillait 458.000 visiteurs.
Certes, une institution culturelle n’a pas vocation à être rentable. Mais la mission de service public n’étant pas assurée par le musée de l’Immigration qui préfère diffuser une propagande vue et revue, il y a lieu de s’interroger sur le manque de visiteurs.
Clémence de Longraye