Juillet 1830 : la révolution des journalistes

Révolution de 1830 (29 juillet) Formation des barricades - Bellangé (1800-1866) - J. lith. de Gihaut frères éditeurs - 1830 - Source BnF

"La force matérielle seule a pu empêcher jusqu'à présent Le Constitutionnel de paraître : il ne cessera jamais d'être voué à la sainte cause de la liberté".

26 juillet 1830, la presse engage la révolution. Dans le même mouvement, les Parisiens se soulèvent contre Charles X. La presse révèle alors son rôle central dans le conflit civil et la diffusion des informations liées à la formation du nouveau régime, la "monarchie de Juillet".

Des ordonnances royales réduisant drastiquement la liberté de la presse sont publiées dans Le Moniteur universel du 26 juillet :

"Ce serait nier l’évidence que de ne pas voir dans les journaux le principal foyer d’une corruption dont les progrès sont chaque jour plus sensibles, et la première source des calamités qui menacent le royaume [...]. Nul journal et écrit périodique ou semi-périodique, établi ou à établir, sans distinction des matières qui y seront traitées, ne pourra paraître, soit à Paris, soit dans les départements, qu’en vertu de l’autorisation qu’en auront obtenue de nous séparément les auteurs et l’imprimeur."

Le 27 juillet, Adolphe Thiers et l'ensemble des gérants de presse publient dans Le Globe, Le National, Le Journal du commerce et Le Figaro une "Protestation de la presse périodique" dans laquelle ils accusent le gouvernement de violer la loi et appellent à la révolte. 

"Dans la situation où nous sommes placés, l'obéissance cesse d'être un devoir. Les citoyens appelés les premiers à obéir, sont les écrivains des journaux ; ils doivent donner les premiers l'exemple de la résistance à l'autorité, qui s'est dépouillée du caractère de la loi."

Les ordonnances sont appliquées et la censure exercée : Le Constitutionnel du 28 juillet est censuré. Dans les quelques lignes publiées, le journal écrit : "La force matérielle seule a pu empêcher jusqu'à présent Le Constitutionnel de paraître : il ne cessera jamais d'être voué à la sainte cause de la liberté". Il harangue les révolutionnaires et avance la défaite des forces de Charles X :

"Nous sommes déjà vainqueurs ; la tyrannie se cache dans l'ombre et fuit.
Le soleil de la liberté luit brillant sur nos têtes ; il éclaire le dernier jour de l'oppression pour renaître resplendissant et assister au triomphe à jamais assuré de la liberté."

Le lendemain, Le Constitutionnel annonce au peuple de Paris la formation d'un nouveau gouvernement tout en l'exhortant à continuer la lutte :

"Continuons, redoublons de zèle, s'il est possible ; encore quelques efforts, et vos ennemis seront vaincus. Déjà une terreur panique s'est emparée d'eux."

Le journal réveille le souvenir de 1789 à travers la personne du général Lafayette :

"Le général Lafayette, aujourd'hui comme en 1789, est nommé général en chef de la garde nationale."

La presse royaliste est incarnée par Le Drapeau blanc : une autorisation spéciale lui permet d'être publié dans son intégralité.

"Le Drapeau blanc, d’après l’autorisation spéciale du ministère, continuera à paraître le soir."

Le journal critique la presse libérale, l'accusant de se servir des ordonnances royales dont elle est victime comme d'un prétexte pour embraser le pays tout entier :

"Il était facile de prévoir la violence à laquelle se livreraient aujourd'hui les feuilles libérales : le coup n’a porté, au fond, que sur elles. Elles voudraient faire entendre à la France qu'il l'atteint tout entière. La France ne s'y laissera pas tromper."

Le 1er août, Le Moniteur universel (journal dans lequel avaient été publiées les ordonnances royales) et  Le Constitutionnel adressent à leurs lecteurs une proclamation qui célèbre la victoire et annonce la formation d'un nouveau gouvernement :

"La France est libre. Le pouvoir absolu levait son drapeau ; l’héroïque population de Paris l’a abattu. Paris attaqué a fait triompher par les armes la cause sacrée qui venait de triompher en vain dans les élections. [...] Français, ceux de vos députés qui se trouvent déjà à Paris se sont réunis ; et en attendant l'intervention régulière des chambres, ils ont invité un Français, qui n’a jamais combattu que pour la France, M. le duc d’Orléans, à exercer les fonctions de lieutenant-général du royaume."

Le Constitutionnel conclut par la liesse de la foule qui célèbre la victoire et acclame le duc d'Orléans et le général Lafayette lorsqu'ils se présentent au balcon de l'Hôtel-de-Ville :

"Le bruit des canons, de la mousqueterie, et le carillon de toutes les cloches, se mêlaient aux cris de la sublime population parisienne. Le prince est rentré à son palais au milieu des mêmes acclamations, n'ayant d'autre cortège que les citoyens, et d'autres courtisans que le peuple. Cette journée est d'autant plus belle qu'elle sera le triomphe complet des principes de la liberté."

Romain Bedel

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Date de dernière mise à jour : 23/07/2024

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