Nous sommes étonnés que si peu d'entre vous aient réagi. Nous vous signalons au cas où vous ne l'auriez pas compris que nous avons choisi de poster le lien vers l'Ave Maria de Schubert et celui vers le Stabat Mater de Pergolèse en souvenir de Thomas et en soutien à sa famille, ainsi ce faisant qu,e pour répondre aux critiques portées contre la musique classique jugée "trop blanche". Nous l'avons accompli comme des actes militants contre les attaques proférées à l'encontre de notre culture.
"Dans un billet d’humeur diffusé sur France Culture, une chroniqueuse accuse, entre autres, Radio Classique de promouvoir la «musique blanche». La violoniste Zhang Zhang, membre de l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, lui répond.
Violoniste renommée, Zhang Zhang est membre de l'Orchestre philharmonique de Monte-Carlo. Également entrepreneur social, elle a fondé et dirige une association caritative, ZhangomusiQ, qui organise des concerts dont les recettes sont intégralement reversées à des œuvres. Elle vient de publier La voie de l'archet (Fayard, 2023).
LE FIGARO. - Dans un billet d'humeur sur France Culture, une chroniqueuse s'en prend à la programmation de Radio Classique: «Bach, Haydn, Mozart, Beethoven, Schubert/Schumann : la musique classique, c'est comme d'ailleurs pour beaucoup d'autres en dehors de Radio Classique, la musique blanche, composée entre 1680 et 1890 […] très à l'opposé de la culture mélomane». En tant que violoniste, quel regard portez-vous sur ces propos ?
ZHANG ZHANG. - Tout d'abord, quels sont les critères pour être «mélomane» ? Qu'est-ce que la culture mélomane exactement ? Y a-t-il une liste spécifique de musique qu'ils doivent apprécier pour se qualifier ?
En tant que musicienne classique non-blanche, et comme pour des millions de personnes sur cette planète, ce qu'ils appellent la «musique blanche» est considéré comme un patrimoine commun célébrant notre humanité. Partout dans le monde, des artistes et des mélomanes de toutes origines et de toutes cultures écoutent, apprennent, partagent, jouent et apprécient cette musique.
Tout comme nous aimons lire les œuvres d'Homère, de Shakespeare, de Molière, de Goethe, admirer les œuvres de Léonard de Vinci, Van Gogh, Monet, Picasso sans nous sentir exclus ou dominés simplement parce que l'apparence physique, la culture, l'origine ou la croyance religieuse de ces compositeurs, auteurs et peintres sont différentes des nôtres. Nous ne nous sentons pas menacés par ces œuvres d'une grande beauté, car nous considérons qu'elles font partie de notre patrimoine humain universel.
On peut choisir de les aimer ou non, mais essayer de diminuer la pertinence de ces chefs-d'œuvre n'est pas seulement injuste pour tous ceux qui les aiment, c'est aussi arrogant et condescendant ; comme si la majorité des humains dans le monde qui se tournent vers ces grandes créations pour trouver l'inspiration, le réconfort et la joie n'étaient pas qualifiés pour décider eux-mêmes de ce qu'ils aiment ou n'aiment pas.
Selon cet article, Radio Classique serait «un peu le “Chante France” de la musique dite classique». «Il y a un devenir variété de ces morceaux juxtaposés ainsi, qui en plus serait une variété des dominants, armée contre le neuf», ajoute-t-elle. Peut-on qualifier ces compositeurs de «dominants» de la musique classique ? Pourquoi ?
Les journalistes ressentent-ils la même chose lorsqu'ils entrent au musée du Louvre ou au musée d'Orsay? Le choix des commissaires d'exposition, des directeurs artistiques d'émissions radio ou de concerts en direct et de festivals ne satisfera jamais tout le monde. De même qu'un restaurant, aussi excellent soit-il, n'aura jamais le plat préféré de chacun de ses clients. Certains préfèrent la cuisine française, d'autres le barbecue, d'autres encore McDonald's. Personnellement, j'aimerais manger du tofu tous les jours, mais ce n'est pas à la carte de tous les restaurants. Dois-je m'en offusquer? Dois-je me sentir discriminée?
Essayer de juger et évaluer l'art et la beauté qui sont universels en fonction de l'identité de ceux qui les ont créés ou de ceux qui les apprécient revient à priver les êtres humains de la liberté de choisir par eux-mêmes.
N'y a-t-il pas, toutefois, une tendance de certaines stations (par paresse ?) à programmer toujours les mêmes musiques et les mêmes compositeurs ?
Si une radio s'appelle Radio Classique, on peut supposer qu'elle est là pour diffuser de la musique classique, c'est-à-dire Bach, Mozart, Beethoven, Brahms, Mahler, etc. Si vous n'aimez pas ce que vous entendez, changez de station ou mettez votre propre playlist! Ce n'est pas comme si Radio Classique était la seule source d’accès à la musique pour les Français.
La grille de lecture dominants/dominés est-elle pertinente en matière de musique classique?
Seulement dans l'esprit des petits gardes rouges privilégiés qui rêvent de recréer la révolution culturelle au nom du progrès social.
L’article estime, pour résumer, que la musique de France Culture c’est qu'un «bruit de fond», «conservateur et un peu mortifère ».
Essayer de juger et évaluer l'art et la beauté qui sont universels en fonction de l'identité de ceux qui les ont créés ou de ceux qui les apprécient revient à priver les êtres humains de la liberté de choisir par eux-mêmes.
Il y a certainement des sociétés et des nations où l'on dicte aux individus ce qu'ils doivent écouter. Dans certaines sociétés, il est même interdit d'écouter ou de jouer de la musique. Punissable de mort dans certains cas.
Lorsque j'étais enfant, il y avait des haut-parleurs dans les rues qui nous disaient ce que nous devions faire, ce que nous devions penser et qui décidaient quelle musique nous devions écouter, parce que les autorités pensaient que les individus n'étaient pas capables de faire les bons choix.
Ceux qui trouvent Bach et Mozart choquants ou ennuyants devraient soit créer leur propre station de radio selon leur idéal, soit passer à quelque chose qu'ils comprennent mieux et arrêter de nous dire ce qui est ou n'est pas de la bonne musique, classique ou non"
. Ronan Planchon Figaro Vox