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Le film « Reagan » raconte à l’Amérique ce qu’elle était du temps de sa splendeur

Reagan | 2024

Le film Reagan, sorti en salles aux États-Unis, risque bien de ne jamais débarquer en France. Trop grossier, trop caricatural, disent les critiques de cinéma, ici et là-bas, en tordant le nez. On moque, outre-Atlantique, la performance de Dennis Quaid, que notre confrère Alexandre Mendel, dans la revue Conflits, décrit comme tellement poussive qu’elle semble sortir d’un cabaret de Patrick Sébastien. Ce n’est pas gentil pour l’inénarrable Patoche, et surtout, ça n’empêche pas les Américains de la Rust Belt, la « ceinture de rouille » qui matérialise l’Amérique déclassée, désindustrialisée, qui vote à fond pour Trump, de se déplacer en masse dans les cinémas.

Le film semble totalement manichéen, les dialogues sont écrits à la truelle… mais le panégyrique de Ronald Reagan, acteur de série B devenu président des États-Unis pendant huit ans, a quelque chose de réconfortant pour l’Amérique profonde. Quelque chose - osons le mot - de régressif. Bien sûr, les éditorialistes démocrates se hâtent de rappeler que Trump, malgré ses références permanentes à son illustre prédécesseur, n’a rien d’un Reagan. « Ronny » était un républicain libéral, caricature d’une Amérique de western en carton-pâte, mâchoire carrée, confiance surjouée. Une base de discussion commode pour rassembler un pays qui, au fond, a besoin d’en faire des tonnes. Le Donald, lui, est clivant, au point d’avoir fait l’objet de deux tentatives d’assassinat. Et puis en face, bien sûr, on préfère au contraire établir des correspondances entre l’un et l’autre : les slogans (« Let’s make America great again » pour Reagan, « Make… » tout court pour Trump), le franc-parler…Mais la vérité, c’est que les années Reagan rendent les Américains nostalgiques de ce qu’ils ont été.

L'Amérique d'avant le wokisme

Reagan, ce sont les années 80 de l’Amérique triomphante. Ce sont les grosses voitures carrées, les téléphones filaires dans les voitures, les femmes très maquillées aux cheveux ondulés ; c’est la pop un peu vulgaire, Madonna et Cindy Lauper ; ce sont les films outranciers : Brian de Palma et ses chefs-d’œuvre hallucinés avec du sang partout ; Wall Street, Michael Douglas en Gordon Gekko, mocassins à pampilles et montre en or, le triomphe du fric et de la spéculation. Ce sont les gratte-ciel aux vitres miroir, les séries TV qui déferlent sur l’Europe hébétée (Agence tous risques, McGyver, Supercopter, et autres madeleines de Proust à la B.O. signée Mike Post). C’est un pays fier de lui, qui ne se pose pas de questions, un pays ouvertement militariste, nationaliste, capitaliste et patriarcal. Regardez la pub américaine des années 80 pour les rasoirs Gillette (« The best a man can get ») : il y a dans ces quelques minutes de nostalgie au parfum d’after-shave toute l’assertivité des années Reagan.

On est en 2024 désormais. L’Amérique se partage entre wokistes et complotistes, dans une réalisation terrifiante du film comique Idiocracy. Le modèle occidental est déboulonné. La pauvreté des Américains est en constante aggravation. La drogue, l’inculture et la propagande ont fait de ce pays, hier conquérant et simpliste, une pétaudière stupide et incertaine. Rien d’étonnant à ce que le biopic de Reagan cartonne. Il incarne ce que les Américains ont aimé être : ce n’était pas un héros, c’était juste quelqu’un qui leur ressemblait, en mieux. C’est leur Pompidou à eux, en quelque sorte. Ne leur jetons pas la pierre : la nostalgie ne prévient pas.

Arnaud Florac

Date de dernière mise à jour : 20/09/2024

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