Le saviez-vous ? Quand Louis XVI voulait reconstruire le château de Versailles

Visiter le Château de Versailles sans file d'attente

Huit ans avant la Révolution française, le souverain ambitionne de rebâtir le palais de Louis XIV. Mais les finances de la France ne suivent pas et les soucis s’accumulent…

Folie des grandeurs ou inconséquence politique ? En 1781, Louis XVI rêve de rebâtir Versailles en lui donnant une façade imposante et palatiale côté ville. Le projet n'est pas nouveau, comme l'explique l'archiviste paléographe Thierry Sarmant dans son ouvrage Histoire des palais (Tallandier). Louis XIV a fait de Versailles un chantier permanent et Louis XV a ajouté lui-même sa patte dans l'ordonnancement général, notamment avec la construction de l'Opéra et de l'aile du Gouvernement, donnant un aspect inabouti et hétéroclite. Depuis des années, l'idée était de détruire la façade de brique de l'ancien château de Louis XIII pour la remplacer par une nouvelle façade monumentale en pierre de taille, dans le style néoclassique. Sans oublier la reconstruction des espaces intérieurs qui ne correspondaient plus au mode de vie des souverains.

Huit ans avec la Révolution française, des grands projets sont ainsi lancés par le comte d'Angiviller, le directeur général des bâtiments du roi. Une dizaine d'architectes rivalisent d'idées avec des colonnades façon Saint-Pierre de Rome, des pavillons massifs, des frontons antiques… « Les uns s'inscrivent dans la lignée de Gabriel et de la grande tradition des Bâtiments du roi, les autres, tel Boullée, imaginent un grandiose édifice néoclassique qui ferait table rase du passé, explique Thierry Sarmant. Ce sont des colonnades infinies, des dômes, des bâtiments démesurés… »

Déménagement

La cour est en effervescence et imagine déjà déménager dans d'autres palais. Car dans les mêmes années, Louis XVI achète coup sur coup le château de Rambouillet au duc de Penthièvre et celui de Saint-Cloud au duc d'Orléans, pour une somme totale de 32 millions de livres. De quoi loger la famille royale et les courtisans pendant les travaux. Les rénovations se multiplient, Compiègne est en pleine reconstruction, la reine dépense des sommes folles dans le réaménagement de Saint-Cloud et la construction de son hameau champêtre à Trianon – pour un demi-million de livres – sans compter les travaux menés à Fontainebleau…

Pourtant, les finances royales sont au plus mal : outre les dettes laissées par Louis XV, le nouveau souverain a fortement aggravé le déficit en soutenant l'indépendance américaine contre l'Angleterre, sans en tirer de gros bénéfices commerciaux à l'issue du conflit… Pourquoi donc une telle frénésie architecturale ?

Pour Thierry Sarmant, il s'agit également de donner le change, rassurer les investisseurs et le peuple, montrer que la France est toujours riche et puissante puisqu'elle se lance dans des constructions prestigieuses… Une opération de com, en quelque sorte.

Économies forcées

Sauf que la réalité financière rattrape rapidement le souverain et son gouvernement. Car aux sommes englouties dans la guerre américaine s'ajoutent les emprunts contractés par l'État à de forts taux d'intérêt et des dépenses structurelles que la monarchie a beaucoup de mal à réduire. Grosso modo, sur les 500 millions de recettes annuelles, les dépenses atteignent 630 millions de livres tournois.

Les ministres se succèdent, Necker, Calonne, sans pouvoir imposer des réformes de fond. Louis XVI, monarque indécis, est contraint d'abandonner ses projets grandioses imaginés pour Versailles. Il va même plus loin en multipliant les économies, comme le précise Thierry Sarmant : « Le roi réduit sa Maison militaire, supprime sa Petite Écurie, renonce à se rendre à Fontainebleau, met en vente Choisy, La Muette, Vincennes, Blois et Madrid. »

Des gouttes d'eau dans un océan de dette… Alors que la banqueroute menace, Louis XVI se résout à convoquer les États généraux, en espérant la mise en place d'une grande réforme fiscale. Mais finit par récolter la Révolution française et doit quitter définitivement Versailles en octobre 1789, escorté par la foule jusqu'à Paris. Ironie de l'histoire : si ses projets architecturaux capotent à Versailles, ils vont triompher vers la Bastille. Le roi souhaitait en effet raser cette grosse forteresse, inutile et trop chère à entretenir, afin de réaliser une belle esplanade près du quartier Saint-Antoine. Les révoltés parisiens vont exaucer gratuitement son vœu…

À lire : Histoire des palais, par Thierry Sarmant, éditions Tallandier.

Marc Fourny

Histoire des palais, par Thierry Sarmant, éditions Tallandier.

<em>Histoire des palais</em>, par Thierry Sarmant, éditions Tallandier.

 

Date de dernière mise à jour : 29/03/2025

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