Obsèques de Bernard Pivot : les représentants de la télévision publique étaient… absents

La mort de Bernard Pivot, nous l’avons déjà dit dans ces colonnes, a laissé dans le paysage audiovisuel français un vide que l’on n’est pas près de combler. Il n’y a plus grand-monde, à la télévision, pour vulgariser la littérature, plus grand-monde, peut-être, pour lire des livres non plus. Pas besoin de le déplorer : c’est ainsi. Le principal intéressé en était sans doute lui-même terriblement conscient.

Selon ses dernières volontés, les obsèques du présentateur ont été célébrées à Quincié-en-Beaujolais, non loin de sa propriété, dont, on s’en souvient, la piscine portait facétieusement le nom de Jean d’Ormesson. La raison ? C’est avec ses indemnités de départ du Figaro, alors dirigé par le cher grand homme, que Pivot avait fait creuser sa piscine. Lors de l’enterrement, on attendait le gratin du service public… en vain, comme le révèle le Canard Enchaîné.

mais la vie continue | Bernard Pivot sans masque | La Presse

L’enterrement d’un homme blanc de plus de cinquante ans, merci bien

Delphine Ernotte, PDG de France Télévisions, n’était pas là : l’enterrement d’un homme blanc de plus de cinquante ans, merci bien ! Elle n’a pas viré Patrick Sébastien pour se coltiner les adieux de Pivot. On comprend cet appréciable sens de la cohérence idéologique. Mme Ernotte n’a pas demandé à Stéphane Sitbon Gomez, directeur des antennes et des programmes, de la représenter : c’était un peu facultatif, tout cela. Enterrement en province (« en région », « dans les territoires », disent-ils), sans même avoir son quota de soleil, sans une caméra, tout ça pour un vieux monsieur que plus personne ne connaît… Même Michel Field, directeur de la culture au sein du groupe, était aux abonnés absents. Field était pourtant animateur de talk-shows à l’époque de Pivot. Ces deux-là se connaissaient très probablement. Peut-être même s’estimaient-ils. Mais vous savez ce que c’est, les liens se distendent, un jour on arrête de s’envoyer ses vœux, et puis, petit à petit… Bon.

Surtout, il y avait un rendez-vous autrement important pour le tout-télé : le festival de Cannes. Vous allez trouver ça absurde, amis lecteurs, et vous ne serez pas les seuls, au vu du lien discutable entre télé publique et cinéma international, mais pour eux, c’est tout ce qu’il y a de sérieux. Le festival de Cannes, c’est l’endroit où il faut être vu, même quand on n’a pas grand-chose à y faire. Il faut monter les marches, même si on n’a pas de film à présenter : il n’y a qu’à voir les membres du cabinet d’Eric Ciotti, qui se sont offerts une petite virée cannoise alors que tout ce qui les attend, c’est une défaite électorale.

Bernard Pivot, sans surprise, a eu un enterrement à son image : sobre, provincial, humble, enraciné. Le personnel de direction de France Télévisions s'est comporté, lui aussi, à l’image de ces gens : indigne, ingrat, fasciné par les paillettes, oublieux de la véritable culture. On a beau se dire que l’on ne devrait pas être surpris, on ne peut pas s’empêcher d’être déçu. On ne sait pas si Radio France et France Télévisions vont fusionner ou non, mais ce que l’on sait, c’est qu’il y a décidément quelque chose de pas très net au royaume du service public.

Que Bernard Pivot repose en paix, et qu’il se rassure : la mort de Delphine Ernotte, Stéphane Sitbon Gomez ou Michel Fiels déplacera encore moins de monde.

Arnaud Florac

 

 

Date de dernière mise à jour : 27/05/2024

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