Amal est professeur de français dans un lycée de Bruxelles. Approchant la cinquantaine, elle est issue d’une génération d’enfants d’immigrés pour qui le respect de la laïcité à l’école ne faisait nullement débat. Aujourd’hui, constate-t-elle, les choses ont bien changé. Les élèves dont elle a la charge, originaires du Maghreb et d’Afrique noire pour la plupart, tiennent fréquemment en cours des propos rigoristes et adoptent des comportements de plus en plus sectaires à l’égard de ceux qui, parmi leurs camarades, s’éloignent des préceptes de l’islam. La jeune Monia, en effet, soupçonnée d’être lesbienne, est continuellement insultée et agressée par Jalila et ses amis. Outrée par ce qui se passe dans sa classe, Amal décide alors de faire lire à ses élèves un texte d’Abu Nawas, poète musulman et homosexuel du VIIIe siècle. Malheureusement pour elle, la réaction obtenue n’est pas celle escomptée… Vent debout contre leur prof de français, les plus radicaux de la classe avertissent leurs parents et les associations musulmanes, ainsi que Nabil, professeur de religion islamique qui dissimule à la hiérarchie scolaire ses convictions salafistes. Très vite, la situation dégénère, Amal et Monia sont prises pour cibles sur les réseaux sociaux tandis qu’un bras de fer oppose les deux enseignants…
Cours religieux en Belgique
Réalisé par Jawad Rhalib, Amal, un esprit libre s’inscrit dans un contexte bien particulier, celui du système éducatif belge. En effet, il faut savoir que dans ce pays, les cours de religion sont obligatoires (ils seront optionnels à partir de septembre) : dans chaque établissement, les élèves choisissent individuellement la religion qu’ils souhaitent étudier. Un choix qui, évidemment, se fait bien souvent en fonction de leur milieu socioculturel et de leur propre confession. Aussi, dans un environnement scolaire où la majorité des jeunes est d’origine arabo-musulmane, il n’est pas surprenant de voir que l’enseignement de l’islam a le vent en poupe. Alors quand le professeur de religion tient lui-même des propos ambigus sur les homosexuels, les femmes et les infidèles, on comprend que l’école est en danger. Surtout que la hiérarchie scolaire n’a pas le droit d’assister à ces cours ni de demander des comptes à l’enseignant. Personne, en vérité, ne sait vraiment ce qu’il se dit en classe, hormis les élèves…
La pression musulmane sur l'école
Avec son film, le cinéaste Jawad Rhalib tire la sonnette d’alarme et réclame un plus grand contrôle de la part des pouvoirs publics : « Mon objectif était de traiter la question de l’influence de la communauté musulmane au sein de nos écoles, et à mettre en lumière la peur que cela peut susciter chez les enseignants. Il est rare de trouver des professeurs, à l’instar d’Amal, qui sont capables et désireux de s’opposer aux pressions des parents et des associations religieuses. »
Courageux, le réalisateur fait l’état des lieux – déplorable – de nos écoles laïques occidentales et nous livre un récit tendu dont la conclusion paraissait, d’emblée, inévitable. Porté par Lubna Azabal, que nous avions découverte dans Rebel, ainsi que par l’excellent Fabrizio Rongione, acteur-phare du cinéma des frères Dardenne, Amal, un esprit libre, assurément, ne fera pas plaisir aux bonnes consciences de gauche ni à ces partis politiques qui prospèrent avec cynisme sur le vote des populations musulmanes issues de l’immigration.
Pierre Marcellesi