Entre vegans et halal, la disparition programmée de nos boucheries parisiennes ?

Les chiffres avancés par Le Parisien de ce dimanche sont cruels quant à la fin d’un certain art de vivre à la française : « Paris a perdu la moitié de ses boucheries en vingt ans. » Avec 485 commerces survivants, il ne resterait donc plus, dans la capitale, qu’une seule boucherie pour quatre mille habitants.

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Il y a plusieurs raisons à cet état de fait. La première est qu’à l’approche de la retraite, les bouchers peinent à trouver des repreneurs. Le métier est rude et on n’y compte pas ses heures, entre achats à Rungis, découpe des carcasses et temps passé en magasin. Pis : on ne s’improvise pas boucher du jour au lendemain, tant l’apprentissage du métier est long.

Ensuite, la flambée du prix de l’immobilier parisien n’arrange rien ; ce qui explique encore que de plus en plus de bouchers puissent désormais privilégier les marchés, autrement moins onéreux en matière de charges diverses. Sans oublier les épidémies à répétition, entre « vache folle » et « grippe aviaire » poussant chaque jour les amateurs de viande à la prudence ; si ce n’est à la méfiance. Ajoutons encore ces discours apocalyptiques à base de flatulences émises par nos amis ruminants, censées mener la planète à sa perte, et le tableau est complet.

Puis, il y a l’effet de mode : les mangeurs de quinoa ont le vent en poupe - médiatiquement, s’entend. Et les habitants des beaux quartiers parisiens sont manifestement plus sensibles que d’autres à ce militantisme à prétention hygiéniste ; logique, Sandrine Rousseau et sa croisade contre les barbecues sont passées par là. Certes, la riposte s’organise et la sortie de l’essai Pro steak de Jean-Claude Poizat, professeur de philosophie, et sous-titré Le carnivorisme est un humanisme (Albin Michel), commence à faire du bruit. Mais de là à ce que la tendance s’inverse…

« Ils savent encore travailler en famille »

C’est donc sans surprise qu’à Paris, les ultimes îlots continuant à faire de la résistance face à l’hystérie véganiste sont les « quartiers populaires » ; à forte proportion de population immigrée, donc, et par tradition moins sensibles au catastrophisme sociétal ambiant. D’où la progression continue des boucheries halal. Ce que confirment nos confrères du Parisien : « Les boucheries halal ont le vent en poupe. […] Elles sont passées d’une clientèle communautaire à une clientèle généraliste. Les trois dernières reprises de boucherie dans le XIVe sont halal. »

Même son de cloche à Rungis, où l’on nous confirme : « Les entreprises françaises sont de plus en plus rares, ici. Les enfants d’immigrés maghrébins sont en train de rafler le marché. Ils sont ce que nous ne sommes plus. Ils savent encore travailler en famille, seule façon de tenir ce type de commerce : madame est à la caisse, monsieur dans l’arrière-boutique en train de préparer la viande, tandis que les enfants assurent le service. Et leur viande halal est aussi bonne que la viande traditionnelle, parfois même meilleure. »

Pour tout arranger, poursuit notre interlocuteur, « ils savent passer entre les mailles des réseaux de la grande distribution, acheter des produits de bonne qualité qu’ils sont ensuite à même de revendre à des prix bien plus modestes ». Ce qui leur permet d’atteindre, tel que plus haut confirmé, une clientèle populaire, pas forcément musulmane, loin s’en faut, mais à faible pouvoir d’achat et peu soucieuse de savoir si ce qui atterrit dans leur assiette a été sacrifié ou non selon le rituel islamique.

En attendant, trouver un tournedos digne de ce nom, halal ou pas, fera bientôt figure de quête du saint Graal.

Nicolas Gauthier

 

Date de dernière mise à jour : 18/04/2024

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