À Rouen, ce sans-abri dort dans sa voiture : « Si on ne lui donne pas le RSA, il va crever »

Touché par l'histoire de ce sans-abri qui vit dans sa voiture, un ancien  pompier lui offre son camping-car

Un sans-abri de 55 ans vit dans sa voiture à Rouen depuis près d'un an. Pour s'en sortir, il cherche à obtenir le RSA. Mais depuis plusieurs mois, rien ne bouge. Récit.

À première vue, Nicolas* ne présente pas les caractéristiques du « cliché du sans-abri », comme il aime le dire. Toujours rasé de près, propre sur lui, cet homme de 55 ans vit pourtant dans la rue à Rouen depuis bientôt un an.

Il dort tous les soirs dans sa voiture. Un vieux modèle de collection qu’il a hérité de son défunt père. « Elle est magnétique, pense-t-il. Même si elle ne vaut pas un clou. » Comme elle ne passe pas inaperçue, elle attire « les emmerdeurs », mais aussi quelques bonnes âmes prêtes à l’aider.

De bonnes âmes, il en a vraiment besoin en ce moment. Le quinquagénaire se remet difficilement d’une pneumonie et d’une sinusite. Il faut dire que sa voiture est dépourvue de chauffage et d’isolation moderne.

Dormir à l’intérieur, ça revient à dormir dehors.

« J’ai besoin du RSA »

Pour sortir de la rue, le SDF ne voit qu’une seule solution : « J’ai besoin du RSA ». Sans ressources et domicile, il remplit tous les critères pour bénéficier du revenu de solidarité.

Mais il ne l’a toujours pas. Ses demandes réalisées il y a plusieurs mois restent sans réponse. « Je ne comprends pas », enrage Laurent Gané. Devenu un proche du sans-abri après une rencontre fortuite, il tente de l’aider dans ses démarches.

Si on ne lui donne pas le RSA, il va crever.

Laurent Gané Proche de Nicolas

Ces derniers jours, Nicolas a pu dormir au chaud. Une généreuse bienfaitrice lui a payé quelques nuits dans un hôtel pour qu’il se remette de la maladie. Mais bientôt, il devra retourner dans la rue.

« On ne peut pas faire ça, s’insurge Laurent Gané. On ne se remet pas d’une pneumonie en quelques jours. Il lui faut le RSA et un logement d’urgence ! »

Une enfance « chaotique »

Si Nicolas est à la rue aujourd’hui, c’est comme souvent à cause d’un concours de circonstances. Tout commence par une enfance qu’il juge « chaotique ». La séparation de ses parents, alors qu’il est très jeune, le fait grandir dans un climat toxique.

Il est élevé successivement par sa mère, ses grands-parents et enfin son père. Mais tout au long de ses jeunes années, il se sent comme un paria, « un parasite qui gêne ». Ce qu’il explique aussi par le milieu « plutôt bourgeois et strict » dans lequel il évolue.

Son handicap lui pourrit la vie

À 18 ans, il tente de rejoindre l’armée. Mais sa vie prend un tournant lors de sa visite médicale précédant l’engagement. On lui apprend qu’il est malentendant. Un handicap qu’il découvre avec surprise. Et qui va lui pourrir la vie.

À cause de son conduit auditif, il peine à trouver du boulot : « J’ai souvent été débauché deux ou trois mois après être entré dans une entreprise parce que la visite médicale avait révélé mon handicap ».

Il se débrouille comme il peut mais les périodes de chômage compliquent ses recherches de logement. Sans garant et sans revenu, on lui claque souvent la porte au nez.

Passionné par la peinture

Il enchaîne les petits boulots et parvient à se loger grâce à des marchands de sommeil. Mais tout vacille assez vite.

Après la mort de son père, Nicolas hérite d’une belle somme et de la vieille voiture. Il est alors tenté de réaliser son rêve : construire sa propre maison pour y installer son atelier.

Parce que depuis l’enfance, le quinquagénaire est un artiste dans l’âme. Passé par une école d’arts, son truc c’est le dessin et la peinture. Au fil des ans, il se découvre aussi une passion pour la mécanique et la conception de prototypes de motos et de voitures.

D’aussi loin qu’il se souvienne, ses plus grands moments de bonheur, c’est quand il peint.

Les débuts dans la rue

Pour mener à bien son projet, il charge un proche de lui trouver un terrain en Vendée. C’est là que les ennuis commencent. Il pense avoir trouvé la perle rare. Mais il tombe des nues : le terrain qu’il possède est soumis à des règles d’urbanisme strictes.

La cause ? Une église classée installée toute proche. Le cahier des charges pour sa construction s’avère bien plus coûteux que ce qu’il avait anticipé. Tout s’effondre.

La joie laisse peu à peu place au désespoir. Sans logement, Nicolas commence à dormir dans la rue. Il s’installe dans une tente, sur son terrain, pendant un temps. Mais l’hiver arrive et il se décide à séjourner dans un hôtel pour rester au chaud.

Ses économies fondent à vue d’œil et il finit par rentrer à Rouen, la ville qui l’a vu grandir. Il est hébergé dans une caravane pendant un temps mais retourne assez vite à la rue, dans le courant de l’année 2024. Il ne lui reste alors que sa vieille voiture mal isolée. Et en plus elle est en panne…

Prêt à tout pour s’en sortir

Pour lui, il fait partie de cette « nouvelle génération de sans-abri ». Des personnes qui ont tout perdu à cause d’un échec professionnel ou personnel. Mais des personnes qui ont aussi envie de s’en sortir !

À condition d’avoir un coup de pouce… Aujourd’hui, Nicolas veut sortir de la rue. Tout ce qu’il demande, c’est le RSA. Il pourrait l’aider à trouver un logement et se remettre sur le chemin de l’emploi. Mais la longue attente commence à avoir raison de lui.

Il y a quelques jours; il a fait la queue dans le froid pendant plus d'une heure devant la CAF pour savoir où en était son dossier, alors qu'il est malade comme un chien.

Laurent Gané proche de Nicolas

Mais une fois au guichet, Nicolas dit ne pas avoir été reçu car il n’avait pas son « numéro d’allocataire ».

Un dossier bloqué à la CAF

Après enquête, Laurent Gané pense que le problème viendrait d’une déclaration de ressources manquantes dans son dossier à la CAF : « Il a, d’après ce qu’on m’a dit, été radié. Mais personne ne l’a prévenu. Il ne pouvait pas être au courant ».

Pourtant, Nicolas est suivi par le CCAS (Centre communal d’action sociale) de Rouen. Mais même là-bas, « personne n’arrive à comprendre », souffle-t-il.

Pour tenter d’en savoir plus, nous avons contacté Florence Thibaudeau-Rainot, vice-présidente du Département de la Seine-Maritime en charge des Solidarités Humaines. D’après elle, le problème de Nicolas proviendrait « d’un problème de pièce complémentaire », dans sa demande de RSA.

Sans pouvoir nous en dire plus, l’élue assure que les démarches « vont très vite » à la CAF de Seine-Maritime. Elle va néanmoins faire remonter ce problème pour « comprendre ce qui bloque ».

En attendant, le sans-abri de 55 ans est sur le point de retourner dans la rue. Un monde « impitoyable » dans lequel « tout le monde veut vous foutre sur la gueule ».

*Le prénom a été modifié

La Rédaction

Date de dernière mise à jour : 13/01/2025

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