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Avez-vous déjà vécu un moment embarrassant en voyageant en train ?

RER C : sous les yeux des passagers, le plancher du wagon transpercé au  passage d'un autre train | TF1 INFO

Pendant très longtemps, dans le train, je n’étais pas « La madone des sleepings », mais la providence des vieilles dames. Je ne sais à quoi cela tient, mais j’étais régulièrement « l’élue » à ce bénévolat, par les dames inquiètes de laisser leurs mamans âgées, à la merci d’initiatives fâcheuses et d’oubli de la destination. A la longue, dès je les voyais monter, je savais que je n’y couperais pas, que je ne pourrais pas lire mon livre en paix. Le hasard s’était changé en loi. Bien sûr, après un regard circulaire sur les voyageurs du wagon, la fille me sollicitait et me confiait sa mère, puis détendue, tout sourire, elle partait rassurée. Même lorsque les places étaient numérotées, elle s’arrangeait pour l’asseoir à proximité, grâce à la bienveillance de ceux qui préférait bouger que de s’en charger.

Quelquefois cela m’a donné l’occasion d’un échange intéressant avec une personne, dont à l’arrivée, je connaissais la vie et toute la famille. Plus souvent, je devais lui répéter à satiété l’heure d’arrivée et les gares auxquelles nous allions nous arrêter et lui certifier qu’il n’était pas encore temps de descendre, l’accompagner aux toilettes en veillant à ce qu’elle n’y oublie pas son sac à main.

Mais un jour, je me suis trouvée en face d’une personne plus excitée que les autres par le voyage et qui était chargée de multiples bagages, dont une petite valise lourde qu’il m’a fallu monter et descendre de la grille au-dessus de nos têtes. Elle voulait tricoter, mais le tricot n’était pas dans la valise, il était dans un de ses sacs. De grandes aiguilles me voltigeaient sous le nez, car j’avais eu la candeur de lui répondre que je n’avais jamais appris le tricot. Son exclamation a alerté le compartiment et tout le monde a été surpris de mon ignorance et de ce manque à mon éducation. Qu’à cela ne tienne, j’avais trouvé un professeur qui me démontrait au plus près combien elle était habile en ce domaine et voulait à tout prix que je vois et comprenne à chaque maille, la fabrication de son ouvrage. Le train secouait et la proximité des grandes aiguilles fines m’imposait quelques réflexes de recul, qu’elle compensait pas des avancées au niveau de mes yeux. J’ai fini par la dissuader de son coaching et cela l’a privée du plaisir de tricoter.

Nous avons exploré valise et divers autres contenants, car elle avait faim et cherchait son en-cas. <je l’ai aidée à ouvrir les tupperware, à inventorier ce que sa fille lui avait prévu comme repas. Diable, la serviette était dans la valise ! Heureusement elle ne parlait pas la bouche pleine et j’ai eu un moment de tranquillité, jusqu’au repliage des restes et rangement. Le contenu de sa valise la tracassait. Sa fille avait-elle pensé à tout ? Il serait plus rassurant de vérifier ! L’ambiance autour de nous avait évolué, la tendresse pour ma sollicitude avait fait place à l’amusement, aux sourires moqueurs, puis à la lassitude et à une exaspération qui me semblait destinée.

Enfin lorsque le train a ralenti à sa gare de de destination, ma « protégée » a aperçu son fils sur le quai et voulait se précipiter vers la sortie. J’ai dû la retenir pour lui renfiler son manteau et rassembler ses bagages et enfin l’aider à descendre. Le fils nous a rejointes promptement, il a embrassé sa mère, s’est affectueusement enquis de sa santé et de la pénibilité du voyage. Et sans me prêter la moindre attention, il m’a délestée des bagages, je me suis aperçu que j’avais les mains vides.

J’avais oublié ma propre valise dans le train déjà en partance pour la gare suivante !

Eve Gonin Travert

Date de dernière mise à jour : 22/08/2024

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