Le projet de contournement de Beynac-et-Cazenac anime le Périgord depuis bientôt 40 ans. Les élus actuels n’ayant pas respecté les décisions judiciaires, le Département est condamné à de fortes astreintes. Une gabegie qui n’a pas échappé à l’association AC ! anticorruption.
Beynac-et-Cazenac est l’un des plus beaux villages de France avec son château médiéval posé sur un piton rocheux à l’aplomb de la Dordogne. Ce superbe navire de pierres a connu son heure de gloire au cours de la guerre de Cent ans. Aujourd’hui, plus de 800.000 touristes viennent chaque année admirer le château et sa région. À la belle saison, évidemment, ça bouchonne un peu, en bas, dans la vallée. De 1985 à 2001 le Département de la Dordogne, après maintes études émaillées d’échecs judiciaires et de modifications forcées, obtient une DUP (Déclaration d’utilité publique) pour construire une route de contournement de 3,4 km, avec deux ponts sur la rivière, deux ronds-points et un pont-rail avec passage sous voie ferrée dans une zone inondable, le tout pour faciliter la circulation.
Une ZAD sur le contournement
Après une période d’achats et d’expropriations de terrains puis et une longue mise en sommeil, le projet reprend force et vigueur en 2015 lorsque arrive à la tête du département Germinal Peiro (PS), fils de l’ancien maire d’une commune voisine, très attaché au projet. Sont alors lancées les études pour un projet actualisé dit de « Contournement de Beynac ». Coût des travaux : 32 M€ HT ! (pour les seuls ponts). Mise en service prévue en 2020.
Les opposants historiques comme ceux qui sont sensibles à la sauvegarde environnementale de ce lieu prestigieux, connu comme étant le « Triangle d’or de la vallée de la Dordogne » créent un collectif et, à partie de février 2017, créent une ZAD (Zone à défendre) sur le tracé de la future route.
Des travaux dans la précipitation
Malgré cette forte opposition, la préfète de l’époque délivrera un arrêté préfectoral autorisant les travaux le 29 janvier 2018. Arrêté laissant entendre d’ailleurs que le projet est susceptible d’être invalidé par la justice administrative.
Le Département de la Dordogne lancera alors les travaux à grande vitesse dès le 26 février, affirmant lors d’une réunion du Conseil départemental que : « Le pont de l’île de Ré, il a été déclaré illégal une fois terminé » ! Voilà qui en dit long sur l’éthique politique de certains élus.
Démolition des ouvrages
L’ennui pour le département de la Dordogne et ses élus, c’est que nous sommes en zone Natura 2000 et réserve de biosphère Unesco. Les associations de défense de la nature ont aussitôt attaqué le projet. Logique. Elles ont perdu en référé-suspension, mais elles ont gagné sur le fond devant le Conseil d’État le 28 décembre 2018. Le département perd tous ses recours et le projet fut définitivement enterré le 29 juin 2020. La Cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux a condamné le département à démolir les ouvrages construits dont 5 piles de pont sur les 15 prévues. Un arrêt du 7 juillet 2022 fixe le délai de début des travaux de démolition avant le 8 janvier 2023 et leur fin avant le 8 juillet 2023, sous peine d’astreintes de 3 000 €/jour avant leur démarrage et 5 000 €/jour s’ils n’étaient pas terminés à la date fixée. Du lourd !
Des astreintes colossales
Mais le Département ne s’avoue pas vaincu. Le contournement de Beynac est relancé mi-2022. Reste que les décisions judiciaires de la Cour administrative d’appel et du Conseil d’État s’appliquent à tous sur le territoire de la République. Même en Dordogne.
Au Département, des sommes sont provisionnées pour payer les astreintes, manifestant ainsi sa volonté de ne pas démolir. Une première liquidation est demandée par les opposants. La Cour administrative d’appel leur accorde 489 000 € représentant le montant des astreintes entre le 8 janvier et le 20 juin 2023. Une deuxième liquidation demandée le 26 mars 2024 octroiera 500 000 € aux associations et 933 000 € à l’État. Une troisième liquidation a été demandée à la CAA. Mais un nouvel arrêté préfectoral du 5 novembre 2024 délivre une autorisation environnementale pour le « nouveau projet ». (voir ci-dessous le communiqué de presse de la préfecture et la vidéo de France 3 Nouvelle-Aquitaine).
Le Conseil départemental en profite pour demander à la CAA de Bordeaux de faire stopper les astreintes (le département a déjà versé 1,43 M€, mais il lui reste encore 1,15 M€ à payer !) et arrêter les opérations de démolition. En effet, le Département nous confirme que « le chantier de démolition a commencé ».
Contenter « les écolo-terroristes »
Sans précipitation. Car le Département a sorti du chapeau un nouveau projet appelé « Boucle multimodale des deux rives de la Dordogne ». Il s’agit du même tracé, des mêmes ponts sur la Dordogne. Mais cette fois-ci avec future réouverture d’une gare et futures des navettes électriques pour emmener les visiteurs sur les sites touristiques. Bref, « un coup de peinture verte sur l’ancien projet pour contenter les écolo-terroristes », ricanent les opposants.
La nouvelle enquête publique est cette fois-ci favorable au nouveau projet. En théorie, les travaux pourraient reprendre. Mais le président du Conseil départemental, Germinal Peiro, a promis d’attendre que tous les recours soient épuisés. Sage décision.
« Une insulte à la justice »
En effet, les recours sont nombreux. Auxquels s’ajoute, depuis quelques semaines, une plainte contre X de l’association AC ! anticorruption déposée au pôle Environnement du tribunal judiciaire de Bordeaux pour « atteinte à la préservation du patrimoine naturel ». AC ! s’étonne que « les ouvrages jugés illégaux n’aient pas été détruits. » L’association considère qu’il s’agit « d’une insulte à la justice. »
L’affaire est loin d’être terminée.
Marcel Gay
COMMUNIQUÉ DE PRESSE DE LA PRÉFECTURE DE LA DORDOGNE
HISTORIQUE