Avant de transcrire cet article concernant certaines positions du Pape François 1er, et dans lequel le communiste Jérôme Leroy répond à Aurélien Marq, je rappelle ici la biographie rapide de l'un et de l'autre afin que le lecteur puisse s'y retrouver facilement.
Jérôme Leroy, est un écrivain français connu, auteur de romans, spécialement de romans noirs, comme aussi de romans pour la jeunesse et de poésie.
Ancien professeur en zone d'éducation prioritaire à Roubaix « par choix, pendant près de vingt ans » delon lui, Jérôme Leroy est décrit comme un « compagnon de route d’un communisme sans dogme, anar des chemins buissonniers ». Après un premier roman, il découvre le néo-polar par l'intermédiaire de Frédéric Fajardie qui deviendra plus tard son ami.
Il écrira par la suite de très nombreux ouvrages ainsi que des recueils de poésie ou diverses nouvelles. Il rédige également quelques essais avant de devenir co-scénariste d'un film de Lucas Belvaux en 2017.
Jérôme Leroy est l´auteur du livre Le Bloc (Gallimard, 2011) qui met en scène un parti d’extrême droite nommé « Bloc Patriotique », dirigé par Roland Dorgelles puis par sa fille Agnès Dorgelles. En 2017, Leroy est le co-scénariste du film Chez nous de Lucas Belvaux, adapté de son roman Le Bloc.
Il publie aussi de la poésie. En 2011, il reçoit le prix de l'Académie française Maïse Ploquin-Caunan pour Un dernier verre en Atlantide (La Table Ronde, 2010).
Quant à Aurélien Marcq, c'est un polytechnicien et haut fonctionnaire chargé essentiellement de questions de sécurité intérieure. Entre autres actviités, il écrit dans Causeur de nombreux articles touchant spécialement les libertés, l'islam, les djihadistes et la politique en général.
Voici donc ci-après le texte intégral constituant la réponse de Jérôme Leroy à Aurélien Marq. (Sources : Causeur)
Le catholicisme n’est pas au service des intérêts des dominants comme le croit trop souvent une droite qui voit en lui un outil pour le maintien de l’ordre. La réponse du communiste Jérôme Leroy à Aurélien Marq.
Pour mieux comprendre l'article ci-dessous, il faut lire l'article d'Aurélien Marcq en date du 12 octobre, intitulé " Fratelli Tutti : l’encyclique hors-sol du Pape " (cliquez sur le lien)
J’ai lu avec intérêt la charge d’Aurélien Marq car elle est parfaitement représentative de la manière dont une partie de la droite française a toujours considéré le catholicisme, c’est-à-dire comme un moyen de maintenir l’ordre social. La Foi, le message évangélique n’a que de peu d’importance pour cette droite-là.
Il suffit de songer à Charles Maurras qui toute sa vie a été un fieffé mécréant, qui croyait plus à la lumière grecque qu’à la douceur corrégienne de la Vierge immaculée. « Je suis athée mais catholique » répéta-t-il à l’envi toute son existence avant que sur son lit de mort, « il n’entende quelqu’un venir » : il était temps mais dans une perspective janséniste, on peut penser que le Royaume des Cieux lui a été ouvert comme au fils prodigue ou à l’ouvrier de la onzième heure.
Bobo 1er au Vatican ?
Le Pape ne convient pas à Aurélien Marq parce qu’il serait de gauche, mondialiste et même depuis l’encyclique Laudato si, écologiste. Un cauchemar ! Bobo 1er au Vatican !
Bref un pur fruit de ce qu’on a appelé la théologie de la Libération même si en ce qui concerne François les choses sont un peu plus compliquées et qu’il n’a pas été celui qu’il est maintenant sous la dictature militaire argentine. Mais le Pape n’a pas à convenir ou pas aux intérêts politiques des uns et des autres. On peut aimer son message, on peut ne pas l’aimer mais si on est croyant, on l’accepte. On rappellera le dogme de l’infaillibilité pontificale qui s’impose à tout catholique. À tout catholique réel, pas de manière ornementale à la façon de Maurras.
Je ne sais pas quel rapport Aurélien Marq entretient avec la religion de nos pères, et cela ne me regarde pas. Pour préciser les choses, en ce qui me concerne, mon communisme n’a jamais été incompatible avec le message évangélique, bien au contraire. Je pense que les Actes des Apôtres sont un texte aussi émancipateur que Le Manifeste. Cette apparente contradiction a pourtant été très répandue à une époque, notamment en France, en Italie et en Amérique Latine. On peut la résumer dans les propos de Dom Helder Camara, archevêque de Récife sous une autre dictature militaire, la brésilienne : « Quand je donne à manger aux pauvres, on dit que je suis un saint, quand je demande pourquoi ils sont pauvres, on dit que je suis un communiste. »
La Maison commune
Question de Foi, précisément. Si l’encyclique Fratelli Tutti rend si furieux les milieux ultraconservateurs, c’est parce qu’elle pousse jusque dans ses conséquences pratiques le message évangélique. Placée, comme Laudato si, sous le signe de François d’Assise, elle invite à constater l’état du monde aujourd’hui, et ce n’est pas gai, sauf pour cette part de plus en plus infime de la population hors-sol des hyper-riches.
Ce séparatisme social, François se contente d’indiquer le chemin pour y mettre fin : « Protéger le monde qui nous entoure et nous contient, c’est prendre soin de nous-mêmes. Mais il nous faut constituer un ‘‘nous’’ qui habite la Maison commune. Cette protection n’intéresse pas les pouvoirs économiques qui ont besoin d’un revenu rapide. Bien souvent, les voix qui s’élèvent en faveur de la défense de l’environnement sont réduites au silence ou ridiculisées, tandis qu’est déguisé en rationalité ce qui ne représente que des intérêts particuliers. »
Aurélien Marq n’a plus envie de dire « nous ». C’est son affaire. Mais il n’a pas à faire son marché dans le catholicisme pour y prendre ce qui l’arrange et puis pourrait peut-être l’intéresser, comme cette critique orwellienne d’un monde où la novlangue règne universellement au profit du Big Brother libéral: « Un moyen efficace de liquéfier la conscience historique, la pensée critique, la lutte pour la justice ainsi que les voies d’intégration consiste à vider de sens ou à instrumentaliser les mots importants. Que signifient aujourd’hui des termes comme démocratie, liberté, justice, unité ? Ils ont été dénaturés et déformés pour être utilisés comme des instruments de domination, comme des titres privés de contenu pouvant servir à justifier n’importe quelle action. «
Je suis d’autant plus à l’aise pour défendre le Pape François qu’en d’autres temps, dans ses colonnes, j’ai dit plusieurs fois tout le bien que je pensais de son prédécesseur Benoît qui enchantait la droite parce qu’il semblait plus rigide sur les questions doctrinales et envoyait un message sur les mœurs qui tenait explicitement du rappel à l’ordre quand bien même il condamnait, lui aussi, cette manière de mettre l’homme ou service de l’économie et non le contraire.
Je n’ai aucun problème avec les papes en général. Celui-ci convient à mon coeur, mais le précédent aussi. Pour être doux comme François, il faut être clair comme Benoît. J’oserais, je dirais que c’est là un mouvement hégélien qui amène vers la Cité de Dieu ou le communisme : c’est la même chose à la fin.
Jérôme Leroy