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Parlera-t-on encore français dans 50 ans ?

Rien n'est moins sûr !

D'autant plus que l'anglais s’impose de plus en plus via nos écrans. Molière s’incline devant Shakespeare.

La langue française dans le monde - Mission laïque française

Les Beatles ont favorisé la diffusion de l’anglais dans le monde (Wikimedia.commons)Quelle tristesse ! L’anglais partout progresse. Le français partout régresse. Dans les journaux, à la radio, à la télé, les anglicismes pullulent. Sur le web, sur les réseaux sociaux, dans la rue, la langue française est de plus en plus mal menée, torturée, martyrisée. L’écriture phonétique de millions de textos que s’échangent chaque jour les Francophones, contribue grandement au déclin de l’orthographe. Et de la langue de Molière.
Aujourd’hui, le français est parlé par 274 millions de personnes dans 29 pays. La langue est le principal véhicule de la pensée et de la culture française dans le monde. Or, on la néglige, même au plus haut niveau de l’Etat. Nos élites parlent -ou parfois baragouinent- en anglais, à Paris comme à Bruxelles. « […] le snobisme anglo-saxon de la bourgeoisie française est quelque chose de terrifiant, disait de Gaulle (cité par Alain Peyrefitte dans ‘’C’était de Gaulle’’) Il y a chez nous toute une bande de lascars qui ont la vocation de la servilité. Ils sont faits pour faire des courbettes aux autres. »

La langue est pourtant un principe de souveraineté, inscrit dans l’article 2 de la Constitution. « La langue de la République est le français. L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge. L’hymne national est la Marseillaise. La devise de la République est Liberté, Egalité, Fraternité. Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. »

63% du vocabulaire anglais

En France, le français est devenu la langue officielle le 25 août 1539 lorsque le roi François 1er promulgua l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui imposa le français en remplacement du latin dans la rédaction des actes judiciaires et notariés.
Le français était alors la langue la plus répandue dans le monde chrétien.

En 1066, Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, envahit l’Angleterre. Il parlait français ou, plus exactement, l’idiome franco-normand qui, entre autres particularités, transformait le ‘’ch’’ en ‘’ke’’. On ne disait pas un chat mais un cat, on ne disait pas charrier mais carrier.
Bien vite le franco-normand fut le seul idiome digne des hommes de haute naissance outre-Manche. Puis, celui des courtisans. On adopta non seulement la langue mais aussi les coutumes des Normands. Ainsi, le français s’imposa-t-il rapidement aux intellectuels, aux juristes, au clergé anglais.
Tout le monde à la cour d’Angleterre parlait donc français. C’est si vrai que plusieurs rois d’Angleterre ne parlaient pas un seul mot d’anglais, réservé à la populace, mais uniquement le franco-normand. Ce fut le cas de Richard Cœur de Lion mais aussi d’Edouard III d’Angleterre ce roi Plantagenêt qui, en 1337, va lancer son royaume dans l’interminable guerre de Cent ans.
Que reste-t-il, dix siècles plus tard de cet héritage franco-normand ? Beaucoup de mots de la langue de Shakespeare sont issus du français. 63% selon certains linguistes, bien davantage pour d’autres. Par exemple, le mot le plus utilisé dans le monde, love, vient du français se lover. Flirter ? De conter fleurette. Tennis ? de… tenez ! Et ainsi de suite…
La devise de la monarchie britannique est restée française : Dieu et mon droit. Quant au plus célèbre Ordre de chevalerie d’Angleterre, l’Ordre de la Jarretière, créé au 14ème siècle, sa devise est en français : Honni soit qui mal y pense.
C’est en 1362, à Londres, que l’anglais est devenu la langue officielle dans les actes judiciaires et en 1385 pour que l’anglais remplace le français dans les universités anglaises.

De Marco Polo à Descartes

Le français fut ainsi pendant très longtemps la langue véhiculaire par excellence. Durant tout le moyen-âge, marchands, voyageurs et poètes parlent et écrivent en français. Au 13ème siècle, Marco Polo dicte ses récits de voyages en français depuis sa prison de Gênes. En 1250, Saint-Louis commande une traduction de la Bible en français.
A la Renaissance, le poète Joachim du Bellay rédige Défense et illustration de la langue française qui fait du français une langue aussi digne que le latin et le grec. Avec quelques poètes dont Ronsard, il crée La Pléiade, mouvement littéraire qui va renouveler la langue française et lui donner ses lettres de noblesse.

Le 16ème siècle posera les fondements du français moderne issu du latin et enrichi de néologismes et d’apports des langues régionales. Des formes poétiques apparaissent comme les sonnets, les odes, les ballades, les élégies… Le vocabulaire s’étoffe, les figures de style se multiplient.
En 1606 le premier dictionnaire de Jean Nicot est publié sous le titre Trésor de la langue française tant ancienne que moderne. René Descartes publie en 1637 son Discours de la méthode, l’un des premiers essais philosophiques écrits en français et non en latin.
La littérature française va connaître un essor formidable durant le 17ème siècle grâce aux comédies de Molière et aux tragédies de Racine et de Corneille. Mais aussi grâce aux fables de Jean de La Fontaine et aux contes de fées de Charles Perrault.
On découvre alors toute la richesse et la subtilité de la langue. Le français se prête, plus que d’autres sans doute, à toute sorte de jeux de mots, de traits d’esprit, de contrepèteries… L’Académie française est fondée en 1634 par Richelieu.
Le français, partout, domine. Ce qui fait écrire à Pierre Bayle en 1685 que le français est le point de communication de tous les peuples d’Europe.

Grandeur et décadence

L’hégémonie du français se confirme au 18ème. Le siècle des Lumières fait de la langue de Molière une langue universelle. Les grands auteurs s’appellent Voltaire, Montesquieu, Diderot, Rousseau, Beaumarchais, Marivaux… Ils incarnent tous les genres littéraires et contribuent à propager les idées nouvelles de liberté et d’égalité.
On parle français dans toutes les cours d’Europe. Princes et princesses échangent de longues lettres en français. Grâce aux progrès de l’imprimerie on lit de plus en plus de romans et de longues correspondances que l’on s’adresse d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre. Il est question de philosophie, de sciences, de politique. Et d’amour aussi.
Le 19ème siècle va donner à la France des poètes et des romanciers que le monde nous envie : Hugo, Balzac, Zola, Dumas, Lamartine, Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, Alfred de Musset, Alfred de Vigny, Stendhal, Gérard de Nerval et tant d’autres. Beaucoup se font connaître du grand public grâce aux nouvelles qu’ils publient dans la presse à un sou.
Le rayonnement du français n’a, alors, pas d’équivalent. Le français est la langue de la diplomatie, de la culture, du savoir, des sciences…
Elle le restera jusqu’au deuxième conflit mondial. Avant de céder la place, peu à peu à l’anglais.
De fait, l’anglais est parlé dans tout l’empire colonial britannique : en Asie, en Afrique et dans le Pacifique. La littérature anglaise s’est répandue dans la bonne société grâce à des auteurs aussi prestigieux que William Shakespeare (Roméo et Juliette, Le roi Lear, Le songe d’une nuit d’été etc.) mais aussi Jonathan Swift (Les voyages de Gulliver) Lord Byron (Don Juan) Rudyard Kipling (Le livre de la Jungle), Arthur Conan Doyle (Sherlock Holmes) et encore Oscar Wilde, Charles Dickens…
Après 1945, l’hégémonie économique et militaire américaine va imposer la langue et la culture américaines. Au même moment, la décolonisation de l’empire français, notamment en Afrique du Nord et en Asie du Sud-Est, vont contribuer à affaiblir notoirement l’influence française et l’usage du français dans le monde.
Certes, la France peut s’enorgueillir d’avoir encore de grands auteurs tels Albert Camus (L’Etranger), Malraux, Céline, Colette, Breton, Giono, Aimé, Troyat, Pagnol, Sartre et les autres. Mais la littérature américaine n’est pas en reste grâce à des auteurs de renom : Ernest Hemingway, Mark Twain, Jack London, John Steinbeck, F. Scott Fitzgerald, Philip Roth, William Faulkner…

Les mass media

A partir des années 50, de nouveaux moyens de communication de masse envahissent la planète. La radio, le cinéma, la télévision sont dominés par les Etats-Unis. Hollywood devient la capitale mondiale de l’industrie cinématographique. Et les séries télé fabriquées à la chaîne sont vendues sur toute la planète.
La mondialisation est en marche.
Un autre phénomène apparaît au début des années 60. Un groupe de rock britannique fondé à Liverpool va fasciner la jeunesse de tous les continents. The Beatles est le groupe le plus populaire et le plus influent de l’histoire (plusieurs milliards de disques et CD vendus). Leurs tubes sont sur toutes les lèvres. On chante en anglais. On se passionne pour l’anglais et pour l’Angleterre. D’autres grands noms de la musique suivront : Elton John, Joe Cocker, David Bowie, Freddie Mercury, Peter Gabriel…
De grands noms de la chanson américaine s’imposent aussi sur les ondes et dans les bacs des disquaires : Bob Dylan, Franck Sinatra,  Otis Redding, Joan Baez, Elvis Presley…
A la fin du 20ème siècle, les autoroutes de l’information vont accentuer la prééminence de l’anglais sur français. Les réseaux informatiques à haut débit transportent les textes, les images et les sons à la vitesse de la lumière.
Au début du 21ème siècle, l’Amérique a définitivement imposé sa culture et sa langue dans tous les domaines grâce à son puissant moteur de recherche Google. Le phénomène va s’accentuer avec l’apparition des réseaux sociaux made in USA : Facebook, Twitter, LinkedIn, Instagram, MySpace etc.
Impossible de lutter. L’anglais s’immisce partout. La loi Toubon de 1994 qui fait obligation, notamment aux entreprises publiques, d’employer un mot français, quand il existe, plutôt qu’un mot anglais, est sans effet.
Même les tribunaux méconnaissent cette loi. En 2016, l’association Francophonie Avenir (AFRAV) a assigné l’aéroport de Lorraine pour avoir changé son nom en Lorraine Airport. Finalement, c’est
 l’association qui a été condamnée.
Mieux. Alors que la langue officielle des Jeux Olympiques est le français (grâce à Pierre de Courbertin), nos élites vont plaider la cause de Paris pour l’organisation des Jeux en 2024 ou 2028 en … anglais !
La progression de l’anglais nous envahit inexorablement. Dans les grandes écoles, à Paris comme en Province, on fait les cours en anglais. Les conférences de presse des grands groupes industriels français se tiennent en anglais. Les grandes et les petites entreprises communiquent en anglais. Dans les gares et dans les aéroports la signalétique est en anglais.
Désormais, la déperdition du français ne choque plus personne. Les mots anglais se substituent aux mots français. Ils nous colonisent. Comme le déplorait de Gaulle, nous nous soumettons au modèle dominant.
Nos enfants, nos petits-enfants, ont intégré dans leur vocabulaire des milliers de mots anglais dont ils ne connaissent pas l’équivalent en français. C’est cool, best of, booster, geek, break dance, business, charter, crash, fast-food, look, overdose, bug, buzz, selfie, email, scoop, low-cost, zapping, spam, news, sitcom, cocktail…
Le phénomène est irréversible. A ce rythme, dans un demi-siècle tout au plus, on ne parlera plus français en France. En perdant le vocabulaire de tous les jours, nous affaiblissons notre langue. En perdant notre langue maternelle, nous perdons notre histoire. En perdant notre histoire, nous perdons notre âme. Damned !

Marcel GAY

Date de dernière mise à jour : 28/04/2024

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