Derrière les accusations de récupération et les différentes formes qu’ont prises ces hommages, c’est toute une nation endeuillée qui pleure aujourd’hui une de ses enfants innocentes.
Ils étaient plus d’un millier, place Denfert-Rochereau, à 18 h 30, ce jeudi 20 octobre, pour rendre hommage à la mémoire de la petite Lola, 12 ans, violée, torturée et tuée dans le XIXe arrondissement de Paris. À l’invitation de l’Institut pour la justice, les manifestants parisiens ont religieusement écouté, sous la pluie et l’orage, les différentes prises de parole et témoignages de proches de victimes tuées, assassinées, dans l’indifférence, du moins dans l’amnésie de l’opinion publique.
Parmi eux, l’état-major de Reconquête au grand complet. Éric Zemmour, Marion Maréchal, Stanislas Rigault, Nicolas Bay, Guillaume Peltier et Sarah Knafo ont gardé la mine sombre et le mutisme qui siéent à une cérémonie d’obsèques. En accord avec la demande des organisateurs, aucune prise de parole politique n’a eu lieu ce soir. Chez Reconquête comme chez Florian Philippot, le silence et le recueillement étaient de mise. Un peu plus loin, on apercevait côte à côte le dessinateur Marsault, l’écrivain Laurent Obertone et d’autres, en silence et la mine grave.
Sous la pluie et l’orage, les centaines de parapluies déployés donnaient à cette manifestation une uniformité, comme si chacun s’effaçait devant l’étendue du drame que traverse la famille de Lola. Mais Paris n’est qu’un lieu parmi d’autres, dans toute la France des rassemblements spontanés ont eu ou auront lieu. Aucun slogan ou symbole politique n’est venu s’imposer dans un cortège aux allures funèbres.
À la fin de la manifestation, malgré les appels à se disperser dans le calme et la dignité, une cinquantaine de militants encagoulés de noir ont crié des slogans politiques accompagnés de force fumigènes. « C’est indigne », murmure un jeune venu manifester. Des dizaines de fois, l’appel retentissant dans les mégaphones demandant le calme et la dispersion digne tente de couvrir les hurlements de ces militants. « Est-ce que j’ai été choqué ? Je pense que ces jeunes étaient en droit d’exprimer leur colère devant ce meurtre barbare », balaye, de son côté, Jean Messiha. Le patron de l’Institut Apollon a pris le temps d’exposer sa colère face à ce « gouvernement qui cherche le pouvoir sans exercer la moindre responsabilité ». Du côté de Reconquête et de l’Institut pour la justice, on esquive les questions. « La parole est ce soir aux victimes », souffle-t-on dans l’entourage d’Éric Zemmour. « Je ne souhaite pas répondre aux journalistes », affirme, de son côté, Pierre-Marie Sève, directeur de l’Institut, organisateur de cette démonstration. En tout cas, les seules violences observées n’étaient pas là. Une heure après le rassemblement, « Georges », le nouveau patron de Livre noir, se faisait passer à tabac par une douzaine de personnes, « des antifas », d’après lui. La Jeune Garde » (groupuscule violent de l’ultra-gauche) menée par Raphaël Arnaud, d’après Erik Tegnér.
Le RN assure un hommage institutionnel
À la même heure, les 89 députés du Rassemblement national accompagnés de Jordan Bardella, de quelques eurodéputés et conseillers régionaux, ont observé une minute de silence. Tournant le dos aux journalistes, Jordan Bardella a exprimé quelques mots devant ses collègues avant de s’aligner pour la minute de recueillement. Marine Le Pen a ensuite brièvement pris la parole : « La nation a été terriblement choquée par ce meurtre barbare. Comme nous sommes les représentants des Français, nous exprimons cette émotion. » Derrière cette volonté de marquer ce drame à part des manifestations, le RN ne masque pas son agacement devant ce qu'il considère comme des manœuvres de la part du mouvement d’Éric Zemmour. « Nous sommes évidemment solidaires de la douleur que nos concitoyens expriment place Denfert-Rochereau », affirme le député de Vaucluse Hervé de Lépinau, « mais nous déposons des amendements et non des noms de domaine », conclut-il, comme une pique envoyée à Éric Zemmour. Une décision qui s’est aussi imposée par l’accélération du calendrier parlementaire et l’utilisation d’un second 49-3, ce jeudi soir. Pour ce qui la concerne, la députée du Pas-de-Calais Caroline Parmentier sera, ce vendredi, à Fouquereuil, berceau familial de la petite Lola, pour l’hommage rendu par la commune à la collégienne et sa famille. Cette dernière aurait déclaré au responsable de la cagnotte mise en ligne pour les soutenir qu’elle était « touchée par les organisations de manifestations et de marches blanches ».
Au fond, derrière les accusations de récupération et les différentes formes qu’ont prises ces hommages, c’est toute une nation endeuillée qui pleure aujourd’hui une de ses enfants innocentes. Dans toutes les bouches résonne ce cri, presque une prière : « Plus jamais cela. »
Marc Eynaud