Pour repeupler la France… subventionner les applis de rencontre ?

En signant son livre, Les Batailles de la natalité (Éditions de l’Aube), le sociologue Julien Damon, directeur des études de la CNAF (Caisse nationale d’allocations familiales) et professeur à Sciences-Po et à HEC, entendait manifestement créer la polémique. Ce qui est désormais chose faite en proposant, à l’occasion d’un entretien accordé à L’Express, la création « d’un grand service public de la rencontre, en complément ou en remplacement des sites internet bien connus. Ou, dans une approche plus libérale, proposer des chèques ou des bons permettant d’avoir accès à ces outils numériques. » Dont Tinder, évidemment.

Le but de sa démarche ? Redresser la natalité française, tout aussi en berne que la virilité des jeunes Français, à l’en croire. Première remarque : les finances de notre pays sont-elles à ce point excédentaires qu’on puisse subventionner les galipettes de tel ou telle ? Il est à craindre que non.

Les Bienfaits des Moments à Deux sur la Relation Amoureuse"

La seconde relève du bon sens le plus élémentaire : une application telle que Tinder permet tout au plus de fonder une famille chrétienne en moins d’une heure, douche comprise. Nous sommes donc plus là dans le consumérisme sexuel que de la perpétuation des générations. Bref, il s’agit plus du coup d’un soir que du coup de foudre.

Ne pas non plus oublier la drague à l’ancienne

Pourtant, on reconnaît souvent les technocrates au fait qu’ils puissent songer à tout. Même à la drague à l’ancienne. D’où la solution de Julien Damon : « Les pouvoirs publics pourraient aussi soutenir les bars, restaurants et salles de sport qui organisent des moments de rencontre. »

Certes, mais ce serait oublier que naguère, ces rencontres se faisaient souvent à l’occasion des mariages ou des relations de bureau. Des mariages ? Il y en a de moins en moins. Des bureaux, tout pareil, depuis les open-spaces, le confinement et le télé-travail. On notera que ce dernier permet à de plus en plus de Français – et de Françaises –, de travailler tranquillement de chez eux, en chaussettes dépareillées, joggings informes et robes de chambre sentant le chien mouillé ; ce qui n’est pas exactement la panoplie idoine du dragueur – ou de la dragueuse –, susceptible de l’aider à trouver l’âme sœur.

Ça ricane sur le réseau X

Sur X, les réactions ne se font évidemment pas attendre : « Encore un sociologue qui a raté une occasion de se taire ! Faire rembourser les sites de rencontre par la CAF pour relancer la natalité. Et pourquoi ne pas obliger les couples à avoir un nombre minimum de rapports sexuels par semaine ? », estime un autre sociologue, Michel Fize.

L’une des plus savoureuse demeure encore celle de l’avocat Charles de Consigny, l’une des Grande gueules de RMC : « Il faudrait aussi rembourser les dîners au restaurant, les nuits d’hôtel et les taxis. La CAF doit tout prendre. » Il est vrai que dans ce monde néo-libéral, dans lequel tout ne devient que compétition, arpenter la carte du tendre demeure une activité à haut risque financier. En effet, la mise de fonds ne garantit pas forcément une tangible garantie de retour sur investissement ; ce qui vaut pour tous les couples, voir même ces trouples si bien mis à l’honneur lors de récente cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques.

Pour autant, on ne saurait réduire les propos de ce sociologue iconoclaste à ses seuls effets d’annonce, couronnés de succès, tel qu’on vient de le constater.

Julien Damon peut aussi avoir du bon

Car là où il voit juste, c’est sur la nécessaire aide aux jeunes familles, affirmant qu’elle doit être effective dès la naissance du premier enfant, alors que le système ne s’enclenchait qu’à l’arrivée du troisième : « C’est à partir de celui-là que la cellule familiale se modifie en profondeur. D’où le saut, dans le système socio-fiscal actuel, à partir du troisième enfant. Ce modèle, fondé sur la progressivité des allocations et des réductions d’impôt, a vécu : le grand bouleversement dans l’existence des couples résulte surtout aujourd’hui de l’arrivée du premier enfant. » Voilà qui n’est pas faux. Et une Marine Le Pen ou une Giorgia Meloni n’auraient sûrement pas mieux dit, l’une en France et l’autre en Italie.

Tout n’est donc peut-être pas à jeter dans les propositions de Julien Damon. Ce d’autant plus que notre homme ne manque pas d’humour, fut-il un brin réactionnaire, tel qu’en témoigne ce message posté sur X et relative à la séduction du temps jadis et dans lequel il affirme : « Comme je l’ai toujours dit, c’était mieux avant ». Après, ce ne serait pas la première fois que l’enfer serait pavé de bonnes intentions, voire même agrémenté d’idées à la c…

Nicolas Gauthier

Date de dernière mise à jour : 05/09/2024

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