Retour en grâce des fanfares de villages : la tradition a encore de l’avenir !

LOISIRS. Amnéville : la Top Fanfare à l'Euro et au 24 heures du Mans

Nos fanfares semblent avoir le vent en poupe ; logique, pour des instruments à vent. Ainsi, Rachida Dati, ministre de la Culture, vient-elle, ce jeudi 13 mars, d’annoncer « l’élargissement du plan fanfare » à grands coups de flonflons. Il est vrai qu’entre-temps, le succès inattendu du film En fanfare, d’Emmanuel Courcol, est passé par là. Ne jamais regarder les trains passer sans y monter, tel est le destin des vaches et des ministres de la Culture.

La pétulante locataire de la rue de Valois sera-t-elle entendue ? Nul ne le sait. Pourtant, il y a dix ans déjà, The Conversation, site à vocation universitaire, s’interrogeait sur la renaissance de ces fanfares, longtemps synonymes de la France d’en bas. D’où les déclarations d’un certain « Guillaume », chef de file d’une fanfare au nom charmant, Mouettes et Charbons : « Nous, on préfère ne rien demander à personne. C’est pour faire de la musique, pour en faire profiter le public, pour passer un bon moment, pour aller boire un coup après. On pourrait demander des subventions. Mais nous, on ne le fait pas, parce que sinon, on est redevable. »

Une musique par essence conviviale

On ne saurait mieux dire. Et le même de poursuivre : « Il y a un côté extrêmement paisible, dans cette musique. C’est le peuple rassemblé, une fanfare qui défile, les gosses suivent, les gens sont là tout autour, on les regarde et on n’a pas envie de se taper dessus. » Bref, la fanfare serait une musique plus apte à adoucir les mœurs que le rap. Et le même site d’évoquer une « réappropriation culturelle » longtemps passée sous les radars des musicologues distingués de Libération ou de Télérama. Voilà qui n’est pas faux et qui mérite une menue parenthèse historique.

Traditionnellement, une fanfare, ce sont des tambours et des cuivres. Soit une ancestrale habitude remontant aux armées des temps jadis, celle des légions romaines, par exemple. Pourquoi des cuivres et des tambours ? Tout simplement parce que c’est facile à transporter (plus qu’une harpe ou un piano à queue, notons-le) et que cela fait du bruit. Ou, plutôt, un boucan infernal destiné à terroriser l’ennemi. Les guerriers africains le savaient déjà, dont les entêtantes percussions semaient l’effroi dans le camp d’en face.

Les cuivres ? Au contraire des saxophones et autres trompettes et buccins, ils n’ont pas de touches. Il faut tout jouer à la bouche, à condition d’avoir de l’oreille, ce qui permet d’avoir une main de libre pour tenir les rênes du cheval. Les tambours ? Une grosse caisse, celle qui fait le plus de vacarme, suffira ; les charlestons et les cymbales, ce sera pour plus tard. Pour cela, le jazz et la java seront là.

Les Ottomans, premiers de la classe et de l’orchestre

Toujours dans le même registre, on notera que les premières fanfares militaires contemporaines sont turques, tel que rappelé par le site Chroniques ottomanes : « Le mehter takımı, sous l’Empire ottoman, représentait la fanfare militaire qui accompagnait les troupes lors des marches de conquêtes. Cet orchestre militaire passe pour être le plus ancien de la musique militaire, il aurait même inspiré les armées européennes, qui n’avaient jamais rien vu de tel. »

Il est vrai qu’à l’écoute et dans le registre viril et oriental, nous sommes loin de Bilal Hassani à l’Eurovision. La fanfare, avant de devenir musique civile, participait aussi de l’arsenal militaire. C’est aujourd’hui toujours vrai. La preuve par la prison de Guantánamo, sise à Cuba : au bout de quelques jours d’écoute intensive de Rihanna ou de Céline Dion, le chef d’état-major d’Al Qaïda avouera qu’il est rabbin, danseuse étoile ou correspondant de la CIA.

Nos fanfares villageoises, malgré leurs origines militaires, fussent-elle venues de la Sublime Porte, ce, dès le XIXe siècle, participent d’une approche plus pacifique du clairon. Leur heure de gloire ? Peut-être l’arrivée en fanfare de Glen Miller dans les fourgons de l’armée américaine, en 1944, avec son tube immortel, In the Mood.

Une tradition qui perdure

Dans la foulée, il y eut aussi les majorettes, autre importation folklorique d’outre-Atlantique. Nonobstant, la fanfare à la française a toujours tenu ses positions. Certes, on n’y jouait pas forcément en virtuose et les fausses notes y furent – et continuent à demeurer – légion, alors qu’elles sont censées y être étrangères. Peu importe : seul compte cet enthousiasme qui, même parfois maladroit, demeure communicatif. Cela s’appelle la communion, celle liant les artistes d’un jour au public d’un soir. Certes, nos fanfares ont changé, depuis. Entre celles des retraités de nos campagnes, alternant entre ritournelles d’hier, et celles autrement plus jeunes et versées dans une forme de jazz urbain, il y a forcément plus qu’un pas. Il n’empêche que le même chemin demeure, du costume dominical en Tergal™ au saroual.

C’est déjà ça. Ce n’est pas rien. Et ça donne, quoi qu’il en soit, une assez bonne raison de fanfaronner.

Nicolas Gauthier

Date de dernière mise à jour : 31/03/2025

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