La fin est-elle proche pour le gouvernement de Michel Barnier ? Pour éviter cette possibilité, le premier ministre a reçu à Matignon les différents chefs des groupes parlementaires, ce lundi 25 novembre. Tout sauf un hasard, l’ancien commissaire européen a proposé à Marine Le Pen d’ouvrir le bal.
Elle qui, depuis quelques jours, hausse le ton à son endroit. Jusqu’à le menacer de voter une éventuelle motion de censure si le pouvoir d’achat des Français se trouve « amputé » par le budget 2025. Or c’est bien grâce au soutien déterminant de l’extrême droite que Barnier est arrivé à Matignon. Un pacte faustien dont compte bien se servir Marine Le Pen…
« Il m’est apparu campé sur ses positions », a ainsi déclaré l’ancienne candidate du RN à l’élection présidentielle, précisant renouveler ses « lignes rouges » sur l’augmentation des taxes sur l’électricité et ses attentes : des économies « claires » sur le fonctionnement de l’État et sur l’immigration. Des sujets sur lesquels elle juge les intentions gouvernementales « extrêmement prudentes ». « Ma position n’a pas évolué. Pas plus, semble-t-il, que n’a évolué celle du premier ministre », a-t-elle poursuivi.
Peser sur les prochaines orientations
Elle n’est pas la seule, dans les rangs du RN, à montrer les dents à l’évocation du chef du gouvernement. Invité ce dimanche sur LCI, son porte-parole, Sébastien Chenu, a dénoncé un prétendu changement d’attitude de Michel Barnier à l’égard de sa formation qui, selon lui, « crée les conditions d’une censure ». En cause : leurs nombreux amendements rejetés alors que le premier ministre avait promis « écoute, respect et dialogue à l’égard de toutes les sensibilités représentées » au Parlement.
« Il est arrivé en disant ”je suis un homme bienveillant, attentif”, mais nous arrivons à la fin des discussions budgétaires et le PLF n’a pas bougé d’un centimètre ! » s’agace le député du Nord, qui assène : « On n’achète pas des opposants politiques avec de la verroterie. Ce qu’on demande, c’est une rupture politique avec la ligne d’Emmanuel Macron. Cette rupture, Michel Barnier ne l’a pas engagée. Et cela se voit dans son budget !
Quel est l’objectif de Marine Le Pen ? Faire diversion quelques jours après les réquisitions du procès des assistants RN au Parlement européen qui la menacent d’inéligibilité ? Ou bien fragiliser véritablement un gouvernement qui n’a jusqu’ici tenu que grâce au soutien du RN ? Selon Bruno Cautrès, politologue, chercheur au CNRS, le but de l’extrême droite ne serait pas de « sanctionner pour sanctionner », mais de peser véritablement sur les orientations du gouvernement, en particulier sur sa politique migratoire.
« C’est comme si chacun testait la capacité de l’autre », observe-t-il.
Les macronistes contre-attaquent
À en croire son entourage, Michel Barnier n’entend cependant pas céder aux harangues du RN. Lors de sa déclaration de politique générale, prononcée le 1er octobre, celui-ci lui avait donné certains gages en promettant de « mieux contrôler nos frontières et les flux ».
« Il s’est déjà assez aplati comme ça, observe, goguenard, un député LR proche de Laurent Wauquiez. Il a surtout bien en tête les mots qu’ont pu avoir certains du RN à l’égard de la gauche, quand elle a voulu le renverser, soulignant que, pour le RN, le NFP ce sont encore et toujours les agents du chaos. Si Marine Le Pen veut censurer, très bien. Mais elle sera la responsable d’une nouvelle période d’instabilité. La chienlit, ce sera elle. »
C’est d’ailleurs cette réponse qu’a tenue à apporter le camp macroniste à la possibilité que le RN mêle ses voix à la motion de censure que la gauche a déjà promis de déposer si Michel Barnier « s’entête à vouloir contourner le Parlement et à piétiner le vote du 7 juillet pour imposer son budget par 49.3 », comme les dirigeants du parti du NFP l’ont annoncé d’une seule voix.
« Sans budget, on prend le risque d’un scénario à la grecque ! » a alerté Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement, dans un entretien accordé au Parisien. « Chacun sait les doutes que j’ai sur ce budget, a pour sa part réagi l’ex-premier ministre Gabriel Attal. Mais Michel Barnier a besoin qu’on l’aide à réussir. Ça veut dire évidemment être exigeant, mais franchement, jouer à pile ou face avec l’avenir du pays, ce n’est pas à la hauteur des responsabilités. »
Une façon de tenter de renvoyer Marine Le Pen dans ses 22, après l’avoir placée en position de force ? Mais pour combien de temps ? « Une fois qu’un leader d’un parti monte au créneau, il lui est difficile de faire machine arrière. Marine Le Pen aura du mal, désormais, à justifier un refus de la censure si elle n’obtient pas les mesures qu’elle demande, sur la proportionnelle, l’immigration et la sécurité », analyse Bruno Cautrès. L’entente tacite ne tient donc plus qu’à un cheveu.
Anthony Cortes