Les comptes publics sont dans "une situation inquiétante" a alerté ce lundi la Cour des comptes. La faute, selon Pierre Moscovici, le président de l'institution, à des dépenses "discutables face au choc inflationniste" mais aussi depuis un an à une trajectoire de réduction de déficit qui est sortie des clous prévus par le gouvernement.
Des critiques que l'actuel ministre de l'Économie a tenu à réfuter dans la foulée, lundi, lors d'un point presse. Rappelant justement qu'il avait sorti la France de la précédente procédure pour déficits excessifs en 2018, le ministre de l'Économie a déploré ce lundi "que la vie était un éternel recommencement". Laissant filtrer en creux qu'il n'avait pas de soutien politique pour réduire la dépense publique comme il souhaite s'y atteler depuis 2022.
La Cour des comptes trop pessimiste?
Pour autant le locataire de Bercy rappelle qu'il a déjà engagé, en 2024, 15 milliards d'euros de réductions de dépenses publiques et qu'il en a ciblé 10 autres milliards pour atteindre son objectif de 25 milliards.
Concernant le rapport de la Cour des Comptes, Bruno Le Maire a tenu à souligner des points de divergence quant à l'analyse faite sur les dérapages budgétaire. Le premier concerne la croissance et l'optimisme du gouvernement.
"La Cour avait déjà dit en 2023 que nos prévisions étaient trop optimistes à 0,9%, elle a finalement été de 1,1%, rappelle Bruno Le Maire. Cette année, elle redit que nous sommes encore trop optimistes avec 1% de prévision, alors que l'Insee dit 1,1%, soit plus que les prévisions du gouvernement."
Autrement dit, selon le ministre, si dérapage il y a eu ce n'est pas parce que Bercy avait mal anticipé le niveau d'activité.
Du jamais-vu depuis 1991
En revanche, ce qui a été sous-estimé et qui explique que le déficit public a glissé à 5,5% du PIB au lieu des 4,9% prévus, c'est le niveau des recettes fiscales. "La Cour des comptes critique notre prévision de recettes fiscales, mais c'était impossible à anticiper", se défend le ministre.
"Nous avons dû faire face à une situation exceptionnelle que la France n'avait pas connu depuis 1991. Même l'Inspection générale des finances a reconnu que c'était impossible à anticiper."
Concrètement, c'est l'élasticité des recettes par rapport à l'activité qui a atteint des niveaux hors norme. En règle générale et sur une longue période, les recettes fiscales augmentent au même rythme que l'activité. On parle d'une élasticité de 1. Mais lorsque cette élasticité tombe sous 1, cela induit des recettes qui progressent moins vite que la croissance.
"En 2023 nous avons eu une élasticité de 0,4, il faut remonter 33 ans en arrière pour retrouver un tel niveau, a plaidé Bruno Le Maire. Et encore nous avions été prudents puisque nous avions prévu des perturbations avec la forte inflation que nous connaissions et nous avons construit le Budget avec une élasticité à 0,6."
Nécessité d'augmenter les impôts ?
Des recettes de TVA sur la consommation plus faibles que prévu, de même que celles sur les transactions immobilières ou encore un rendement de l'impôt sur les sociétés décevant ou des cotisations qui ont progressé moins vite que le niveau d'activité: ces raisons sont avancées pour expliquer cette forte élasticité à la baisse des recettes fiscales.
"Je suis en désaccord complet avec la Cour des comptes qui estimait d'ailleurs l'année dernière que nos prévisions de recettes étaient crédibles", s'agace le ministre.
Dernier point de désaccord entre Bruno Le Maire et le diagnostic de la Cour des comptes: les baisses d'impôt consenties auraient participé à cette dégradation. "C'est une vision trop comptable, balaye-t-il. Quand nous avions par exemple un taux d'impôt sur les sociétés de 33%, les recettes étaient de 35 milliards d'euros, nous l'avons descendu à 25% et les recettes ont monté à 55 milliards. Parce que ça crée de la croissance, de l'emploi et de la prospérité."
Pressé par certains d'augmenter les impôts, Bruno Le Maire se montre inflexible sur le sujet.
"Le ras-le-bol fiscal reste une réalité très forte en France", rappelle-t-il.
Le taux des prélèvements obligatoires atteint en France 48% du PIB, rappelle le site Fipeco, soit le niveau le plus haut de toute l'Union européenne et 6,1 points au-dessus de la moyenne de la zone euro.
La Rédaction