À quelques jours du salon de l’agriculture de Paris (du 24 février au 3 mars 2024) les agriculteurs français menacent de mener de nouvelles actions. Leurs collègues de plusieurs pays européens sont aussi en guerre contre Bruxelles.
Ils l’ont dit, ils l’ont répété : ils veulent du concret, pas de bla-bla. Les agriculteurs en colère ont accepté de rentrer dans leurs fermes, début février, après les promesses du Premier ministre, Gabriel Attal, qui a dit vouloir « mettre l’agriculture au-dessus de tout » ! Il a aussitôt annoncé un catalogue de mesures destinées à calmer la colère du monde agricole. Mais force est de constater, deux semaines plus tard, que ces annonces sont restées sans lendemain. « C’était du baratin » constate Johann, un paysan lorrain prêt à repartir au combat.
Des revendications insatisfaites
Ils demandaient quoi nos agriculteurs ? Pour l’essentiel, une vraie politique économique visant à leur assurer une rémunération décente de leurs productions, mais aussi des mesures pour alléger la règlementation européenne en matière phytosanitaire et, enfin, à lutter efficacement contre la concurrence déloyale de pays tiers. Or, « rien n’a changé dans nos fermes, poursuit Johann. On ne voit rien venir. On va monter à Paris avec nos tracteurs et, cette fois, personne ne nous arrêtera. »
Message reçu 5/5
Même discours du président de la FNSEA, Arnaud Rousseau. Le leader du puissant syndicat agricole redoute d’être dépassé par sa base. « On veut voir ce qui change dans nos fermes, dit-il, nous sommes prêts à repartir à l’action. »
Message reçu 5/5 par Matignon et par l’Élysée. Gabriel Attal reçoit ce mardi la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs. Emmanuel Macron recevra demain, mercredi, les deux syndicats minoritaires, mais très turbulents, la Confédération paysanne (classée à gauche) et la Coordination rurale (classée à droite).
Européennes : la Macronie en échec
Président de la République et Premier ministre ont intérêt à être convaincants. Car le temps presse avant le salon de l’Agriculture qui ouvrira ses portes le 24 février. Dans le cas inverse, l’inauguration traditionnelle de la plus grande ferme de France pourrait être très animée. L’exécutif n’a pas besoin de cette nouvelle flambée de colère à quatre mois des européennes (le dimanche 9 juin). Selon un sondage Ifop-Fiducial pour LCI, le Figaro et Sud-Radio, le Rassemblement national arriverait largement en tête de cette élection. Jordan Bardella recueillerait 28,5% des intentions de vote contre 18-19% pour la Macronie. Une raclée électorale qui en appellerait d’autres.
Bruxelles sur la sellette
Parmi les revendications des paysans européens, la lutte contre les distorsions de concurrence. On a appris par exemple que les droits de douane avaient été supprimés pour les produits en provenance d’Ukraine depuis l’invasion russe de février 2022. Résultat : le blé, les poulets, les œufs ukrainiens, produits dans des conditions suspectes, inondent nos marchés. En réaction, ce mardi matin 13 février, les agriculteurs polonais ont bloqué cinq postes de contrôle à la frontière avec l’Ukraine. Plus d’un millier de camions font la queue. Certains ont été déchargés.
En Belgique, les agriculteurs wallons protestent dans le cadre de l’opération Trop is te veel (Trop c’est trop), menée par la Fédération wallonne de l’Agriculture (FWA), pour dénoncer la situation « étouffante » dans laquelle ils se trouvent aujourd’hui. Ce mardi, près de 500 tracteurs bloquent le deuxième plus grand port d’Europe à Anvers.
En Espagne, agriculteurs et transporteurs bloquent les routes. Ils annoncent une grève illimitée. Ce qu’ils réclament ? Comme les paysans français, belges, allemands, polonais, néerlandais… Ils demandent l’arrêt de la concurrence déloyale des produits à bas coûts venus de pays étrangers grâce aux accords de libre-échange conclus par l’Union européenne. Des traités commerciaux qui mettent en difficulté certaines exploitations.
Bruxelles a intérêt à entendre la colère paysanne si elle ne veut pas une révolte qui aurait de graves conséquences politiques.
Marcel Gay