Des médailles et des Jeux plein les yeux, certes. Mais du pain ? Pas de panique pour nous, nous devrions encore manger à notre faim. Mais pour ceux qui, dans le monde, crèvent encore de faim et n'ont pas besoin de décroissance, ce n'est pas une bonne nouvelle. Et pour nos agriculteurs céréaliers, déjà bien mal lotis, une catastrophe. En effet, ces moissons 2024 que l'on pressentait décevantes, vu les conditions météorologiques du printemps, s'avèrent en fait catastrophiques. Ce vendredi, le service de statistiques du ministère de l'Agriculture (Agreste) a officiellement décrit ces moissons comme « l'une des plus faibles récoltes des 40 dernières années ». Les Échos parle d'une « saison d'enfer ».
Quelques chiffres. Sur le terrain, en Lot-et-Garonne par exemple, les agriculteurs constatent des rendements en baisse de 30 à 40 %, avec une qualité moindre. Pour José Perez, agriculteur au Temple-sur-Lot et coprésident de la Coordination rurale du Lot-et-Garonne (CR47) cité par La Dépêche, « cette année, la moisson a été catastrophique. Au niveau des céréales, la baisse du rendement est estimée à 30 % ou 40 %. Ce sont principalement les céréales d’hiver qui sont touchées, comme le blé, l’orge ou encore le colza. Pour 2024, on est de l’ordre de 40 quintaux par hectare (q/ha) en moyenne. Alors que lors d’une année normale, on est plutôt autour de 60 ou 80 q/ha. De plus, le taux de protéines n’est également pas bon. C’est une année difficile. » Euphémisme.
Ce qui est vrai dans le Sud-Ouest l'est aussi, malheureusement, au niveau de la France entière. Là encore, les chiffres parlent. Ceux de l’économiste Thierry Pouch, chef du service Études et Prospectives à la Chambre d'agriculture - France et chercheur associé au laboratoire REGARDS de l'université de Reims-Champagne-Ardennes cité par France Culture, donnent une idée de l'ampleur du désastre : « Habituellement de 36 millions de tonnes, la production française devrait descendre aux alentours de 25-26 millions de tonnes cette année, selon les estimations. » C'est un effondrement historique aux conséquences en série pour les agriculteurs, qui sont aussi souvent des éleveurs et qui vont subir une double ou triple peine : au manque à gagner de la moisson vont s'ajouter le manque de céréales et de paille pour leurs bêtes et, donc, des frais supplémentaires. Ils ne peuvent même pas compter sur le prix, puisque « le blé tendre évolue autour de 220 euros la tonne depuis un mois, car les récoltes sont globalement abondantes à l'échelle de la planète », comme le rappelle La Tribune. Concrètement, ce mauvais cru 2024 se traduira par « des baisses de trésorerie entre 30.000 et 50.000 euros » dans les fermes, pour des professionnels qui, bien souvent, n'arrivent même pas à se verser un salaire. Thierry Pouch souligne « la nécessité de mettre en place de nouvelles aides afin de soutenir le secteur ». Il faut avoir vécu, comme votre serviteur, ce que représente le « chèque du blé » (qui arrivait bien après la moisson) pour une famille d'agriculteurs pour mesurer la détresse de dizaine de milliers d'entre elles.
Il serait temps que notre Président redescende de son nuage olympique et donne à la France un gouvernement - et si possible pas rouge-vert parisien - qui prenne à bras-le-corps les défis du pays. Le sort de nos agriculteurs en est un. Nous les avons vus, cet été, sur les routes de nos vacances, moissonnant, ramassant paille et foin, ralentissant nos trajets de touristes. Nous savons maintenant que leur arrière-saison va être très morose. Eux qui s'étaient mobilisés cet hiver, entraînant tout le pays avec eux, méritent plus que jamais notre soutien.
Frédéric Sirgant