Martincourt sur Meuse
Ultime témoin de la destruction de Martincourt par les nazis il y a 80 ans, Jacques Haudot se souvient. De l’incendie du village le 1er septembre 1944 à sa reconstruction, il témoigne dans les moindres détails.
A 91 ans, Jacques Haudot n’a rien oublié de la tragédie qui a tué cinq personnes en septembre 1944 dans le village de son enfance, Martincourt. Le nonagénaire aux cheveux blancs se « rappelle tout, comme si c’était aujourd’hui ». Une tragédie traumatisante qui ne lui a rien enlevé de sa joie de vivre et de son amour pour le village de la Petite Suisse Lorraine, encore aujourd’hui habité par les membres de sa famille.
Martincourt dans le cœur
Il se démarque par son sourire bienveillant et sa vivacité. À 91 ans, le retraité n’en a rien perdu. Il aime la pêche, le bricolage, le jardinage… Mais par-dessus tout, il est très attaché à Martincourt, le village de son enfance.
Mécanicien de profession, ses mains, il les a surtout employées à rebâtir les menuiseries des maisons du village de la Petite Suisse lorraine parties en fumée devant ses yeux lors de la tragédie de septembre 1944. « Tout était rasé », témoigne-t-il. Du déblaiement à la reconstruction du village, il était là. « J’ai donné un petit coup de main », s’exclame-t-il, très humble. « J’ai aidé les maçons à monter les murs, j’ai fait presque la moitié des charpentes du village à cette période, mais je n’étais pas seul. On voulait tous reconstruire Martincourt. »
Le retraité se remémore la grande solidarité de la part des habitants de la vallée. « Tout le monde s’est entraidé, on pouvait compter les uns sur les autres. » Ainsi, les sinistrés ont été logés, les maisons ont été rebâties grâce aux dommages de guerre et des dons ont été versés pour permettre à ceux qui n’avaient plus rien de prendre un nouveau départ. Malgré tout, 80 ans plus tard, c’est toujours dur d’oublier.
« Ils voulaient nous fusiller »
Difficile, en voyant cet homme au sourire chaleureux, de se douter de la tragédie qui l’a touché le premier week-end de septembre 1944. Jacques Haudot avait 11 ans à l’époque et était en train de battre le grain, pieds nus, dans la grange avec sa famille avant d’être sorti sur la place centrale à coups de grenade et de crosse de fusil dans le dos. « Une compagnie de SS est arrivée avec des chars et s’est déployée dans tout le village ; ça grouillait d’Allemands partout », témoigne le nonagénaire aux yeux bleus.
Il décrit la barbarie des nazis, les viols, l’incendie des maisons avec les bêtes à l’intérieur et l’église « pulvérisée » par des tirs de canon. « Ils voulaient nous fusiller. Tout le monde pleurait et s’embrassait, on se voyait tous morts. » Par chance, une infirmière parlant allemand a convaincu les nazis de quitter Martincourt en relâchant les habitants. Jacques Haudot et sa famille ont fui vers le bois où ils ont passé trois jours sous une roche en proie au froid, à la tristesse et à la peur. « Les Allemands mitraillaient vers le bois où tout le monde se cachait. On entendait les balles taper dans les branches des arbres. »
Le calvaire prendra fin le 3 septembre à l’arrivée des Américains dans le village, mais les séquelles sont éternelles. Pourtant, 80 ans après la tragédie, Jacques Haudot est toujours attaché à Martincourt, son village de cœur.
La Rédaction