Ils sont nombreux, les journalistes de droite, à en avoir rêvé : Livre noir l’a fait. Le média en ligne dirigé par Erik Tegnér lance le troisième numéro de son trimestriel homonyme sous un titre accrocheur : Infiltrée, au cœur de l’extrême gauche. Pilier de ce travail, une jeune journaliste, Pauline Condomines, explique en éditorial de cette épaisse somme de 176 pages la genèse d’une aventure risquée. En avril 2023, lorsque l’association pro-migrants Utopia 56 investit une école désaffectée du XVIe arrondissement pour y loger 250 mineurs non accompagnés (les fameux MNA), elle s’engage comme bénévole, accueille les migrants qui n’ont pu être reconnus comme mineurs et observe le militantisme des membres de l'association comme la manipulation exercée sur les migrants pour qu’ils manifestent ou récitent un discours militant appris par cœur. Les Soulèvements de la Terre, Dernière Rénovation, des collectifs de sans-papiers, des associations transgenres, des groupes féministes : la jeune journaliste s’est glissée partout. Elle raconte dans ce numéro, avec lucidité et honnêteté, ce qu'elle a vu et entendu.
L'infiltration, fin d'un privilège de la gauche
Traditionnellement, l’investigation, l’infiltration ne relèvent pas ou peu d’un journalisme de droite. Les lecteurs n’aiment pas cela, disent certains responsables de médias conservateurs. Trop voyou, trop sale, trop risqué. La charte de Munich, reconnue par la profession journalistique, impose de « ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ». Un journaliste doit exciper de sa qualité pour mener son enquête, c’est la règle. Mais voilà, cette règle d’honneur a été si bafouée par la gauche et l’extrême gauche qu’elle n’existe plus. France Télévisions, en particulier, qui s’érige volontiers en exemple, a usé jusqu’à la corde du procédé de la caméra cachée et de l’infiltration, bien avant qu'Élise Lucet n'y recoure systématiquement.
Ce genre manquait pour alimenter le débat, éclairer des univers qui le méritent et créer l’événement. Le procédé passe donc à droite, avec bonheur. L’enquête ouvre sur l’association Urgence Palestine, que l’avocat Gilles-William Goldnadel appelle à dissoudre. Pauline Condomines s’est glissée dans ce réseau de soutiens fanatiques du Hamas. Elle raconte ce qu’elle vit, ce qu’elle voit, elle assiste aux réunions. « Devant moi, une blonde imposante accompagnée de deux hommes s’assoit pour assister à la présentation : il s’agit de Danièle Simonnet, députée insoumise de la XVe circonscription de Paris. La salle est rapidement comble… » On y est. On observe ces militants qui, souvent, œuvrent non pas seulement pour une cause mais pour toute une pléiade de mouvements d’extrême gauche.
« On n'a pas le droit d'empêcher la violence »
L’extrême gauche a ses débats, son univers mental : faut-il ou non détruire Israël ? Les sionistes tirent-ils toutes les ficelles ? Poids de l’idéologie, distance avec le réel, palabres, rapport complexe à la violence, on regarde l’extrême gauche se débattre avec ses démons, toujours par le prisme de la rédactrice qui observe, décrit, raconte et laisse les faits dénoncer d’eux-mêmes. L’essence du métier, façon Albert Londres.
Lorsque Pauline Condomines part manifester avec Les Soulèvements de la Terre, ce mouvement écologiste radical que Darmanin a échoué à dissoudre, elle tombe sur « Écureuil volant », qui explique la philosophie de la mouvance : « On est un mouvement anarchiste, y a pas de chef, donc on n’a pas le droit d’empêcher la violence des gens qui veulent être violents. » Tout est dit.
L’extrême gauche française dans ses œuvres, ses complots, ses délires, ses soutiens avérés ou masqués. Un travail admirable, qui mériterait de Christophe Deloire, le désormais célèbre patron de Reporter sans frontières, et de quelques autres instances une floppée de distinctions. Mais c’est une caractéristique de la droite patriote : elle préfère l’âpre combat pour la France aux vrais-faux honneurs de l’entre-soi.
Livre noir, Infiltrée au cœur de l’extrême gauche, 176 pages, tirage 30.000 exemplaires, présent dans 5 000 kiosques. Prix : 14,90 euros.
Marc Baudriller