
Le Parquet requiert que le policier auteur du tir mortel, menacé et contraint de vivre "caché", soit jugé pour meurtre.
Un an et demi après la mort de Nahel et les émeutes qui s’en sont suivies, le parquet de Nanterre a rendu, ce 4 mars, son réquisitoire définitif. Dans ce document d’une trentaine de pages, le ministère public réclame que le policier, auteur du tir mortel, soit jugé pour meurtre devant une cour d’assises. Le Parquet considère en effet que le policier avait « l’intention » de tuer. Une position « inacceptable » pour les syndicats des forces de l’ordre qui dénoncent « un signal désastreux [envoyé] au monde policier ». Si plusieurs syndicats préfèrent éviter de manifester par crainte de porter « préjudice » à la défense, Alliance Police Nationale appelait les agents à se rassembler devant leur commissariat ce 5 mars. « Le qualificatif de meurtre, on ne l’accepte pas. Cela voudrait dire que Florian avait l’intention de tuer » dénonce l’un d’eux, interrogé par BV. Ils craignent en outre que de nombreux agents finissent par ne plus utiliser leur arme par peur de se retrouver devant une cour d'assises. A l’inverse, ce réquisitoire a réjoui de nombreux élus de la France insoumise et les militants du comité Adama Traoré. La mère de Nahel se dit, quand à elle, « soulagée ».
La légitime défense écartée
« Mon client s'attendait à être maltraité. Le parquet n'allait pas se déjuger, cela aurait été reconnaître son erreur dans le traitement de l'affaire au départ. Pendant sa détention provisoire, Florian se considérait comme prisonnier politique. Aujourd'hui, il considère qu'il est un accusé politique ». A peine le réquisitoire était il publié dans la presse que maître Laurent-Franck Liénard, avocat du policier mis en cause, prenait la parole, notamment dans les colonnes du Point, pour dénoncer la prise de position « hautement politique » du parquet. Dans ses réquisitions, le ministère public écarte en effet la légitime défense et affirme, au contraire, que le policier n’a pas agi « de manière strictement proportionnée » et que l’ouverture du feu était « à tout le moins une prise de risque inconsidérée ». Selon le procureur, « l’intéressé [ne s’est par ailleurs] pas trouvé dans un cas d’absolue nécessité » de faire usage de son arme de service. Le parquet explique enfin que le policier aurait pu viser le capot du véhicule ou bien les pneus plutôt que le conducteur. Autant d’éléments - tous infondés selon la défense - qui conduisent le ministère public à demander le renvoi de cette affaire devant une cour d’assises.
Et ce, alors même que « l’intention de tuer » a été balayée à plusieurs reprises par les expertises balistiques et en accidentologie menées au cours de l’enquête. Le policier incriminé déclare en effet avoir visé avec son arme « le plus possible vers le bas afin d'atteindre une partie non vitale », mais que la trajectoire du tir a été déviée par le mouvement du véhicule qui a redémarré. Une version attestée par les expertises. D’autre part, comme le rappelle maître Liénard, viser un capot ou des pneus ne permet pas d’arrêter un véhicule. Enfin, si le parquet ne reconnaît pas la légitime défense, la défense souligne que le voiture avait déjà manqué de renverser au moins deux piétons et un cycliste, et donc, qu’en redémarrant, Nahel pouvait mettre en danger d’autres personnes. Les parties civiles et la défense disposent désormais d’une dizaine de jours pour formuler leurs éventuelles observations. Ce sera aux juges d’instruction de confirmer (ou pas) le réquisitoire définitif.
Un policier et sa famille menacés
Pour maître Laurent-Franck Liénard, ces réquisitions ont été formulées « pour que les banlieues ne flambent pas ». Au micro de BFM TV, l’avocat développe, faisant référence aux émeutes qui ont suivi la mort de Nahel : « Quand la France brûle, quand on met le feu à la France entière dans les cités, j’imagine qu’il est difficile pour le parquet de dire : "ce policier, on ne va pas le juger" ». Autrement dit, en réclamant un procès pour meurtre aux assises, le ministère public tente d’acheter la paix sociale. « On veut [le] juger pour meurtre peut-être pour éviter que la rue s'embrase à nouveau. [...] Sauf que, derrière, il y a un homme et une famille » rappelle l'avocat de la défense au Point.
En effet ce policier, visé, comme son avocat, pas de nombreuses menaces de mort vit aujourd'hui « caché » avec sa famille, affirme Jean-Christophe Couvy, secrétaire nationale d’Un1té, invité de CNEWS. Compte tenu de ces menaces « extrêmement graves », Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, annonçait, en novembre 2023, qu’ils faisaient « l’objet d’une surveillance ». Le syndicat Un1té a par ailleurs réussi à lui obtenir une protection fonctionnelle à laquelle il a le droit. Son nom et son adresse ayant été divulgués dans la presse, il a également été contraint de « déménager loin » et de refaire sa vie dans l’anonymat.
Clémence de Longraye