Arnaud Benedetti : Le «front républicain», cheval de Troie de La France insoumise

CHRONIQUE. À l’issue des législatives, déclenchées par Macron face à l’impressionnante victoire du RN aux européennes, la France se révèle ingouvernable. Une situation exposant dangereusement la société aux secousses économiques, sociales ou extérieures, analyse notre chroniqueur Arnaud Benedetti.

La clarification aura débouché sur une immense confusion. Celui qui est garant de la stabilité des institutions nous aura ramenés au charivari de la IVe République, mais sans l’expérience des hommes de cette dernière. Le « front républicain » aura été le cheval de Troie de La France insoumise. Et ceux qui aujourd’hui s’en effraient au centre ou parmi les LR auront contribué grandement aux provocations quasi séditieuses de LFI.

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Ainsi, l’élection précipitée à laquelle le président a exposé le pays, fruit d’une crise grossissante, loin d’en avoir soldé le passif, l’aura bien plus encore accentué. À l’Élysée, l’ingénieur de ce chaos est désormais confronté aux conséquences de son initiative. Le pays est ingouvernable, frustré, fragilisé comme jamais.

Toutes les combinaisons auxquelles s’adonneront les différentes parties prenantes de ce jeu de massacre sont vouées à l’échec. Le Nouveau Front populaire s’estime vainqueur ; il ne l’est ni en voix, ni en sièges. Force est de constater que 192 parlementaires ne font pas une majorité dans un hémicycle où 289 députés peuvent à tout moment renverser un gouvernement. Une coalition plurielle allant de la gauche non-insoumise aux LR historiques et en passant évidemment par les partis présidentiels n’a que peu de chance d’aboutir, tant les écarts politiques entre les uns et les autres la rendent impraticable sur la durée. Un accord entre macronistes et LR est tout aussi insuffisant, ne permettant pas de disposer d’un seuil critique sur le plan de l’arithmétique parlementaire.

L’Assemblée risque de se transformer en chambre d’échos de toutes les frustrations du pays

L’Assemblée dans ces conditions risque de se transformer en chambre d’échos de toutes les frustrations du pays post-élections. Un sondage Ifop le confirme : près de 60 % de nos compatriotes disent leur insatisfaction des résultats du 7 juillet. Comment pourrait-il à vrai dire en être autrement ? Majoritaire en voix, les électeurs du RN se voient dérober leur victoire après la réactivation en panique du storytelling du barrage républicain…

Propagandés à l’hélium du récit de leur prétendue victoire, les électeurs de gauche seront tout autant frustrés si jamais une combinaison se substituait au bloc dont ils aspirent à ce qu’il exerce le pouvoir. L’électorat centriste se désespérera quant à lui des effets d’une dissolution dont il n’a pas plus compris le sens que l’utilité.

Fracturé comme jamais, exposé à une dette abyssale, ne pouvant plus désormais compter sur « la force tranquille » de ses institutions marmoréennes, le pays est à découvert, à la merci de la moindre secousse, financière ou sociale, voire géopolitique. Le seul à s’en satisfaire est sans doute Monsieur Mélenchon qui en stratège tout à la fois avisé et incendiaire, y voit l’opportunité d’imposer encore plus son agenda, en acculant toujours plus le président de la République dans un corner institutionnel sans issue apparente et durable. Au risque de devenir pour ce dernier non plus la solution mais le problème, tant les urnes n’ont livré finalement qu’un seul verdict à l’issue du second tour : la légitimité de plus en plus érodée d’un chef de l’État qui a précipité la France dans l’une ces crises de régime dont la Ve République l’avait préservée durant plus de 65 ans. Comme si le « en même temps » répété à satiété par un marketing indigent avait entraîné toute une classe politique dans un vide vertigineux…

Chritian Potier

Date de dernière mise à jour : 10/07/2024

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