« La France a besoin d’une parole forte et indépendante, distincte de l’impuissance du "en même temps" et du saut dans l’inconnu du Rassemblement national. Refusant […] les alliances contre-nature, Les Républicains présenteront des candidats dans la clarté et l’indépendance. » C’était il y a une semaine, à peine, devant le siège des Républicains. Le 12 juin, Annie Genevard, députée sortante, au nom de tous ses camarades dissidents qui ont voté l’exclusion d’Éric Ciotti - une décision, finalement, annulée par la Justice -, promettait une campagne « indépendante », sans alliance ni avec Emmanuel Macron ni avec Marine Le Pen. Six jours plus tard, les masques tombent. Dans près d’une soixantaine de circonscriptions, des accords de non-concurrence ont ainsi été signés entre des candidats des LR anti-Ciotti et la majorité présidentielle.
Barrage contre l'extrême droite
Depuis le ralliement d’Éric Ciotti au RN, le bruit courait, dans les arcanes politiques et médiatiques, d’un potentiel accord entre les dissidents des Républicains et la majorité. Cet accord à peine dévoilé par Le Journal du dimanche, Gérard Larcher s’empressait de démentir formellement « les rumeurs inacceptables et fantasques qui circulent. Il n’y a eu ni rendez-vous secret, ni arrangement de sous-main. » Le compte X (anciennement Twitter) des Républicains, aux mains des LR anti-Ciotti, précisait : « Aucun accord d'appareil n’engage Les Républicains. Notre ligne a été fixée dès le départ : l’indépendance, dans la constance des combats de la famille politique de la droite. » Seulement, depuis le dépôt officiel des candidatures, ce dimanche 16 juin, force est de constater que dans certaines circonscriptions, il y aura bel et bien des alliances électorales entre ces LR dissidents et le groupe Renaissance de Macron.
Dans les Hauts-de-Seine, tout d’abord, un accord a été passé et signé par Gabriel Attal, candidat Renaissance dans la 10e circonscription du département, Isabelle de Crécy, déléguée départementale Horizons, Hervé Marseille, président de l’UDI, Isabelle Florennes, présidente départementale du MoDem et, surtout, Philippe Juvin, président de la Fédération des Républicains du 92. « Nous avons décidé, pour faire barrage aux extrêmes de droite comme de gauche, de créer un arc républicain dans notre département. […] Nous nous engageons à ne pas présenter de candidats contre ceux désignés ci-dessous et à les soutenir pour les deux tours de cette élection », promettent les signataires. Certains d’entre eux n’hésitent d’ailleurs pas à afficher le logo des Républicains à côté de celui de la majorité sur leur affiche de campagne. Après le tollé suscité par l’annonce de cet accord, les Républicains anti-Ciotti, pour sauver les apparences, ont décidé d'investir six candidats sur les treize circonscriptions des Hauts-de-Seine, dont trois face à Gabriel Attal, Stéphane Séjourné et Prisca Thevenot, membres du gouvernement.
« Les compromissions des LR »
À Marseille, Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État à la Citoyenneté, n’aura quant à elle pas à s’embarrasser d’une candidature investie par les LR anti-Ciotti. Ce cadeau, elle le doit à Martine Vassal, présidente Divers droite des Bouches-du-Rhône et de la métropole d’Aix-Marseille, qui entend, elle aussi, faire barrage aux extrêmes. Autre département, autre accord. Dans les Alpes-Maritimes, Michèle Tabarot, qui a présidé les investitures pour Les Républicains dissidents, n’aura pas de candidat issu de la majorité face à elle. L’objectif : battre le candidat RN-LR, dans ce département où Éric Ciotti est également candidat. Selon CNews, le maire de Vesoul, encarté Horizons, n’affrontera pas non plus de candidat LR anti-Ciotti dans sa circonscription. En Loire-Atlantique, un pacte similaire a été passé. En Haute-Vienne (Limoges), plusieurs candidats font la jonction entre LR et Renaissance sous l'étiquette « Arc républicain ». Dans le Val-de-Marne, enfin, les dissidents des Républicains se sont effacés devant la majorité présidentielle pour affronter Louis Boyard (LFI) et Mathilde Panot (LFI). Dans ces deux circonscriptions, les candidats Renaissance n’auront donc pas à faire face à des candidats LR investis par les dissidents.
Guilhem Carayon, candidat du rassemblement des droites dans le Tarn et vice-président des Républicains, dénonce les « compromissions de dizaines de candidats LR, béquilles d’Emmanuel Macron ». Il y a quelques jours, le jeune homme se disait « écœuré du "deux poids deux mesures" des barons LR » qui excluent Éric Ciotti après son alliance avec le RN mais acceptent des accords avec Renaissance. Dans l'entourage d'Éric Ciotti, on espère que ces alliances avec la Macronie encourageront certains élus LR à les rejoindre : « Nous savons que certains sont sérieux et sauront nous rejoindre dans l'intérêt de la France et des Français », nous souffle-t-on. Quoi qu'il en soit, les candidats du rassemblement des droites, eux, seront bien présents dans toutes les circonscriptions.
Clméence de Longraye