« Un résultat déficitaire fragilisant les comptes de la Présidence. » Les conclusions du rapport annuel de la Cour des comptes sur « les comptes et la gestion des services de la Présidence de la République » en 2023, sont sans appel. Les dépenses de l’Élysée ont bondi de près de 11 millions d’euros et accusent, sur l’exercice 2023, un déficit de 8 millions d’euros (sur 117,2 millions de résultat). L’année passée, « la situation financière des services de la Présidence s’est dégradée. […] En conséquence, un prélèvement sur trésorerie important a été nécessaire en fin d’années », souligne l’institution. Si le Palais assure, de son côté, n’avoir « ni dette, ni déficit pour l’exercice 2023 » (seulement une différence entre les prévisions de dépenses et les dépenses réelles), les Sages de la rue Cambon appellent tout de même à entreprendre « des efforts significatifs […] dès 2024 afin de rétablir et pérenniser l’équilibre financier de la Présidence ».
Hausse des voyages à l’international
A lire le rapport de la Cour des comptes, la Présidence semble vivre au-dessus de ses moyens. Les voyages, tout d’abord, creusent le déficit. Les Sages notent que « le coût moyen d’un déplacement national a presque doublé depuis 2018. » (+ 92 %). Mais plus onéreux encore, la part des voyages à l’international effectués par le Président de la république ne cesse d’augmenter. « Ainsi, en 2023, près de 40 % des déplacements avaient une destination internationale y compris européenne, représentant 19 millions d’euros (la proportion était de 32 % en 2019, pour 12,5 millions d’euros) », détaille la Cour. Les déplacements hors de l’Europe sont en forte hausse et représentent aujourd’hui 43 % des voyages présidentiels. Or, si le mode d’organisation de ces voyages - en tournée - permet certes de soulager l’agenda présidentiel, il « complexifie significativement l’organisation et augmente les coûts. » En 2023, les cinq voyages présidentiels les plus coûteux, à l’exception de celui effectué en Chine, ont ainsi tous été organisés en tournées internationales (Océanie, Afrique, Japon-Mongolie, Inde-Bangladesh). Face à ces voyages qui se multiplient et augmentent les dépenses, les Sages de la rue Cambon demandent donc de « normer davantage les déplacements et, en particulier, de plafonner la taille des délégations officielles et non officielles par type de destination ou de déplacement, sur le modèle de ce qu’imposent les sommets internationaux pour lesquels les accréditations ne sont accordées qu’en nombre limité. »
474.851 euros pour recevoir le roi Charles
A ces voyages dispendieux, s’ajoutent des diners officiels coûteux. La Cour souligne ainsi la hausse du budget de la Direction des opérations du Palais, chargée notamment d’organiser les réceptions et les événements de la Présidence. « Son budget initial 2023 a ainsi été augmenté de près de 45 % en cours d’exercice et la quasi-totalité des crédits a été consommée, soit plus de 31 millions d’euros (22 millions d’euros en 2022). », constatent les hauts fonctionnaires. En cause, une hausse du nombre de réceptions et d’invités (+13 % entre 2022 et 2023), une augmentation du coût des « extras » et un recours aux prestations de traiteur plus fréquent - dû aux rénovations des grandes cuisines de l’Elysée. Les Sages de la rue Cambon notent donc que le nombre d’évènements et réceptions organisés par le Palais « dépasse désormais le niveau pré-covid, avec 171 réceptions en 2023 contre 146 en 2019 ». A titre d’exemple, le diner d’État au château de Versailles en l’honneur de Charles III, dont le faste avait dérangé une majorité (62 %) des lecteurs de BV, aura ainsi coûté 474.851 euros. L’organisation de la fête de la musique par l’Elysée a, d’autre part, coûté, 210.000 euros.
Dès lors, si l’inflation peut servir d’excuses aux services du Palais pour expliquer l’augmentation de ces dépenses, la Cour des comptes, qui appelle à la « vigilance », pointe surtout du doigt des « problèmes d’organisations internes » qui pourraient être améliorés. « Les efforts pour améliorer la circulation de l’information, encadrer les dépenses et mieux anticiper, doivent être poursuivis et confortés, notamment en ce qui concerne la taille des délégations ou des réceptions et la sensibilisation aux coûts » conclut la Cour. Face à cette hausse des dépenses, certains dénoncent un deux poids, deux mesures : en période d’inflation, pendant que les Français se serrent la ceinture, le Président s’amuse, soulignent les plus cyniques sur les réseaux sociaux. La question est maintenant de savoir si ces dépenses servent réellement l’image de la France...
Clémence de Longraye