Le samedi 7 décembre prochain aura lieu, à Paris, la cérémonie de réouverture de la cathédrale Notre-Dame. Cinq ans après avoir été ravagé par les flammes, l'édifice entièrement restauré accueillera à nouveau du public. Le lendemain, à 10 h 30, l'archevêque de Paris, Monseigneur Laurent Ulrich, présidera la messe inaugurale durant laquelle aura lieu la consécration de l’autel. Pendant deux jours, tous les regards seront tournés vers le vénérable édifice. Tous, excepté celui du pape François. Ce week-end-là, le souverain pontife a d’autres obligations. Il a organisé un consistoire ordinaire public pour la création de nouveaux cardinaux. Après avoir martelé « Je n'irai pas à Paris », il s’est trouvé une échappatoire.
Son absence pose question. D'autant plus que la cathédrale Notre-Dame de Paris n’est pas une église comme les autres, elle est emblématique du catholicisme européen. Le fait que le pape ne se déplace pas pour l’occasion apparaît inexplicable et incompréhensible. À l’Élysée, cela a aussi été source de crispation. Au plus haut sommet de l’État, on ne s’attendait pas à un tel refus.
Incident diplomatique
Le choc de l’annonce passé, Emmanuel Macron, tout comme les évêques de France, a fini par se faire une raison. Sa frustration a été ravivée par l’annonce de la possible venue du chef de l’Église en Corse, le 15 décembre, soit une semaine, seulement, après l’événement parisien. Selon plusieurs sources proches du Président relayées par Le Monde, ce dernier aurait très mal pris le fait que le pape envisage une visite en Corse. Il aurait même fait part de son agacement au cardinal Bustillo.
Que signifie cette démarche papale on ne peut plus étonnante ? Faut-il comprendre qu’à ses yeux, le colloque sur la religiosité populaire en Méditerranée organisé par Monseigneur François-Xavier Bustillo, l’archevêque d'Ajaccio fraîchement créé cardinal, a plus de prix que la réouverture de Notre-Dame de Paris ? Pas exactement.
Selon Le Point, le pape François verrait l’inauguration de la cathédrale comme un événement mondain et politique, plus que comme un événement religieux. Il ne souhaiterait pas s’associer à cela. Un cardinal proche du souverain pontife a également confié à nos confrères du Figaro que le pape ne voulait pas être la « guest-star » du Président de la République française. Pour le pape, Emmanuel Macron utiliserait l’événement à des fins politiques, pour faire briller la France à l'international, mais surtout pour attirer la lumière sur sa propre personne.
Comment lui donner tort alors qu’Emmanuel Macron a fait des pieds et des mains pour parler à l’intérieur de l’édifice religieux et qu’il a fallu beaucoup d’insistance pour le faire renoncer ? Pour rappel, il avait aussi imaginé une séquence très symbolique et télégénique où il remettrait la clef de Notre-Dame à Monseigneur Laurent Ulrich. Une requête également refusée par le prélat. Depuis cinq ans, le chef de l’État a fait de ce chantier son grand chantier. Au lendemain de l’incendie, il s’est placé en sauveur de la cathédrale en annonçant qu’elle serait rebâtie en un temps record. Maintenant que le défi est relevé, il semble vouloir en retirer toute la gloire. Le souverain pontife ne souhaite visiblement pas assister à cela, ni que sa présence serve de caution.
Visite religieuse, oui ; d'État, non
Ce n’est apparemment pas la seule chose qui froisse le pape. Bien qu’Emmanuel Macron se plaise à tutoyer le souverain pontife et à faire état de leur proximité, les deux hommes semblent de moins en moins en phase. L'inscription de l’IVG dans la Constitution et l’ouverture du débat sur la fin de vie ne sont pas du goût du pape. Son absence pourrait être une façon de le souligner. Lors de sa venue à Marseille, à l’occasion des Rencontres méditerranéennes, en septembre 2023, le Saint-Père avait d’ailleurs mis l’accent sur ces deux thématiques dans son homélie en parlant du « tragique rejet de la vie humaine ».
À tous points de vue, le pape François reste dans sa ligne. Comme lors de son dernier déplacement sur nos terres, il ne fait pas à la France d’Emmanuel Macron l’honneur de sa présence. Il refuse à la fille aînée de l'Église une visite d’État et ne répond qu’aux invitations de cardinaux qu’il a créés : à Monseigneur Jean-Marc Aveline, pour son déplacement à Marseille, et à Monseigneur François-Xavier Bustillo, pour le voyage en Corse. Certains y verront une manière de remettre l’église au centre du village et Emmanuel Macron à sa place.
Sarah-Louise Guille