
Une proposition de loi (PPL) qui pourrait sembler étonnante est passée relativement inaperçue, ces dernières semaines. Il faut dire que l’actualité a été un petit peu chargée, mais puisque c’est le week-end, peut-être est-ce l’occasion d’y revenir. Le 20 mars dernier, le Sénat a adopté à main levée une proposition de loi de la sénatrice Laure Darcos (Horizons), soutenue par le gouvernement. Cette loi vise à interdire aux détenus de voter par correspondance aux élections municipales et législatives. Les citoyens lambda, eux, depuis 1975, n'ont plus cette possibilité : il y avait trop de fraude.
Les prisonniers mieux traités que les militaires
Cette PPL laisse-t-elle entendre, en creux, que le vote des détenus aurait une influence significative sur les résultats du scrutin, alors même que, par définition, ça ne changera pas grand-chose à leurs conditions de vie ? La sénatrice Darcos ne l'a pas dit comme ça, lors du débat au Sénat, mais elle a pointé ce qu'on pourrait qualifier d'incongruité : « Ils [les nombreux élus auditionnés] ont unanimement exprimé le souhait d’une évolution législative, considérant qu’il est difficilement acceptable de faire voter les personnes détenues dans une commune à laquelle elles sont totalement étrangères et dont elles ignorent tout des équipes municipales en place et de leurs projets. » La PPL prévoit alors que pour les élections locales et les élections législatives, « le choix proposé aux personnes détenues se limiterait au vote par procuration ou au vote dans le bureau dans la commune où ils sont inscrits, sous réserve de l’obtention d’une permission de sortie ». Rien de scandaleux, au fond : les militaires en opérations extérieures, eux, n'ont qu'un seul choix : le vote par procuration...
Mélenchon en tête aux élections dans les prisons
Cependant, LFI ne l’entend pas de cette oreille. On n’en attendait pas moins d’Antoine Léaument, député insoumis bien connu de nos lecteurs, alors que la PPL arrive à l'Assemblée. Le député fan de Robespierre a ainsi donné son point de vue sur le sujet : « Commission d'enquête élections : supprimer le vote par correspondance pour les détenus, c’est risquer une chute de leur participation électorale, alors qu’elle a été multipliée par 11 grâce à ce dispositif. Les détenus sont privés de liberté, pas de leurs droits civiques. » C’est exact (quoiqu’en partie, car certains détenus sont en effet privés de leur droit de vote), mais la question n’est pas là, comme on vient de le dire. Cela dit, M. Léaument y voit peut-être l’intérêt de sa famille politique : dans les prisons, en 2022, Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête à l’élection présidentielle, à près de... 46 %, un peu à la façon d’un Éric Dupond-Moretti acclamé par les prisonniers lors de sa première visite dans un centre de détention.
L'Obs a même calculé que le vote des détenus, centralisé Place Vendôme, avait fait basculer le premier arrondissement de Paris en faveur de Mélenchon ! Forcément, des textes de loi comme ça, qui font fuir la clientèle, c’est pas génial pour les affaires. Une telle indignation, sous couvert de civisme outragé, se comprend objectivement. Et Léaument ne se gêne pas pour rappeler régulièrement, sur X et dans ses interventions à l'Assemblée : « Je suis député de la ville de Fleury-Mérogis, qui a la plus grande prison d'Europe. » Une (grosse) niche électorale qu'il ne néglige pas...
Il y a, semble-t-il, une sociologie du vote LFI qui se dessine ainsi par petites touches. Côté électeurs, le mariage de la licorne gauchiste et de l’hydre islamiste, auquel il faudrait ajouter les prisonniers… et, donc, logiquement, les délinquants, pour ceux qui sont citoyens français. Côté élus, des fichés S, des qui peinent à lire, d'autres qui adoptent des comportements de racaille, des antisémites camouflés en antisionistes et des sans-culottes haineux. En un mot, pour les connaisseurs du Seigneur des anneaux : tout cela ressemble beaucoup aux armées du Mordor. À mieux y regarder, finalement, on comprend tout de même assez bien le vote de cette loi.
Arnaud Florac