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Instaurer les pouvoirs de la société civile

Démocratie et représentation de la société civile – Académie des Sciences  Morales et Politiques

J’ai abordé antérieurement le mensonge de l’Etat sur la dette publique.

Je propose aujourd'hui quelques suggestions pour instaurer un nouveau régime pleinement démocratique, au profit des pouvoirs de la société civile dans d’autres domaines : 1. territoires, 2. école, 3. santé, 4. innovation.

En proposant hier le principe absolu de la souveraineté populaire, les lois étant adoptées à la seule condition de la double votation directe et indirecte, la France ne doit plus être affublée d’un mot qui en précède la grandeur intrinsèque. Nous sommes tous ensemble la France. Il nous faut donc une nouvelle constitution simple, non pas une VIe République, mais une France souveraine et démocratique. Un Parlement élu faisant et votant en première lecture et soumettant chaque année à la votation après débat et trois ou quatre administrations centrales dirigées par des très hauts fonctionnaires rendant compte annuellement au Parlement.

Concernant les pouvoirs de la société civile, et sans être exhaustif, quatre domaines peuvent déjà illustrer l’esprit d’une révolution politique majeure où la société civile doit recouvrer sa liberté et sa responsabilité.

La gestion de l’aménagement du territoire

Mille pays français disposeraient des compétences dans le seul domaine régalien à gérer localement : l’aménagement du territoire, soit l’équivalent des parties communes d’une copropriété : voirie et espaces publics, eau et propreté, là encore sans aucun droit sur la société civile. Ces mille pays seraient le résultat de la suppression des communes, départements et régions pour des aires géographiques devant comprendre environ 50.000 habitants pour des raisons d’autonomie locale, soit au maximum 1.300 entités locales, les villes constituées de taille supérieure se maintenant pour des raisons évidentes de cohérence géographique. La France disposerait alors de moins de 1.000 entités politiques locales au lieu des 36.000 communes, environ 100 départements, 13 régions et autres entités à l’instar du Grand Paris. Rappelons que nous avons le record du nombre des élus : 568.000 avec leurs indemnités, leurs hôtels de département et de région au coût prohibitif. 1.000 entités avec leurs conseils réunissant 1/1000 de la population, c’est 50 élus par entité, soit 50.000 élus et une économie de 518.000 élus dans le pays. La cession des biens, la liquidation des administrations représentera une économie rapide en dizaine de milliards.

Ces milles pays se gèrent selon les mêmes règles de travaux en assemblée locale des élus du pays avec votation annuelle locale des électeurs pour entériner les décisions d’investissements et de gestion des infrastructures comme une assemblée générale de copropriété.

L’école et l’université

Elle appartient de plein droit à la société civile dans une démocratie digne de ce nom. Elle est donc gérée directement par les familles en association, assumant son financement, ses équilibres, ses investissements, la qualité des enseignements, l’autorité. Nos contemporains devraient se souvenir que pendant des siècles, partout dans le monde, les écoles, les facultés et les bibliothèques étaient gérées par la société civile : des personnes investies, des institutions religieuses, des entreprises mécènes, des bienfaiteurs, etc.

En réduisant la taille de l’Etat à ses trois fonctions régaliennes majeures, le budget de l’Etat serait d’environ (budget 2024) :  Intérieur 26 milliards, Justice 12 milliards, Défense 50 milliards sans oublier la collecte d’impôts réduisant les fonctions de finances à environ 40 milliards pour un total de 128 milliards ; pour un budget actuel de plus de 300 milliards. La société civile retrouverait instantanément une liberté et une responsabilité d’investir dans chacun des domaines où elle est seule légitime à agir soit les 87 milliards de l’Éducation nationale et les 28 milliards des universités et de la recherche, les 30 milliards des solidarités, les 15 milliards des transitions écologiques, etc. soit une marge de manœuvre économique redonnée à chacun de nous par l’abandon de 170 milliards d’impôts confiscatoires. C’est la société civile qui retrouve toute ses libertés.

Les écoles privées démontrent tous les jours que la société civile sait agir, organiser, gérer, s’investir avec un souci d’excellence, de qualité pour les collégiens et étudiants en respectant les enseignants. Tout cela démontrerait aussi que l’enfant scolarisé a un coût, qu’il a de ce fait des devoirs, que les parents sont en responsabilité car ils financent et que les institutions sont redevables à leurs payeurs d’une performance éducative, sans idéologie. C’est la libération et l’émancipation de l’école de l’emprise doctrinaire de ceux qui préfèrent la République dogmatique à la démocratie véritable du peuple souverain gérant par lui-même ses affaires.

La santé, l’hôpital et les soins

Là encore, la création des premiers hôpitaux et l’histoire de ces institutions magistralement décrite par Raymond Le Coz dans La naissance de l’hôpital (HSMx1998x032x002x0139.pdf) montre bien que l’hospitalité et les soins ont été inventés à l’initiative de la société civile. Dans ce domaine, plusieurs options sont à envisager, exposées ici succinctement.

L’assurance maladie est un choix fort de solidarité nationale où nous mutualisons volontairement notre santé pour bénéficier d’une prise en charge qui en fait n’est pas gratuite puisque nous la finançons sur notre travail entre employeur et salariés.

Les mutuelles ont joué un rôle éminent dans la bonne gestion et le financement des établissements connaissant les besoins localement. Cet engagement politique et social a prouvé son efficacité sociale.

Le financement privé, entreprises, dons et legs, existent dans de nombreux pays et il a démontré lui aussi son efficacité. Il serait d’autant plus possible que nous baissons les prélèvements obligatoires de 170 milliards soit de plus de 50 %.

L’économie du soin passe aussi par une mise en pleine responsabilité des médecins et de leur ordre devant le Parlement. Ils doivent réhabiliter la pratique clinique, les thérapeutiques efficaces de molécules connues et un sens aigu de leur responsabilité économique et humaine face à la nation qui les forme. L’économie de la santé ne pose pas en soi de difficulté majeure pour autant que les oligarchies médicales soient elles aussi démantelées, du fait de leur influence toxique comme l’a démontré l’affaire des opiacés aux USA. (Crise des opioïdes : un « deal » à 26 milliards de dollars aux Etats-Unis | Les Echos)

L’innovation et la recherche

La société civile est compétente pour inventer, créer, chercher, distribuer et commercialiser. Concernant l’innovation, celle-ci tient très largement à la capacité d’invention dont l’expérience démontre qu’elle a toujours commencé dans des petites organisations. Les Google, Amazon, Facebook, Apple ne sont pas nés dans des grands groupes constitués. Autrefois, les IBM, Ford ou les industriels de l’automobile en France sont nés du mécénat, de la passion et de petites entreprises. De même pour l’aéronautique, etc. Là encore brisons les croyances et les mythologies. La plupart des inventions viennent de multiples structures de taille intermédiaires ou d’initiative de personnes ou de petits groupes créatifs ; ce qui interdit de soutenir des conglomérats qui luttent contre l’innovation réelle.

Parce que l’innovation ne naît pas chez ceux qui ont intérêt à préserver leur rente de situation, il est déjà indispensable d’éviter les concentrations économiques nocives. Mais aussi, dans l’intérêt de tous et pour protéger les institutions démocratiques, la loi antitrust doit s’appliquer en France et pour toute entreprise voulant travailler en France. Il est parfaitement documenté en science économique que la concentration économique favorise la corruption des Etats, l’oligarchie antidémocratique et la cartellisation des affaires. A débattre pour le détail, mais les banques doivent être divisées, la grande distribution divisée, aucun acteur ne doit peser dans son secteur plus de 10 % de l’activité locale ou nationale. La liberté l’impose d’autant que ces conglomérats deviennent des usines administratives onéreuses à l’instar des Etats dont elles sont des copies dans le secteur marchand.  

Mais cette liberté et la responsabilité collectives économiques sont indispensables pour assumer les risques et les quelques égarements au sein de chaque métier et profession. Je rappelle pour l’exemple l’affaire des dentistes (Dix ans de procédures intentées par l’Ordre contre les centres déviants – Ordre National des Chirugiens-Dentistes). D’ailleurs, les métiers (chambre des métiers) et les entreprises (chambre de commerce et d’industrie) se sont historiquement toujours regroupés naturellement sur les territoires par secteur d’activité dans des corporations puis des branches pour partager leurs préoccupations et leurs enjeux communs, en mutualisant des actions indispensables à leur développement dans les pays et au niveau national. La recherche appliquée appartient naturellement à la société civile.

En conclusion de ces quatre articles, je crois que nos contemporains ne perçoivent pas que nous sommes au bout d’une organisation de nos Etats rationalistes et bureaucratiques, Leviathan insatiable et doctrinaire qui voulait enrégimenter toutes nos vies, souhaité par les cercles de la raison, qui voulaient diriger nos sociétés en confisquant progressivement tous les pouvoirs et les libertés locales. Il y a dans ce socialisme d’Etat une lente dérive vers un totalitarisme providentiel et intrusif dans toutes les dimensions de nos existences.

Cette époque se termine pour de multiples raisons, mais la conséquence en est que l’Etat est à mettre à sa place strictement régalienne et que l’instauration des libertés inhérentes à une société civile responsable sera le seul avenir probant des sociétés européennes si elles veulent créer, innover, tisser des liens forts dans nos communautés de pays et rayonner par la qualité de vie de ces sociétés de liberté. Notre effondrement en cours démontre chaque jour que nous avons fait totalement fausse route pour des raisons idéologiques. Il faut créer le mouvement de la démocratie pour l’instauration d’une société civile libre. J’espère avoir ouvert quelques horizons sans autre prétention que de contribuer à l’avènement d’une nouvelle France libre et prospère.

Pierre-Antoine Pontoizeau

Date de dernière mise à jour : 29/12/2024

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