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L’extravagante Madame Thevenot

La porte-parole du gouvernement a très tranquillement déclaré que le plan Écophyto était « mis en pause », pour « sortir de l’écologie punitive ». Il est rare qu’une éminence gouvernementale exprime aussi nettement ce pour quoi elle nous prend : des imbéciles.

L’autre jour – c’était le 2 février –, Prisca Thevenot, la porte-parole du gouvernement Attal dont chaque prise de parole ouvre une nouvelle perspective sur le néant – et qui est par conséquent parfaite pour ce poste –, a très tranquillement déclaré que, si ce gouvernement avait décidé de mettre « en pause » le plan Écophyto, c’était pour « sortir de l’écologie punitive », à la fin d’entrer plutôt « dans une écologie des solutions », pleinement inscrite dans « le concret des réalités ».

Soulèvements de la Terre : "Une suspension de forme, mais pas un rejet sur  le fond", selon Prisca Thévenot

(L’avantage, constant, des proférations de Prisca Thevenot est qu’on peut toujours y changer l’ordre des mots, sans que jamais le vide sidéral des messages qu’elle délivre au monde – et au Monde, qui répercute fidèlement ses divagations – en soit véritablement affecté : ici, par exemple, on remarquera qu’elle aurait tout aussi bien pu invoquer, pour le même résultat, une écologie des réalités concrètes, soucieuse de proposer des solutions.)

Pour bien mesurer l’inanité du propos, il faut, évidemment, rappeler d’abord que ledit plan Écophyto avait pour objectif de réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici à l’an 2030 – chi va piano va sano –, car ces produits sont, pour beaucoup, cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (1), de sorte que leur ingestion peut exposer à quelques désagréments. Pour le dire autrement, ce plan visait à nous éviter trop d’empoisonnement(s), et c’est ce souci sanitaire que Prisca Thevenot, dans la première partie de sa rigoureuse démonstration, et du haut de sa haute sagesse, a donc présenté comme une mesure « punitive ».

Mais la suite est mieux encore, puisque cette penseuse raffinée a ensuite expliqué sans rire que les agriculteurs qui venaient d’exiger qu’on les laisse continuer à abuser de ces poisons étaient, je cite, « les premiers à vouloir en finir avec ces produits, parce qu’ils en sont les premières victimes ».

Même dans nos supputations les plus folles, et même sous l’aune de l’extravagance coutumière des représentants du pouvoir macroniste, nous n’aurions jamais imaginé que ces derniers puissent aller si loin – et si profondément – dans le foutage de gueule désinhibé, mais les faits sont là : par cette déclaration, Prisca Thevenot nous a bel et bien remontré que, si le gouvernement venait de céder à la revendication des agriculteurs productivistes qui exigeaient de pouvoir continuer à abuser des pesticides, c’était en somme pour mieux les protéger contre les risques auxquels les (et nous) exposent très directement ces produits.

Et c’est un peu acrobatique mais, en même temps, nous devrions sans doute faire crédit à Mme Thevenot, pour involontaire qu’elle soit, de son inédite sincérité – car il est somme toute assez rare qu’une éminence gouvernementale exprime aussi nettement qu’elle nous prend pour des c… imbéciles, et qu’à chaque fois que ce pouvoir prétend nous protéger il nous tue un peu plus.

Sébastien Fontenelle

Date de dernière mise à jour : 11/02/2024

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