Le Conseil National de la Refondation ou la preuve que Macron est dépassé par les événements.
Le Conseil National de la Refondation est le nouveau comité théodule qu'Emmanuel Macron a créé pour occuper le théâtre de la communication gouvernementale et politique, pendant que les décisions se prennent ailleurs et de façon toujours plus autoritaire. Mais cette énième bizarrerie baroque du Président n'a pas convaincu grand monde : un quart des invités a boycotté la réunion, et ne sont venus que les seconds couteaux désoeuvrés. Privé de majorité absolue à l'Assemblée, le Président échoue à reprendre la main "hors les murs". Son pouvoir est aujourd'hui menacé.
Malgré une réélection relativement confortable (du point de vue mathématique, s’entend), Emmanuel Macron n’a pas tardé à comprendre que sa majorité était désormais introuvable, et que le simple fonctionnement des urnes n’avait pas permis de dégager un socle de gouvernement légitime suffisant. Rapidement (et peut-être même sans qu’il ne l’ait vraiment anticipé, ce qui paraît incroyable), les élections législatives l’ont privé de sa majorité absolue à l’Assemblée.
Surtout, le très fort taux d’abstention a manifesté la défiance profonde, pour ne pas dire systémique, instinctive, des Français, vis-à-vis d’un processus électoral verrouillé par des partis obsolètes.
C’est de ces inconfortables et inquiétants sables mouvants qu’Emmanuel Macron essaie aujourd’hui de se dépêtrer en créant le fumeux Conseil National de la Refondation, auquel n’ont finalement participé qu’une quarantaine de seconds couteaux dont la légitimité est quasiment nulle.
La méthode Macron face à l’impasse démocratique
On ne le dira jamais assez, la gouvernance mondialisée de Macron, fondée sur la mise en minorité des institutions démocratiques nationales, depuis 2017, n’a cessé de créer des à-coups toujours plus rugueux et plus coûteux pour l’économie nationale.
On se souvient de la colère des Gilets Jaunes en 2018, qui avait éclaté après l’affaire Benalla, le mépris affiché du Président (“qu’ils viennent me chercher !”) pour l’opinion publique, puis l’instauration d’une taxe sur le carburant destinée à préparer la transition énergétique. L’année suivante, la réforme au forceps des retraites avait suscité la plus longue grève de l’après-guerre.
Avec beaucoup d’à-propos, la crise du COVID a permis de “congeler” l’opinion. Mais le processus des élections présidentielles a montré la frustration de l’opinion devant une compétition jouée d’avance.
La perte de la majorité absolue à l’Assemblée s’est imposée comme une suite logique, alors que le Président s’est contenté d’annoncer un changement de méthode dont personne n’a vu la réalisation… à ce jour !
La semaine dernière, par exemple, le Président a fait le choix de traiter les questions énergétiques, au coeur de l’angoisse des Français, en dehors du Parlement, et même du gouvernement, en recourant au Conseil de Défense énergétique, qui constitue une sorte de cabinet noir où se prennent des décisions pourtant capitales pour la nation. On ne pouvait mieux illustrer le mépris naturel du Président pour la délibération démocratique et sa préférence systématique pour la décision autoritaire.
Un comité théodule pour faire illusion
Donc, faire croire le contraire !
Coincé entre son abhorration de la démocratie et son besoin de le faire oublier, de le masquer, Macron tente une manchette en créant un nouveau machin supposé donner le spectacle de sa capacité à gouverner autrement.
On comprend les deux utilités de cette mascarade.
La première est de lui permettre de contourner les obstacles parlementaires. Macron est minoritaire au Sénat. L’Assemblée Nationale ne lui est que relativement acquise et le grand désordre du débat parlementaire en juillet a montré que la partie serait difficile à jouer. Mettre le Parlement en balance avec une assemblée de fortune où siègent des personnalités influençables et de second ordre lui redonne un oxygène sans changer de méthode.
La seconde utilité relève de la communication. Elle constitue une sorte de vitrine où la capacité du Président à un dialogue moderne pourrait se donner libre cours, loin du carcan républicain traditionnel.
Dans tous les cas, il s’agit bien de passer par-dessus l’épaule de la Constitution. Nous sommes ici dans la continuité des violations répétées de l’état de droit pratiquées depuis deux ans sans vergogne, avec la validation sans sourciller du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’Etat.
Macron est dépassé par la situation
Sur le fond, nous comprenons tous ce que signifie la création de ce conseil national de la refondation : Macron n’accepte pas sa mise de fait en minorité démocratique, et cherche à reprendre la main en dehors des institutions.
Le fait que le second personnage de l’Etat, le président du Sénat, ait boycotté cette séance du Conseil, en dit long sur l’échec de cette tentative.
Dans le même temps, le Président ne veut pas se plier aux règles démocratiques. Il continue à gouverner à coup de conseils de défense totalement opaques. Il continue à imposer une logique mondialiste sans tenir compte des tendances exprimées par l’opinion lors des élections.
Cette cécité s’accompagne d’une dangereuse fuite en avant : Macron se raidit et tente le passage en force. C’est le déférement de Raoult devant les tribunaux, et partout des menaces, des répressions, des procédures judiciaires contre les opposants (on citera notamment le cas Pavan).
Bref, le Président est devenu un petit marquis qui tente de rétablir sa situation à coup d’ukazes, mais qui est confronté au mur d’une société qui renâcle.
Le jeu auquel nous assistons est une simple stratégie dilatoire qui vise à amuser la galerie, à gagner du temps, et à émousser l’opposition. Nul ne sait à quoi ressemblera l’effet boomerang de cette prise de risque inconsidérée.
Éric Verhaeghe
Photo prise le 06 février 1934 sur la place de la Concorde à Paris des débordements de la manifestation faisant suite au scandale Alexandre Stavisky, une vaste affaire d’escroquerie pour laquelle les dirigeants des ligues des Croix de feu et les associations d’anciens combattants avaient décidé d’organiser une manifestation le jour même où Edouard Daladier devait faire sa déclaration ministérielle devant la Chambre. Aux cris de “A bas les voleurs”, les manifestants se regroupèrent place de la Concorde. Le service d’ordre, débordé et laissé sans directives par le préfet de police, tira sur la foule, faisant une vingtaine de morts et une centaine de blessés. AFP PHOTO