« La démocratie est une dictature contrôlée par quelques individus dont les électeurs sont les complices. » (Raymond Proulx)
Il y a une vingtaine d’années, Jacques Marseille – mort en 2010 et bien oublié depuis – faisait une comparaison osée entre la France et l’URSS. Pour lui, la France était « une Union Soviétique qui aurait réussi ». Jacques Marseille était spécialiste d’histoire économique, connu pour ses positions ultras libérales. Fils de cheminot, il avait fait des études d’histoire à la Faculté Catholique de Lille. Reçu premier à l’agrégation d’histoire en 1969, il adhérait, la même année, au Parti Communiste.
A ses yeux, notre Empire colonial, à compter de 1930, fut surtout « un débouché pour un capitalisme archaïque soucieux de retarder au maximum une restructuration imposée par l’évolution internationale ». A l’époque, chez le camarade Staline, tout allait sans doute beaucoup mieux ?
Comme « seuls les imbéciles ne changent pas d’avis », ce qui les différencie des girouettes, il effectue un virage radical vers le libéralisme débridé : l’économie de marché après celle de Georges Marchais (1). Il écrira, par exemple : « Le libéralisme reste un combat pour la tolérance et la liberté. Entré dans le monde comme critique de l’Ancien Régime, de l’absolutisme royal et du pouvoir de coercition d’une Église exclusive, il affirme le droit naturel de l’individu à la liberté… ».
L’homme est assez lucide puisqu’il déclare, en 2006 :« J’ai gardé de mon passage au PCF une méfiance absolue et finalement justifiée envers la social-démocratie française. Le Parti Socialiste a toujours eu cette posture anti-argent et anticapitaliste tout en faisant des promesses d’égalité qu’il a toujours trahies. Seule une droite assumée et fière de ses valeurs peut faire ce que le PS est incapable de faire : établir une société plus équitable ». Certes, sa droite n’est pas la mienne, mais la dernière phrase me convient parfaitement puisque Maurice Barrès disait en gros la même chose… en 1920.
Marseille fustigeait également « un secteur public pléthorique aux privilèges sans égal, d’un côté ; une insécurité croissante de l’emploi plus forte que dans la moyenne des pays européens, de l’autre. » Cette dichotomie était pour lui « le cancer qui ronge le modèle social français. »
Il était aussi très critique envers le baccalauréat : il le qualifiait de « monument d’hypocrisie nationale » et d’«instrument d’inégalité sociale ». A l’époque, nous n’avions pas encore un taux de réussite de 97, 5 % mais depuis 1981, les Socialistes voulaient que nous ayons 80 % de bacheliers.
La comparaison entre l’ex-URSS et la France a été reprise par Jacques Lesourne qui faisait un parallèle entre l’URSS et notre modèle à l’origine des « trente glorieuses », années de croissance ininterrompue (entre 1945 et 1975). Comme en Union Soviétique, l’État et sa Nomenklatura ont joué un rôle moteur dans la modernisation d’une économie restée longtemps à dominante agricole.
Mais, pour Lesourne, là s’arrête la comparaison : en France, l’État n’a pas engendré le Goulag. Qui plus est, la planification n’a pas autant déterminé l’évolution de l’économie. Quoi qu’il en soit, le modèle français a, selon lui, atteint ses limites sous l’effet de trois grandes évolutions.
a)- L’émergence de la société d’information, du « tout image », des réseaux sociaux.
b)- La mondialisation qui est l’une des causes de notre désindustrialisation.
c)- Le vieillissement de la population française.
Sans aller jusqu’à parler de « Perestroïka » et de « Glasnost », Jacques Lesourne appelle à un effort d’adaptation, en suggérant une troisième voie, entre l’ultralibéralisme et l’économie solidaire : une série de réformes qui concernent la fonction publique, les prélèvements obligatoires, le marché du travail, et même l’Éducation nationale. Toutes ses suggestions ne sont pas mauvaises, loin s’en faut, mais elles sont imprégnées, imbibées, dégoulinantes, de l’idéologie humaniste des économistes de gauche, ces gens qui pérorent sur les plateaux télé et qui passent leur vie à se tromper.
Pourtant, oui, la France de Macron ne manque pas de similitudes avec l’ex-URSS.
L’information y est aussi peu honnête que ce qu’écrivait « la Pravda » sous Staline.
La radio et la télévision sont à la solde du pouvoir.
Depuis les lois Gayssot, Taubira et consorts la liberté d’expression et d’opinion est morte.
On ne déporte pas les opposants au Goulag mais on les traîne devant les tribunaux.
On a réinventé le « Commissariat au plan » pour donner un hochet à François Bayrou (2).
Le « Commissariat au Plan » c’est ce qui a permis jadis à l’URSS de livrer des chasse-neige… au Burkina Faso du marxiste Thomas Sankara, celui que la presse de gauche adulait et surnommait « le Che Guevara noir ». Il ne neige JAMAIS au Burkina Faso mais le plan quinquennal prévoyait de construire des chasse-neige pour les pays amis ou satellites de l’URSS.
Le drapeau de l’ex-URSS était rouge. Le nôtre ne devrait pas tarder à adopter l’arc-en-ciel des LGBTHPZ (4). La scandaleuse cérémonie d’ouverture des JO était, en réalité, l’étalage choquant de cette apologie de la « diversité » – raciale, ethnique et sexuelle – voulue par Macron. Le drapeau des Soviétiques est frappé de la faucille et du marteau. Nous avons presque les mêmes emblèmes : Brigitte et Emmanuel, la vieille peau et son gamin azimuté ; la fossile et le marteau.
Plus sérieusement, subrepticement notre pays, comme l’ex-URSS, est devenu un simulacre de démocratie et de nombreux Français ne semblent pas s’en rendre compte.
Il y a quelques années, j’ai commis un article intitulé « Dictature molle ». J’y faisais le procès de ces démocrates en peau de lapin qui nous vantent les mérites du suffrage universel et du slogan – parfaitement idiot ! – « un homme, une voix », et qui ne voient pas qu’au fil des années, nos libertés sont annihilées, muselées, étouffées voire carrément supprimées par des dirigeants qui se déclarent garants de nos libertés mais aussi de notre souveraineté nationale.
Je n’ai aucune sympathie pour cette canaille de François Mitterrand mais j’ai bien aimé son livre « Le Coup d’État permanent », un essai bien argumenté (et bien écrit), publié en 1964 (4). Le titre s’inspire du livre de Trotski « La Révolution permanente ». Mitterrand y attaque la pratique du pouvoir personnel par De Gaulle. Il ne se contente pas de critiquer la nouvelle Constitution (faite par Debré pour De Gaulle), il reproche au général d’avoir trahi la promesse de 1958, selon laquelle le président est un arbitre. Pour Mitterrand, le chef de l’État est devenu un monarque républicain tout-puissant. Il dénonçait la faiblesse du gouvernement et du Parlement, marginalisés par le président de la République. Il dénonçait également les abus en matière de justice et de police, le gaullisme devenant « De Gaulle plus la police », l’utilisation de provocateurs, la multiplication des bavures et brutalités policières, les tribunaux d’exception (Le Haut Tribunal Militaire, remplacé par une Cour Militaire de Justice puis par la Cour de Sûreté de l’État (5)). Un constat sévère mais assez juste !
Ce livre est parfois présenté comme une dénonciation de l’élection présidentielle au suffrage universel, ce qui est inexact. En revanche, il critique les conditions de ce choix qui procède non d’une délibération parlementaire, mais d’un texte élaboré par l’exécutif, ce qui est anticonstitutionnel (6).
S’il s’inscrit dans un contexte historique, ce livre a une portée plus large par la réflexion politique qu’il contient. Il démontre qu’un pouvoir personnel, qui entend s’appuyer directement sur le peuple en écartant les corps intermédiaires, fait le jeu d’une technocratie rampante qui s’installe au sein de l’administration et confisque le pouvoir appartenant à la représentation nationale. Mitterrand écrit, par exemple : « En remplaçant la représentation nationale par l’infaillibilité du chef, le général De Gaulle concentre sur lui l’intérêt, les passions de la nation et dépolitise le reste ». Il fustige le caractère dialectique du pouvoir. En effet, la parole démagogique du chef qui se veut en relation directe avec le peuple produit dans les faits la domination des grands corps de l’État qui détiennent en réalité la clef du pouvoir. De Gaulle voulait un régime présidentiel qui tienne les deux chambres en lisière.
S’il avait utilisé ce pouvoir – quasi-monarchique – pour détruire la rébellion algérienne, pour museler les syndicats, rouges ou roses, destructeurs de notre tissu industriel, pour dégraisser notre fonction publique pléthorique ou pour laminer le Parti Communiste (comme Mitterrand l’a fait plus tard), s’il avait agi, dans l’intérêt de la France, en chef d’État même un brin dictatorial, personne ne lui en ferait le reproche, bien au contraire. Hélas, il ne s’est servi de ses pouvoirs exorbitants que pour matraquer, emprisonner et même faire fusiller les défenseurs de l’Algérie française.
Je me suis inspiré du « Coup d’État permanent » pour un mémoire de 3e cycle à l’ENAss (7). Un long texte dans lequel je critiquais les institutions de la Ve République et qui m’a valu la meilleure note de ma promo. C’était la première (et la dernière) fois que je devais quelque chose à François Mitterrand !
Cependant, il faut bien admettre que TOUS les chefs d’État qui ont succédé à De Gaulle – à l’exception peut-être de Georges Pompidou – se sont fondus dans le rôle de monarque républicain et ont usé et abusé de ce pouvoir exorbitant qu’ils critiquaient quand ils étaient dans l’opposition, à commencer par Mitterrand lui-même auquel nous devons quatorze ans d’un règne calamiteux.
J’ajoute, juste en passant, que la transformation du septennat présidentiel en quinquennat est venue dénaturer un peu plus des institutions déjà bien malades et bien malmenées.
Depuis, nous ne subissons plus un « Coup d’État permanent » mais la chienlit généralisée, doublée d’un mépris total du vote des Français. L’exemple le plus connu étant le référendum pour l’adoption du « Traité de Nice ». Les Français l’ayant massivement rejeté, en 2008, Sarkozy faisait ratifier le « Traité de Lisbonne » par le Congrès. Après ce coup fourré, Nicolas Dupont-Aignan publiait un livre intitulé « Le Coup d’État simplifié » pour dénoncer cette manœuvre antidémocratique.
Avec Macron, tout s’accélère. Notre « démo-crassie » est une monarchie absolue, que dis-je, une dictature qui ne dit pas son nom. Macron déteste, vomit, méprise le peuple historique de notre pays et il ne s’en cache même pas. Contre le vulgum pecus, tous les coups sont permis !
Ce que nous venons de vivre en est un exemple ; un parmi tant d’autres. On a volé le vote des Français, le choix de ces « Gaulois réfractaires » que Macron insulte régulièrement.
Avant le premier tour des législatives, les partis « fréquentables » se sont alliés sans aucun complexe avec le Nouveau Front Populaire. Puis, lors du second tour, sous l’impulsion notamment de Gabriel Attal, l’ex-majorité macroniste signait, sans état d’âme, des accords de désistement avec LFI et ses alliés dans le cadre d’un « front républicain » pour contrer la poussée électorale du RN. En quoi le RN mérite-il un statut de pestiféré ? Qu’est-ce qui l’exclue de « l’arc républicain » ? En quoi est-il pire que LFI ? Personne n’est capable d’expliquer cette ostracisation avec des arguments rationnels.
Le 20 juillet, la classe politique respectable, dans son obsession d’établir un cordon sanitaire autour du RN, a collaboré avec LFI pour le partage des hautes fonctions à l’Assemblée nationale. Ces gens-là se sont entendus pour le partage des six vice-présidences. Deux sont revenues à LFI, deux à l’ex-majorité macroniste et deux à la droite dite républicaine. L’art de se partager la gamelle !
Pourtant l’antisionisme de LFI est connu de toute la classe politique. On sait que plusieurs leaders de ce parti islamo-gauchiste ont refusé de qualifier de « terroristes » les massacres, les tortures et les enlèvements d’Israéliens du 7 octobre 2023.
Depuis les législatives, la macronie et la droite molle tentent de « rediaboliser » LFI. Ces gens n’ont aucune dignité, aucune pudeur. Ils ont engrangé un maximum de députés grâce à l’entente avec le parti de Mélenchon. Ils ont atteints des sommets en matière de magouille et de tambouille.
Quant au cordon sanitaire autour du RN, privé des deux vice-présidences dont il disposait dans la législature précédente, il relève lui aussi d’un coup d’État « soft ». En effet, qui est capable de nous dire en quoi le RN serait pire qu’il y a deux ans? En quoi est-il plus dangereux pour la démocratie que LFI ? Alors, pourquoi un tel ostracisme ? Pourquoi un parti légal, qui a obtenu plus d’un tiers des suffrages aux législatives, un parti qui a attiré onze millions de votants, est-il frappé de bannissement pour des postes de responsabilité à l’Assemblée nationale, davantage qu’en 2022, alors qu’il a fortement augmenté le nombre de ses élus ? De qui se moque-t-on ?
La véritable raison est simple : le cordon sanitaire permet aux autres partis, de LFI à la droite molle, de se partager le fromage républicain. Tous ces gens vont à la gamelle !
Les véritables bannis, les gueux, les pestiférés, sont les onze millions d’électeurs du RN, qui se voient traités en parias, en sous-hommes ou en proscrits du suffrage universel. En fait, nous sommes devenus cette «vile multitude» que Thiers voulait priver du droit de vote, en 1851.
Les magouilles auxquelles se sont livrés les partis « respectables » alimentent l’écœurement de la politique qui touchent neuf citoyens sur dix, bien au-delà des électeurs du RN. Mais c’est sans doute le but recherché : faire basculer notre démocratie – ou ce qu’il en reste ! – dans le chaos pour mieux nous conduire vers une gouvernance européenne, dans un premier temps, puis mondiale un peu plus tard. La finance apatride qui régit le monde a très peur du réveil des peuples.
Éric de Verdelhan