Les trois organisations de jeunesse de la majorité (Horizons, MoDem, Renaissance) font face à un casse-tête : imaginer la suite d’Emmanuel Macron.
POLITIQUE - Si les voyages forment la jeunesse, celui de la prochaine présidentielle promet des temps agités. Comme leurs aînés, les membres des organisations de jeunes affiliées à Renaissance, au MoDem et à Horizons sont confrontés à un cas de figure inédit sous la Ve République : penser l’héritage politique et la suite d’un chef de l’État, trait d’union entre tous, qui ne peut pas se représenter.
Un enjeu certes encore lointain, mais qui semble se rapprocher au fil des déclarations de chaque prétendant putatif. Ou de leurs soutiens. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, par exemple, a profité de l’été pour affiner ses ambitions pour 2027 avant de mettre en scène sa rentrée, fin août depuis son fief de Tourcoing. « La course aux petits chevaux est bien lancée… », constate ainsi Auguste Ott, le président des Jeunes Démocrates.
Officiellement, il est encore trop tôt pour faire un choix. Ou ne serait-ce qu’y songer. Mais derrière les pudeurs calendaires, motivées notamment par les européennes cruciales en 2024, les différents camps de la majorité n’ont pas tous la même vision de cette course de fond, ni la même stratégie pour la gagner.
2027 est déjà dans toute les têtes
« Les jeunes ont forcément tous en tête 2027, même s’il reste encore quatre ans », nous confirme un cadre du parti d’Édouard Philippe, qui connaît bien ces écuries militantes et viviers à futurs responsables. Pour les « jeunes Horizons », la stratégie s’articule sur deux jambes : œuvrer localement pour continuer à implanter le parti et phosphorer dans les groupes d’idées. Le tout, pour « avancer prudemment mais sûrement » vers la candidature du maire du Havre, lequel entend jouer l’un des rôles principaux de la prochaine présidentielle.
« La figure d’Édouard Philippe fédère beaucoup. Comme sa volonté de ’voir loin pour faire bien’ », explique un responsable local, prudent malgré l’anonymat, à l’image des aînés de son parti, face au « marathon » qui se lance : « nous, ce qui nous intéresse, c’est la manière dont Horizons va continuer à s’affirmer, à porter ses sujets pour le pays. On ne se pose pas la question de qui sera candidat en 2027. »
Une façon de renvoyer le débat à plus tard, comme le veut l’usage en Macronie… Ou de confirmer les ambitions déterminées de l’ancien Premier Ministre. Qui effectivement, imagine à l’heure actuelle une ligne de départ sans la présence du très populaire Édouard Philippe en 2027 ? Pas grand monde au sein de ses troupes.
Les élections intermédiaires comme juge de paix ?
Une forme d’évidence qui semble également s’imposer chez Jeunes Démocrates, le mouvement de jeunesse du MoDem, avec plus ou moins d’acuité. Si la candidature de François Bayrou en 2027 est moins limpide que celle d’Édouard Philippe, les ouailles centristes n’ont pas à se poser la question de l’incarnation post-Macron.
« On a un président de mouvement, François Bayrou, qui n’a pas totalement fait une croix là-dessus. Sur le fond, nous, on reste convaincu qu’on est en capacité de présenter un candidat à la présidentielle », assume Auguste Ott, en désignant les municipales de 2026 comme le point d’orgue des années pré-présidentielle. « Le MoDem a des cartes à jouer, une ou deux de plus que nos alliés Renaissance, pas forcément implanté, et Horizons, en manque d’implantation. »
Une échéance primordiale pour le camp présidentiel, donc. Mais également pour ses différentes chapelles qui pourront se jauger et mettre en avant leurs propres réussites électorales (comme les déboires des maisons concurrentes), quelques mois avant la présidentielle. « Les municipales donneront un poids politique aux différents prétendants à l’Élysée », veut croire également une source chez Horizons. Comme un péage sur la route de l’élection suprême.
« François Bayrou n’a pas totalement fait une croix là-dessus. Sur le fond, nous, on reste convaincu qu’on est en capacité de présenter un candidat à la présidentielle. » Auguste Ott, président des Jeunes démocrates.
Dans ce contexte, le sort du mouvement de jeunesse rattaché à Renaissance apparaît tout autre pour les années à venir, comme le montre d’ailleurs son nom, « Les Jeunes avec Macron ». Avant de réfléchir à l’après, une question tabou dans les rangs, les JAM veulent se faire les gardiens du temple de l’action présidentielle. Quitte à rabrouer les pressés.
Les JAM obligés de changer de nom
Et pour la suite, alors ? « On aura à mener un travail de refondation. Le mouvement de jeunesse de Renaissance continuera d’exister, mais il n’est pas impossible qu’il change de nom », indique Ambroise Méjean, qui évoque un ouvrage à mener en parallèle du soutien à l’action présidentielle, « jusqu’à la dernière seconde. » Les débats autour de la figure de proue pour incarner la suite viendront après. En attendant, le jeune responsable se dit « conscient, comme les macronistes de la première heure » qu’il ne trouvera pas « un personnage politique qui soit plus en adéquation avec ses idées » qu’Emmanuel Macron.
« L’éléphant a vocation à entrer dans la pièce après les élections européennes »
Ambroise Méjean, président des « Jeunes avec Macron »
C’est la toute la difficulté pour les bientôt ex-JAM. « Les Philippistes et le MoDem ont leur candidat, c’est clair pour eux et ça va leur faciliter les choses », résume une conseillère ministérielle. Du côté de Renaissance en revanche la course interne va « forcément laisser des traces, dans la jeunesse aussi. » « On voit déjà certains ministres constituer leur base de soutien chez les élus, ce sera bientôt le cas chez les jeunes », croit-elle savoir.
Une appréhension partagée par un ancien cadre des Jeunes Démocrates, qui ne voit pas cette course interne comme un long fleuve tranquille. Encore moins entre les différents partis. « Penser que tout se fera sans accroc, avec des priorités et des politesses, c’est se tromper sur la nature des prétendants et des militants », prophétise celui qui, toujours élu local et militant au MoDem, assiste aux différentes bisbilles de chapelle qui jalonnent le parcours de cette coalition. Pour lui, ces mois de fritures et d’indécisions risquent au contraire « d’être très douloureux » pour le camp présidentiel avec des partisans « déterminés » de chaque côté. Le voyage se fera donc par gros temps.
Anthony Berthelier