
Le Rassemblement national s’est fermement opposé à la possibilité d’une mutualisation de notre dissuasion nucléaire dans un cadre européen, ou euro-allemand, à propos de laquelle Emmanuel Macron s’est dit prêt à « ouvrir la discussion« . « La dissuasion nucléaire française doit rester une dissuasion nucléaire française (…) On ne doit pas la partager, on doit encore moins la déléguer« , a notamment estimé Marine Le Pen. « Partager le bouton nucléaire avec des Etats européens » relèverait d’une « trahison nationale« , a renchéri lundi Jordan Bardella.
La menace que ferait peser la Russie sur l’Europe est totalement fantasmée par notre classe politique, hors RN. Ceux qui la brandissent sont les mêmes qui nous ont expliqué naguère encore que l’Ukraine allait gagner la guerre, qu’elle avait des armes secrètes imparables et qu’elle allait mener une contre-offensive qui allait mettre KO l’armée russe. Redisons qu’il est évidemment hors de question que Poutine se lance à l’assaut du continent européen, alors qu’il ferraille depuis trois ans contre la petite Ukraine, après avoir annoncé au début de l’opération spéciale qu’il allait conquérir Kiev en trois semaines. Certes, l’Ukraine a été copieusement arrosée de matériel de guerre occidental – la moitié se serait évaporée dans les réseaux de corruption du pays -, mais le différentiel humain entre les deux pays est de l’ordre de 1 à 4 pour Moscou.
Le psychodrame ukrainien a un but évident : aider à l’accouchement d’une Europe fédérale avec intégration communautaire de la force de dissuasion française. Ceux qui veulent nous entraîner dans un conflit majeur avec une puissance nucléaire sont ceux qui, durant ces 40 dernières années, ont soigneusement désarmé la France. L’armée française est totalement incapable de mener une guerre de haute intensité comme l’est le conflit russo-ukrainien, ne serait-ce que parce qu’elle n’aurait que quelques jours de munitions devant elle…
Ce lundi, devant la représentation nationale, Marine Le Pen a rappelé que si nous sommes les alliés des Etats-Unis, nos intérêts ne coïncident pas nécessairement. Elle a par ailleurs demandé que le gouvernement fournisse aux députés le bilan détaillé depuis des aides françaises à l’Ukraine depuis trois ans.
Sur X, Marine Le Pen s’est indignée contre la « Commission européenne [qui] outrepasse totalement ses compétences » alors que sa présidente, Ursula von der Leyen, plaide pour un plan de réarmement européen. La chef de file des députés RN a rappelé que la défense est de la compétence exclusive des Etats-membres et aucunement de la Commission européenne.
Marine Le Pen a minimisé la portée de la joute verbale qui a opposé Trump et Zelensky vendredi dernier dans le Bureau ovale de la Maison-Blanche : « Que des dirigeants de nations puissent se parler avec passion, qu’il puisse y avoir des frictions, qu’il puisse y avoir des mots durs, après tout, c’est assez normal« , a affirmé la députée du Pas-de-Calais, tout en reconnaissant que la publicité de ces échanges ait « pu entraîner une émotion légitime« . Le numéro 2 du groupe RN au Palais-Bourbon, Jean-Philippe Tanguy, lui a emboîté le pas dimanche, estimant que Volodymyr Zelensky « n’a pas été humilié » par son homologue américain. « Aux Etats-Unis, ce sont des pratiques proches de la manière de faire de l’économie, qui n’ont rien de singulier« , a assuré le député de la Somme.
L’attitude provocatrice du président Zelensky est manifeste pour qui se veut tant soit peu objectif : bras croisés, l’air renfrogné, parlant sur ses interlocuteurs… Le président ukrainien est allé jusqu’à marmonner « fils de pute » en russe – sa langue natale – à l’adresse du vice-président Vance. Dans le bureau ovale de la Maison-Blanche…
Les réactions réservées du RN à l’altercation entre Washington et Kiev relancent naturellement les procès en sorcellerie. Les propos de Marine Le Pen ont ainsi été taxés par le parti présidentiel Renaissance d' »éléments de langage envoyés par le Kremlin« . « Marine Le Pen (…) est à la fois liée à Donald Trump et liée à Vladimir Poutine. Donc je comprends qu’elle soit assez satisfaite de ce qui se passe aujourd’hui« , a commenté l’inénarrable François Hollande, lundi. « Ce sont ses deux parrains et ses deux références qui se trouvent aujourd’hui en train de discuter ensemble« , a poursuivi l’ancien président de la République à scooter, appelant « à une prise de conscience politique qui doit nous permettre, en 2027, d’écarter » Marine Le Pen, « l’amie des deux partenaires qui sont prêts à dépecer l’Ukraine« . Le député de la Corrèze, jamais à court d’une p’tite blague, a affirmé vendredi qu’il fallait « faire très mal à Trump » à la suite de l’annonce par ce dernier d’une taxation à 25 % des produits européens.
Si deux Français sur trois estiment que les pays européens devraient continuer à soutenir l’Ukraine en cas d’un accord entre Washington et Moscou inacceptable pour Kiev, moins d’un sympathisant sur deux du RN y souscrit, selon un sondage Ipsos. C’est également l’électorat le moins favorable à l’envoi de soldats européens en Ukraine.
À la question : Si le résultat des négociations que Donald Trump mène avec la Russie est inacceptable pour l’Ukraine et les pays européens, pensez-vous que les pays de l’Union européenne devraient continuer à soutenir l’Ukraine d’un point de vue financier et militaire, sans l’appui des Etats-Unis ? la réponse négative donnée par une majorité de sondés RN tranche par rapport aux autres opinions politiques :

On remarquera que ce sont les sympathisants roses et verts qui sont les plus sensibles à la propagande militariste de l’Otan et affidés, encore plus que les Modem-Renaissance-Horizons.
Les sympathisants RN sont par ailleurs les plus réservés au sujet d’une armée européenne :

Henri Dubost