Pour qui douterait que La France insoumise a quelque chose de stalinien, il suffirait de constater que le parti de Jean-Luc Mélenchon refuse l'investiture à Alexis Corbière, Raquel Garrido et Danielle Simonnet, mais adoube les candidatures d'Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales, et de Philippe Poutou, l’ancien candidat du Nouveau Parti anticapitaliste à l’élection présidentielle.
Les réactions n'ont pas tardé. Clémentine Autain déclare qu'« à La France insoumise, il vaut mieux avoir été condamné pour violences conjugales que d’avoir défendu la démocratie, manifesté contre l’antisémitisme après le 7 octobre et plaidé pour l’union des gauches et des écologistes ». François Ruffin commente, de son côté : « Je ne suis pas passé sous les fourches Caudines de votre bêtise, votre sectarisme. Vous préférez un homme qui frappe sa femme, auteur de violences conjugales, à des camarades qui ont l’impudence d’avoir un désaccord avec le grand chef. Notre démocratie mérite mieux que vous. »
Les candidats évincés dénoncent la purge dont ils sont victimes pour avoir osé critiquer la stratégie du grand chef. « Une obscure commission électorale de LFI a décidé de ne pas m’investir comme candidat. Une punition pour avoir fait entendre des critiques en interne. La honte », écrit Alexis Corbière, sur le réseau X. « Honte sur toi, Jean-Luc Mélenchon. C’est du sabotage. Mais je ferai mieux. Nous ferons mieux », surenchérit Raquel Garrido, tandis que Danielle Simonnet évoque « une purge des député.e.s engagés pour l’unité ». Tous les trois assurent qu'ils se présenteront quand même aux élections.
Adrien Quatennens, le chouchou du patron, un peu gêné aux entournures, se fait tout petit : « À toutes celles et ceux qui s’opposeraient ou douteraient de la pertinence de ma candidature, sachez que je vous comprends. J’espère pouvoir, humblement, et par mes actions, regagner votre confiance. » Certes, la justice est passée et les électeurs jugeront ; mais quand il lance, comme l'a rapporté le journal l'Opinion, un appel aux... « féministes » pour soutenir sa candidature, on se demande s'il n'a pas pété un plomb ou, plutôt, s'il n'est pas prêt à tout pour se faire élire.
Que dire du choix de Philippe Poutou, ancien candidat du NPA à l'élection présidentielle, désigné pour être candidat du « Nouveau Front populaire » dans la 1re circonscription de l’Aude ? « On peut avoir un candidat du NPA », avait confié le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, sur RMC, apparemment prêt à toutes les compromissions, mais le PS local, selon La Dépêche, se dresse contre cette candidature, tandis que Marine Toro (LFI), qui était sur les rangs, salue cette décision : « C’est le signe de l’ouverture du Front populaire et de l’intégration de toutes ses composantes, et c’est très bien. » Faut-il rappeler le communiqué du NPA, au lendemain de l'attaque terroriste du Hamas sur le territoire israélien ? Le NPA apportait, dans ce communiqué, « son soutien aux PalestinienNEs et aux moyens de luttes qu’ils et elles ont choisi pour résister ». Le ministre de l'Intérieur avait annoncé qu'une enquête pour apologie du terrorisme était lancée. Les électeurs de gauche ont-ils oublié cela ? On peut en douter. Comme on peut douter de la pérennité de cette coalition des gauches.
Par ailleurs, à l'autre bout de cette gauche rabibochée pour l'occasion, l’ancien ministre de la Santé d'Emmanuel Macron, Aurélien Rousseau, qui fut aussi l'un des maîtres d'œuvre de la réforme des retraites quand il était directeur de cabinet d'Élisabeth Borne à Matignon, représentera le Nouveau Front populaire dans la troisième circonscription des Yvelines. Et défendra donc l'abrogation de sa réforme ! Cerise sur le clafoutis : on apprenait, ce samedi matin, que François Hollande est candidat aux législatives en Corrèze, soutenu par ce « Nouveau Front populaire »...
Tout ça, me direz-vous, c'est de la tambouille interne, qu'ils se débrouillent entre eux ! Sans doute. Il n'empêche qu'on se demande comment des sociaux-démocrates sincères comme Raphaël Glucksmann ou Carole Delga, présidente de la région Occitanie, acceptent de cautionner une telle cuisine. Il est vrai que face au péril que représenterait l'extrême droite, tout est permis, y compris les voisinages les plus contestables, notamment avec ceux qui refusent de qualifier le Hamas d'organisation terroriste et frôlent l'antisémitisme. Et ce n'est qu'un début. Dans les jours prochains, on assistera à une diabolisation croissante de l'union de la droite nationale, qui correspond, quoi qu'en dise la gauche aux abois, aux attentes d'une majorité de Français.
Philippe Kerlouan