Michel Barnier et son gouvernement seront censurés ce mercredi, sauf revirement improbable. Le président de la République doit rapidement choisir un nouveau Premier ministre. Emmanuel Macron aurait déjà consulté des prétendants.
La France n'est pas sortie de la crise politique qu'elle traverse. Michel Barnier a décidé d'engager la responsabilité de son gouvernement sur l'adoption du budget de la Sécurité sociale, l'opposition devrait donc, comme annoncé ce lundi 2 décembre, voter une motion de censure. La France n'aura donc plus de Premier ministre ni de gouvernement actif mercredi ou jeudi. Voilà qui vient rappeler à ceux qui l'auraient oublié que l'exécutif a toujours été très fragile.
Le choix d'Emmanuel Macron de nommer Michel Barnier à Matignon donnait les clés au Rassemblement national. Sans le soutien tacite du RN, l'artifice ne tient plus, le gouvernement fait face à la réalité politique et arithmétique : sa ligne est très minoritaire à l'Assemblée nationale, les députés des partis d'opposition sont plus nombreux que ceux des partis du "socle commun" de Michel Barnier. Bref, rien d'anormal à ce que le gouvernement tombe à l'issue d'une censure : l'opposition s'oppose, l'Assemblée décide de qui ne gouverne pas. La règle de nos institutions, ni plus ni moins.
Emmanuel Macron le sait très bien, il va donc falloir aller vite pour remplacer Michel Barnier à Matignon. Mais qui choisir et sur quelle ligne ? Le nouveau Premier ministre et le gouvernement qu'il sera chargé de mettre en place devront, s'il veulent tenir et proposer un budget alternatif, s'assurer qu'ils auront le soutien implicite d'une majorité de députés. Nous revenons tout simplement à la même situation institutionnelle qu'avant la nomination de Michel Barnier.
Selon les informations de Politico, le chef de l'État anticipe déjà et a demandé à "un certain nombre de responsables politiques depuis 48 heures" qui pourrait reprendre les dossiers à Matignon. Un "familier de l'Élysée" et un "conseiller haut placé" ont même assuré qu'Emmanuel Macron "consulte déjà" pour trouver un remplaçant à Michel Barnier.
Un nouveau Premier ministre sans censure
Le président de la République devrait rester sur la même ligne qu'auparavant : pour lui, c'est la capacité à assurer la stabilité qui commande. Il lui faut donc trouver un nouveau chef de gouvernement qui ne sera pas immédiatement censuré. La nomination d'un Premier ministre du NFP est donc exclue, puisque l'ensemble des députés de Marine Le Pen et d'Eric Ciotti censureraient le gouvernement, tout comme une très large majorité des députés du bloc central. La facilité pour Emmanuel Macron serait de renouer le deal tacite avec Marine Le Pen. Et il n'est pas exclu qu'une figure d'une droite plus identitaire fasse l'affaire pour Matignon.
Un nom est même évoqué dans le journal La Tribune Dimanche, qui reste à ce stade une hypothèse très incertaine : celui de Bruno Retailleau. Le journal s'interroge sur sa possible nomination, et livre cette confidence : "Le locataire de l'Élysée juge le ministre de l'Intérieur, qu'il ne connaissait pas auparavant, très fiable et respectueux des institutions".*
Avec un tel choix, Emmanuel Macron pourrait laisser les mains libres à celui qui est arrivé place Beauvau en assurant que la régulation de l'immigration devait être une priorité. Celui-là même qui a déclaré publiquement que l'immigration n'était "pas une chance" et que la politique pénale devait être revue en profondeur. Une ligne qui pourrait convaincre Marine Le Pen pour s'abstenir de toute censure... jusqu'au prochain désaccord.
Reste un scénario qu'on ne peut exclure aujourd'hui : qu'Emmanuel Macron propose une autre équation à une partie de la gauche. Pourrait-il proposer Matignon à une figure socialiste, qui serait soutenue par l'ensemble du bloc central et par une partie des députés de l'actuel NFP ? Une porte de sortie de crise possible, mais qui acterait une fracture définitive au sein du NFP et un schisme avec LFI.
Fabien Dabert