Depuis l’élection de Philippe Gaudin, la municipalité du Val-de-Marne s’effrite de partout, au point que la ville pourrait être placée sous tutelle de l’Etat
Les administrés de Villeneuve-Saint-Georges ne s’attendaient certainement pas à ce coup de projecteur. Depuis samedi, la ville de 33.000 habitants du Val-de-Marne est citée dans tous les médias après que son maire, Philippe Gaudin a fait un salut nazi accompagné d’un « Heil » en plein conseil municipal.
Accusé d’alliance avec l’extrême droite pour son élection en 2020, le maire divers droite a depuis présenté ses excuses. Au conseil municipal d’abord, puis dans plusieurs médias, évoquant d’abord une « boutade » et un « geste malheureux ». Ce lundi encore, le fautif a posté une vidéo d’explication sur ses réseaux sociaux.
Trop tard. Alors que des élus de sa propre majorité demandent sa démission, la préfète du Val-de-Marne a saisi le procureur de la République de Créteil.
« L’affaire du salut nazi » pourrait être l’épilogue de l’un mandat des plus tourmenté pour l’édile. Des montagnes russes qui ont commencé dès 2014. Déjà candidat UMP à l’élection municipale, Philippe Gaudin avait perdu le soutien de son parti après avoir annoncé une alliance avec la liste Front national pour le second tour de l’élection perdue face à la maire sortante Sylvie Altman.
« Plan Marshall » et des décisions « dans son coin »
Revenu à la charge en 2020, il remporte l’élection avec 61,67 % des suffrages au second tour, face à la même Sylvie Altman, aujourd’hui conseillère de l’opposition. Dès le début de ce mandat fuitent les mésententes internes au sein du conseil municipal. Le nouveau maire se voit reprocher une gestion solitaire, des décisions prises « dans son coin » sans même consulter sa propre majorité, dénoncent des élus de l’opposition.
En février 2022, Philippe Gaudin fait parler de lui au plus haut niveau de l’Etat, cette fois pour défendre sa Villeneuve-Saint-Georges en demandant un « plan Marshall » pour sa commune, alors la plus défavorisée du département du Val-de-Marne avec un taux de pauvreté estimé à 34 %, 45 % de logements sociaux et des fonds manquants pour rénover les immeubles et les écoles. Il ira jusqu’à rencontrer le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, pour obtenir un investissement de l’Etat dans un nouveau commissariat.
Mais ce coup médiatique n’améliorera pas la position du maire au sein de la majorité. En avril 2023, alors que les élus doivent voter le budget, une grande partie des conseillers municipaux de la majorité ne se déplacent pas. Pour cause, le groupe s’entre-déchire entre un camp soutenant Philippe Gaudin et l’autre, son adjointe, Kristell Niasme en désaccord sur de très nombreux points.
Après avoir déjà retiré ses délégations à cette dernière, le maire inscrit à l’ordre du jour l’éviction de l’élue. C’en est trop pour les conseillers municipaux qui avaient déjà tiré la sonnette d’alarme après la diffusion, quelques jours plus tôt, sur les réseaux sociaux d’une discussion à laquelle participe le directeur de cabinet du maire dans laquelle il évoque dans des propos jugés grossiers et sexistes la première adjointe mais aussi l’ex-adjoint à la jeunesse et une agente communale.
Le maire perd sa propre majorité
Résultat : Une guerre interne déclarée et un budget non voté. Et l’ambiance ne va pas s’améliorer en septembre 2023, lorsque les policiers en cybercriminalité de la police judiciaire se rendent dans les bureaux de l’hôtel de ville. Le directeur des services informatiques est en effet visé par une plainte car soupçonné d’avoir mis en place un système permettant d’accéder aux boîtes mails de la collectivité. Une vingtaine d’agents et d’élus auraient été espionnés. S’il se félicite de la procédure, le maire se refuse à suspendre le mis en cause, faisant grincer des dents de nombreux élus de tous les camps.
C’est en novembre dernier qu’est atteint le point de non-retour. Le 16 du mois, en conseil municipal extraordinaire, les 22 élus du conseil votent en faveur d’un retrait de l’ensemble des délégations de Philippe Gaudin. Outre son isolement dans la majorité, le maire se voit reprocher sa gestion des affaires de la ville avec certains dossiers comme celui de l’école Paul-Bert, « qui devait coûter 12 millions d’euros » et aujourd’hui « estimée à 26 millions. C’est une décision seule du maire. Il va la construire dans une zone très inondable » selon Birol Biyik, conseiller municipal d’opposition cité par BFM Paris.
La commune pourrait être placée sous tutelle de l’Etat
Ce samedi 20 avril, avant son salut nazi, le maire avait proposé de retirer sa proposition d’augmentation de la taxe foncière de 3 % en échange de la suppression des indemnités des élus (la sienne comprise) provoquant de vives réactions dans le conseil. Repoussant, une nouvelle fois, le vote du budget de la ville. Un prochain conseil est programmé à ce jeudi 25 avril, mais l’ordre du jour déjà envoyé ne prévoit pas de parler du budget.
Malgré cela, et le gel de toutes les affaires et vote de budget de la ville, Philippe Gaudin a toujours refusé de démissionner, comme le demandent les élus du conseil municipal.
En attendant, la préfecture a saisi la chambre régionale des comptes, qui serait chargée d’établir le budget. Si la proposition établie par les experts n’est toujours pas adoptée par les élus villeneuvois, l’État pourrait alors mettre la commune sous tutelle.
Romarik Le Dourneuf