Le président français a déclaré, mardi (28 mai), que Kiev devrait pouvoir attaquer certains sites militaires basés en Russie qui servent eux-mêmes de bases pour lancer des missiles sur le territoire ukrainien. Autrement, « on leur dit “on vous livre des armes, mais vous ne pouvez pas vous défendre” ».
M. Macron s’est exprimé lors d’une conférence de presse aux côtés de l’Allemand Olaf Scholz, quelques minutes avant le début d’un conseil des ministres franco-allemand à Meseberg. La réunion a également marqué la fin de la visite officielle de l’État français.
Il a réaffirmé que la doctrine de la France à l’égard de l’Ukraine restait inchangée : « Nous soutenons l’Ukraine pour résister et défendre son territoire, et nous ne voulons pas d’escalade. »
Mais les stratégies militaires de la Russie se sont adaptées, a-t-il ajouté, de sorte que des missiles sont désormais lancés sur l’Ukraine à partir de bases militaires situées en Russie.
« Comment pouvons-nous expliquer aux Ukrainiens qu’ils doivent protéger leurs villes, [notamment] Kharkiv, si nous leur disons en même temps qu’ils ne peuvent pas cibler les bases à partir desquelles les missiles russes sont lancés ? »
Mardi 28 mai, M. Macron a donné son feu vert à l’Ukraine pour « neutraliser les sites militaires d’où sont tirés les missiles ». « Mais on ne doit pas permettre de toucher d’autres cibles en Russie et évidemment des capacités civiles »
Ces propos font écho aux commentaires du secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, à The Economist la semaine dernière, selon lesquels certaines restrictions de l’UE devraient être levées et l’Ukraine devrait être libre de frapper jusqu’à la Russie.
« Surtout aujourd’hui, alors que de nombreux combats se déroulent à Kharkiv, près de la frontière, refuser à l’Ukraine la possibilité d’utiliser ces armes contre des cibles militaires légitimes sur le territoire russe rend très difficile sa défense », a déclaré M. Stoltenberg.
Olaf Scholz soutient le statu quo
Les dirigeants européens se sont jusqu’à présent abstenus de permettre à l’Ukraine de frapper le territoire russe, une situation que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a jugée « injuste » plus tôt dans la journée de mardi, en demandant à l’Union européenne de « nous donner l’autorisation de le faire [frapper jusqu’en Russie] ».
L’affaire soulève également des questions pressantes pour l’Allemagne, qui a fourni à l’Ukraine des pièces d’artillerie à longue portée qui permettraient de cibler l’artillerie basée en Russie. Le lance-roquettes Mars II peut atteindre des cibles situées à plus de 80 kilomètres.
La conférence de presse qui a marqué la fin du voyage de Emmanuel Macron en Allemagne a souligné qu’il subsiste des différences marquées entre les approches des plus grands États membres de l’UE en matière de soutien à l’Ukraine.
Le chancelier Olaf Scholz a semblé réaffirmer son hésitation à modifier les accords actuels avec l’Ukraine concernant l’utilisation d’armes occidentales derrière les lignes ennemies.
« Les États-Unis, l’Allemagne et la France ont élaboré des règles qui stipulent que l’utilisation des armes occidentales doit toujours s’inscrire dans le cadre du droit international. Cela a bien fonctionné dans la pratique jusqu’à présent et continuera certainement », a déclaré M. Scholz.
Il a ainsi fait écho à ses propres commentaires de dimanche (26 mai), lorsqu’il a souligné que les « règles claires » actuelles pour l’utilisation des armes allemandes « fonctionnent ».
La question de la défense aérienne européenne commune a encore souligné que les approches des deux pays en matière de sécurité nationale sont très différentes. M. Macron a pratiquement exclu que la France rejoigne l’initiative baptisée « bouclier du ciel européen » (European Sky Shield Initiative, ESSI) dirigée par l’Allemagne pour l’acquisition commune d’équipements de défense aérienne.
« C‘est aussi vieux que le couple franco-allemand de dire qu’il est en crise », a souligné M. Macron, interrogé sur les désaccords bilatéraux et interpersonnels. « Nous nous mettons toujours d’accord et nous avançons. Et d’ailleurs, si nous sommes là, c’est que nous avons avancé, survécu aux crises et bâti l’avenir. Mais sans jamais être les mêmes ».
Après la conférence de presse, les deux dirigeants devraient poursuivre les discussions sur les questions de sécurité avec les ministres concernés lors d’une réunion du Conseil franco-allemand de sécurité et de défense.
Nick Alipour et Théo Bourgery-Gonse