Le 1er janvier 1959, les reporters de Paris-Match, Daniel Camus et Marie-Hélène Viviès sont en voyage de noces à Cuba quand la guérilla de Castro surprend La Havane. Nos tourtereaux posent illico leurs mojitos et se jettent alords dans un chaos… historique !
Depuis des heures, Marie-Hélène Viviès est cloîtrée dans sa chambre du mythique hôtel Sevilla de La Havane, allongée à même le sol, sur l’épaisse moquette. « Ils tirent sur tout ce qui bouge aux fenêtres », lance-t-elle aux dactylos de Paris Match, le combiné du téléphone vissé à l’oreille. Son récit est aussi fiévreux que les premières heures de la révolution cubaine. Avec le photographe Daniel Camus, ils sont parmi les seuls journalistes sur place, ce 1er janvier 1959 : la guérilla de Fidel Castro n’a pas seulement renversé le régime, elle a aussi interrompu… leur voyage de noces.
Mariés début décembre à Paris, Marie-Hélène et Daniel s’envolent de New York vers Cuba à la veille du Nouvel An. L’avion est presque vide. Les touristes américains ont déserté le Las Vegas couleur caraïbe édifié par le dictateur Fulgencio Batista avec la complicité de la mafia de Chicago. Casinos, prostitution, rhum et cigares font moins recette depuis que les « barbudos » marxistes se rapprochent dangereusement de la capitale.
Pas de quoi effrayer nos jeunes mariés, au contraire. « Il ne faut jamais perdre de vue que nous sommes avant tout des journalistes », souffle Daniel à son épouse avant le départ. Le couple compte, la lune de miel passée, rejoindre le maquis de la Sierra Maestra, à l’autre bout de l’île, pour y rencontrer les rebelles et « voir comment ils font la guerre ». D’une pierre deux coups, ils promettent à Paris Match un récit d’aventures romanesque et romantique.
La « révolution », ce volcan sur lequel dansait La Havane.
Mais avant cela : fiesta ! Pour le réveillon, le couple, sur son trente et un, a pris une table au célèbre cabaret Tropicana. Salsa, mambo, daiquiris, mojitos et, à minuit, grand lâcher de colombes. Entre les éclats de rire, pourtant, toutes les conversations tournent autour de la « revolucion », dit Marie-Hélène, ce « volcan sur lequel dansait La Havane en cette nuit de la Saint-Sylvestre ».
Le régime cubain vit une joyeuse apocalypse jusqu’au petit matin. « C’est à 6 h 30, à l’heure où le réveillon aurait dû s’achever, que la nouvelle a éclaté. Nous dansions encore. Daniel m’a entraînée par la main jusqu’à un poste de radio autour duquel les gens s’amassaient : Batista s’était enfui. » Le dictateur, apprenant la victoire du Che à Santa Clara et la capture de ses troupes envoyées en dernier recours, a jugé préférable de s’envoler pour Saint-Domingue.